Ouvertures en série de centrales solaires au Sénégal
Ouvertures en série de centrales solaires au Sénégal
Par Amadou Ndiaye, Matteo Maillard (Dakar, envoyés spéciaux)
Traversée d’une Afrique bientôt électrique (21). Le pays ambitionne de devenir le leader des énergies vertes en Afrique de l’Ouest.
Le Sénégal ne cesse de battre ses propres records dans la course aux énergies renouvelables. Douze jours à peine après avoir lancé, le 22 octobre, Senergy 2, la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Ouest avec 75 000 panneaux photovoltaïques produisant 20 mégawatts (MW), voilà qu’une nouvelle centrale, riche de 11 000 panneaux supplémentaires et produisant 22 MW d’énergie solaire, voit le jour à l’ouest du pays.
C’est à Malicounda dans le département de Mbour, à 84 km de Dakar, qu’a été inaugurée cette centrale début novembre. Comme la précédente, elle a bénéficié de la présence du président sénégalais Macky Sall, débarqué sous les acclamations de la foule, la rumeur de tams-tams, la musique et la danse.
La centrale de Malicounda est implantée sur 100 hectares, dont 45 sont aujourd’hui aménagés. Soit 86 000 panneaux solaires qui s’étendent à perte de vue. Grâce à la technologie adoptée par le groupe italien Solaria qui permet la conversion directe des rayons du soleil en électricité, la centrale fournira chaque année 22 MW au réseau national. Ce qui représente la consommation d’environ 9 000 concessions.
Doubler la capacité énergétique du pays
« Le Sénégal a choisi de développer le mix énergétique, avec l’option de faire de l’énergie propre pour réduire dans un futur proche le coût du kilowattheure (kWh) et de fournir aux Sénégalais de l’énergie électrique en qualité et en quantité (…). Dans notre option, le solaire jouera un rôle important avec des coûts de production de plus en plus compétitifs », a déclaré le président Macky Sall, du haut de la tribune officielle face à un public qui a du mal à tenir tranquille. Les cris, mêlés aux applaudissements entretenus par des personnes arborant des tee-shirts à l’effigie de Macky Sall, ont ponctué chaque phrase du chef de l’Etat.
Aujourd’hui encore, 45 % des Sénégalais n’ont pas accès à l’électricité (20 % dans les villes, 60 % en zones rurales). Un retard que le président Sall souhaite combler en doublant la capacité énergétique du pays : « De 573 MW en 2011-2012, la puissance totale de notre parc énergétique a aujourd’hui atteint une puissance de 821 MW. Notre objectif est d’atteindre 1 264 MW en 2019 », confiait-il lors de l’inauguration de Senergy 2.
La centrale de Malicounda est le fruit d’un contrat de concession de vingt-cinq ans entre la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec) et des investisseurs italiens avec, à leur tête, le groupe Solaria. L’installation de la centrale a nécessité un apport d’investissement du groupe Solaria de 22 milliards de francs CFA (30 millions d’euros). « Nous avons tenu à bien indemniser les villageois, sans compter le coût du terrain et la partie donnée à notre actionnaire, la mairie de Malicounda », a expliqué Paolo Carlo Regano, PDG du groupe Solaria.
20 % d’énergie renouvelable pour 2017
A l’instar de Senergy 2, un accent particulier a été mis sur le développement d’un modèle économique, social et environnemental inclusif. Le personnel de la centrale est composé à 99 % de Sénégalais et ce sont au total soixante emplois qui ont été créés, dont trente pérennes. Il est à noter que la mairie de Malicounda détient 5 % des actions du groupe Solaria et le maire de la localité est le président du conseil d’administration.
Après l’ouverture de ces deux centrales, pas question de s’arrêter en si bon chemin. Le gouvernement sénégalais s’est fixé comme objectif 20 % d’énergies renouvelables pour 2017 dans son Plan Sénégal émergent (PSE) et semble en mesure de tenir son pari, grâce à la mise en valeur progressive d’un potentiel d’énergie solaire impressionnant. Le taux d’ensoleillement sénégalais étant environ deux fois supérieur à celui de la France.
Le directeur des grands projets de la Senelec, Issa Dione, a ainsi dévoilé à Malicounda l’arsenal de centrales solaires que le Sénégal compte réceptionner en 2017. Il y aura d’abord Santhiou Mékhé (région de Thiès) 29,5 MW, puis Kahone (région de Kaolack) 20 MW, ensuite Sakal (région de Louga) 20 MW et finalement Dias (région de Dakar) 15 MW. Soit au total 113,5 MW qui viendront s’ajouter aux 821 MW existants. A cette production solaire, il faudra aussi compter avec celle prévue à 150 MW du futur parc éolien de Taïba Ndiaye.
Ces efforts viennent confirmer la volonté du Sénégal de devenir une plateforme de la production d’énergie verte dans la sous-région. Selon Issa Dione, la mise en service de ces centrales solaires va permettre à la Senelec d’éviter de générer 175 millions de tonnes de C02 par an. Elle pourrait aussi entraîner une baisse des coûts de production pour le gouvernement qui, jusqu’en 2015, versait à la Senelec une subvention annuelle de plusieurs dizaines de millions d’euros. L’entreprise publique pourra pour la première fois s’en passer grâce à la mise en service des centrales de Bokhol et de Malicounda et en prévision de l’ouverture des quatre autres centrales en 2017.
Cette augmentation en capacité énergétique permettra sans doute à terme de diminuer aussi le coût de l’électricité pour les foyers sénégalais qui paient aujourd’hui l’une des factures d’électricité les plus élevées de la sous-région à environ 120 francs CFA le kWh (0,18 euro/kWh), soit le double du kWh ivoirien. Lors de l’inauguration de Senergy 2, le président Sall a ainsi demandé à la Senelec et à son ministre de l’énergie de « réfléchir sérieusement à la possibilité de réduire le prix du courant d’ici le mois de janvier », recueillant les applaudissements nourris de la foule. Nul doute qu’à l’approche des législatives de 2017, la réduction du prix de l’électricité, thème hautement sensible dans la sous-région, aura force de conviction politique.
A l’occasion de la COP22 qui se déroule à Marrakech du 7 au 18 novembre, Le Monde Afrique a réalisé la série Traversée d’une Afrique bientôt électrique en allant voir, du Kenya au Maroc, en passant par le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou le Sénégal, l’effort d’électrification du continent.
Le sommaire de notre série Traversée d’une Afrique bientôt électrique
A l’occasion de la COP22 qui s’est déroulée à Marrakech du 7 au 18 novembre, Le Monde Afrique a réalisé une série d’une vingtaine de reportages qui vous emmèneront au Kenya, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Sénégal et au Maroc pour découvrir l’impact d’un effort d’électrification du continent sans précédent.