Après plus de quatre années de négociations, le Congrès colombien a finalement ratifié l’accord de paix avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), mettant fin à cinquante-deux ans de conflit armé.

Dans la soirée du mercredi 30 novembre, les 130 députés colombiens présents, sur un total de 166, ont voté à l’unanimité en faveur de ce texte, renégocié pour y inclure des propositions de l’opposition, après son rejet par référendum le 2 octobre.

Un processus d’adoption mouvementé

Il aura fallu plus de quatre ans de négociations pour aboutir à cette ratification, qui n’emporte toujours pas l’adhésion de l’opposition colombienne. La dernière version du texte, signée le 24 novembre par le président Juan Manuel Santos et le chef de la guérilla marxiste des Farc, Rodrigo Londoño, avait été approuvée, mardi, au Sénat par 75 voix pour et 0 contre.

Les étapes ont été nombreuses avant de parvenir à ce que le président Juan Manuel Santos a qualifié d’« historique soutien à l’espérance de paix des Colombiens ». Invités à se prononcer par référendum sur une version précédente du texte, les Colombiens l’avaient rejeté à une très courte majorité le 2 octobre. Le scrutin avait été marqué par une abstention record de plus de 62 % et le « non » l’avait emporté avec à peine plus de 50 000 voix d’avance.

Les négociateurs s’étaient ensuite de nouveau réunis pendant six semaines à La Havane, à Cuba, siège des négociations de paix depuis 2012. Le « front du refus », emmené par l’ancien président conservateur Alvaro Uribe, avait soumis une liste de quelque 500 objections et propositions.

A l’issue de ce nouveau round de pourparlers, les partisans de l’accord avaient estimé qu’il avait été « profondément remanié », ses détracteurs dénonçant, eux, des changements mineurs.

Ce que prévoit l’accord

Le document de quelque 300 pages prévoit le désarmement des Farc et leur transformation en parti politique. L’opposition, menée par le Centre démocratique (CD, droite), dirigé par l’ex-président Alvaro Uribe, qui était contre la ratification par le Congrès et réclame un nouveau référendum, déplore l’« impunité totale » et l’éligibilité politique accordées aux guérilleros coupables de crimes graves avant qu’ils aient purgé leur peine.

Sur ce dernier point, le président Juan Manuel Santos avait déclaré, en présentant la nouvelle mouture du texte mi-novembre, que « les Farc sont une émanation de la politique et leur but dans le futur est de faire de la politique sans les armes ». Même coupables de crimes graves, les chefs de la guérilla ne seront pas emprisonnés. Ils purgeront des peines « restrictives de liberté » et pourront se présenter au Congrès à parir de 2018.

Plusieurs changements substantiels sont toutefois intervenus entre la première et la deuxième version du texte :

  • Le tribunal spécial de paix prévu dans la première mouture est maintenu, mais ses contours sont modifiés. Aucun magistrat étranger n’y siégera. Seuls les chefs d’entreprise ayant joué un rôle « déterminant » dans le financement des milices paramilitaires auront à répondre de leurs actes.
  • La nouvelle version du texte prévoit que les FARC effectuent un inventaire de leurs biens dans le cadre de la réparation aux victimes. Les conditions des « peines restrictives de liberté » applicables aux combattants démobilisés ont, par ailleurs, été précisées : ils ne pourront pas sortir de la localité qui leur aura été assignée.
  • Enfin, contrairement à ce que prévoyait la version précédente, l’accord ratifié ne sera pas inscrit dans le bloc de constitutionnalité. Le texte définitif prévoit que l’accord ne puisse être modifié pendant douze ans mais il ne protège pas les Farc de modifications ultérieures.

Les étapes de sa mise en œuvre

Une fois l’accord ratifié, il revient maintenant au Congrès de légiférer sur sa mise en application, en commençant par la loi d’amnistie des guérilleros pour leur permettre de se déplacer vers les zones où ils déposeront leurs armes, sous supervision de l’Organisation des Nations unies (ONU) Plusieurs étapes doivent encore être mises en œuvre.

Sur le plan législatif, pour garantir le respect de l’accord, le gouvernement va présenter au Congrès une douzaine de projets de loi. Le premier concernera l’amnistie des guérilleros afin qu’ils rejoignent les zones de concentration sans être arrêtés par les forces de l’ordre. Viendront ensuite les textes sur le tribunal spécial de paix et sur la participation politique des Farc, amenées à se transformer en parti.

Dans les cinq prochains jours, les membres des Farc doivent commencer à rejoindre les 27 zones de concentration, où ils vont vivre pendant six mois et déposer les armes. La guérilla a jusqu’à la fin de l’année pour se concentrer.

Les Farc vont remettre au Mécanisme tripartite de contrôle et vérification, qui comprend des représentants de la guérilla, du gouvernement et de l’ONU, un inventaire de toutes les armes en leur possession au « Jour J + 5 » (à compter du 1er décembre). Les armes artisanales ou détériorées seront détruites, les autres seront remises progressivement par les guérilleros dans un délai de 150 jours.

Sur le plan politique, les Farc vont désigner trois porte-parole au Sénat et trois à la Chambre des représentants. Ces six représentants n’auront pas le droit de vote et ne participeront qu’aux débats sur les projets de loi d’application de l’accord de paix ou de réforme constitutionnelle destinée à le sécuriser.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web