Les sujets qui divisent les candidats de la primaire à gauche
Les sujets qui divisent les candidats de la primaire à gauche
Par Adrien Sénécat
Economie, environnement, Europe… Tour d’horizon des fractures au sein de la famille socialiste qui devraient être au centre des débats de la primaire.
Après un automne largement sous le signe des débats à droite, la primaire de la gauche va fortement peser sur le climat politique au cœur de l’hiver. Première étape ce jeudi 1er décembre avec l’ouverture de la période de dépôt des candidatures, qui se terminera le 15. Mais contrairement aux écologistes et aux Républicains, qui étaient d’accord sur les grandes lignes de la politique à mener et s’opposaient surtout sur des questions de méthode et de dosage, les socialistes et leurs alliés abordent cette échéance avec de sérieuses divergences sur le fond. Tour d’horizon des principaux débats qui agiteront la gauche d’ici aux votes des 22 et 29 janvier.
La ligne économique
C’est l’une des fractures les plus évidentes à gauche aujourd’hui. La politique économique de François Hollande et Manuel Valls cumulant réduction du déficit, baisse des charges pour les entreprises et réforme du droit du travail via la loi El Khomri a été contestée par sa famille politique tout au long du quinquennat par les « frondeurs » socialistes.
Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web
De fait, plusieurs candidats déclarés défendent une ligne complètement opposée. Arnaud Montebourg veut par exemple la « fin de l’austérité », c’est-à-dire l’abandon du plafond de 3 % de déficit public et appelle à une baisse d’impôts pour les ménages. Benoît Hamon, quant à lui, estime que « notre modèle de développement est dépassé, on court derrière un demi-point de croissance et on lui sacrifie le code du travail et nos modèles sociaux ».
Gérard Filoche, quant à lui, entend relancer la consommation en augmentant nettement le smic brut, en le passant de 1 467 euros aujourd’hui à 1 800 en 2022. Alors que le gouvernement actuel a tranché en faveur d’une politique de l’offre, lui défend une politique de la demande.
Le rôle de l’Etat
Contrairement aux candidats de la primaire à droite, pas question à gauche d’engager des suppressions massives d’emplois publics (François Fillon prévoit ainsi 500 000 postes en moins en cinq ans). Mais là où François Hollande et Manuel Valls ont tenu une sorte de ligne de crête en conjuguant baisse du déficit et préservation du modèle social français, certains candidats à la primaire veulent au contraire renforcer le rôle de l’Etat.
Là où la loi El Khomri a facilité le recours aux heures supplémentaires au-delà de 35 heures, Gérard Filoche propose ainsi de passer à 32 heures. Il souhaite également l’instauration d’un salaire maximal (20 fois le smic), un blocage des loyers, l’encadrement des tarifs bancaires, un retour à la retraite à 60 ans sans décote, etc.
Arnaud Montebourg défend lui aussi un « Etat fort », qui puisse par exemple « nationaliser temporairement ou partiellement les banques ». Ou finance un plan de rénovation thermique des bâtiments, à hauteur de 100 milliards d’euros sur cinq ans pour « faire repartir fortement les PME du bâtiment et du secteur des travaux publics ».
Benoît Hamon, quant à lui, souhaite financer un « revenu universel d’existence » versé à l’ensemble des Français de plus de 18 ans qui sera d’abord l’équivalent du RSA socle actuel (524 euros) avant de passer à 750 euros par mois. Une mesure qui coûterait « autour de 300 milliards d’euros », estime-t-il. La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann défend une proposition similaire.
Mais François Hollande pourrait lui aussi formuler des propositions sur le même terrain. Selon L’Obs, le président réfléchit à l’idée d’un patrimoine universel, c’est-à-dire un prêt garanti par l’Etat que chacun pourrait utiliser à sa guise, par exemple.
L’Europe
Douze ans après le référendum sur le traité constitutionnel, la question européenne continue de diviser dans la famille socialiste. Face à un François Hollande qui promettait de renégocier le traité européen sans finalement y parvenir, certains candidats veulent faire de la réorientation de la politique européenne une priorité.
Arnaud Montebourg souhaite une remise en cause des traités actuels et martèle qu’il est prêt à aller « casser de la vaisselle » à Bruxelles pour ce faire et défend les intérêts du « Made in France ». Une ligne que Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan ne renient pas.
Le son de cloche est similaire chez Gérard Filoche, qui entend « faire sauter le verrou de la politique libérale de l’Union européenne ». Selon lui, la France a les moyens de se faire entendre car il n’est « pas possible de [la] traiter (…) avec la même cruauté que la Grèce. C’est une question de rapport de forces. »
L’environnement
La question environnementale devrait également s’inviter dans les débats de la primaire à gauche, et plus fortement qu’à droite. D’abord parce que l’un des candidats déclarés, François De Rugy, est un ancien membre d’Europe Ecologie - Les Verts et entend miser sur cette fibre pour se distinguer.
Mais aussi parce qu’au moins deux autres candidats lui disputent cette casquette. Benoît Hamon, d’abord, qui a fait de ses « 12 propositions pour une transition écologique » un des premiers axes de sa campagne. Il y regrette que la France maintienne « depuis plusieurs décennies », droite et gauche confondues, une « certaine tolérance aux dégâts que nos comportements causent sur notre environnement, notre santé et notre cadre de vie ». Concrètement, il propose la sortie du diesel à horizon 2025, fixe pour objectif d’atteindre 50 % d’énergie renouvelable à la même date, ou encore veut lutter contre les pesticides et les perturbateurs endocriniens. Autant de mesures que ne renierait pas le candidat d’EELV, Yannick Jadot.
Arnaud Montebourg, critiqué un temps pour ses positions fluctuantes sur le gaz de schiste, veut lui aussi s’adresser à l’électorat écologiste. Il tente ainsi de verdir son « Etat fort » avec ses propositions sur la rénovation thermique, clamant que l’écologie doit devenir le « carburant de la nouvelle croissance ». Mais il reste favorable au nucléaire comme énergie de transition vers le renouvelable.
S’il a dû enterrer l’écotaxe et peine à réaliser ses promesses de fermetures de réacteurs nucléaires promises, François Hollande tiendra vraisemblablement, s’il est bien candidat, à défendre son bilan environnemental. Il pourrait notamment rappeler l’adoption de la loi sur la transition énergétique, ou essayer de se placer au-dessus de la mêlée en vantant les accords de Paris sur le climat.