« La décision de François Hollande ouvre plus de portes qu’elle n’en ferme »
« La décision de François Hollande ouvre plus de portes qu’elle n’en ferme »
Nicolas Chapuis, qui codirige le service politique du « Monde », a répondu aux questions des internautes sur le renoncement du président de la République à briguer un second mandat.
Au lendemain de la décision de François Hollande, jeudi 1er décembre au soir, de renoncer à briguer un second mandat, Nicolas Chapuis, qui codirige le service politique du Monde, a répondu aux questions des internautes sur cette décision inédite dans l’histoire de la V e République. Et sur ses conséquences à court et moyen terme, dans le cadre de la primaire de la gauche programmée pour les 22 et 29 janvier en vue de la présidentielle.
Luxe calme et volupté : Quelles chances réelles a Manuel Valls compte tenu de son score médiocre à la dernière primaire de la gauche (5 % en 2011) ?
Nicolas Chapuis : Nous n’allons pas lancer ici un concours de pronostics. Mais il est certain que si la voie se dégage un peu pour Manuel Valls, ce n’est pas non plus une autoroute vers la victoire. Le premier ministre n’a jamais été, comme François Hollande, au centre de gravité du PS. Ses positions ont souvent été rejetées par le cœur des militants. Qu’en sera-t-il auprès d’un électorat plus large de sympathisants socialistes ?
Arnaud Montebourg et Benoit Hamon sont également deux adversaires avec lesquels il faudra composer. Le premier ministre sera peut-être contesté par un autre candidat venu du gouvernement. Enfin, on se posera les mêmes questions que pour la primaire de la droite : qui va venir voter ? Combien de personnes vont se déplacer ? Bref, les inconnues sont encore nombreuses. La défection de François Hollande ouvre une grande période d’incertitude à gauche. Les sept prochaines semaines risquent d’être mouvementées.
yves : Pourquoi il n’y a pas eu de deal entre Hollande et Valls pour « les deux à la primaire » et « sans agression majeure » ?
Nicolas Chapuis : La situation aurait été ubuesque : un président et son premier ministre qui dirigent le pays depuis des années ensemble face à face dans une primaire ? On allait tout droit vers la crise de régime.
Erca : Est-il vrai que Ségolène Royal et les enfants de François Hollande ont eu un rôle déterminant dans sa décision ?
Nicolas Chapuis : Oui manifestement les doutes exprimés par Ségolène Royal, qui a été sa compagne pendant des années et qui a un sens politique que François Hollande respecte, ont pesé dans la balance. Le message de ses enfants a également été entendu.
max : De votre côté, avez-vous été surpris de la décision ?
Nicolas Chapuis : Il est toujours surprenant de voir un homme, qui a voué toute sa vie au combat politique, reculer devant un ultime défi. Même si ces dernières semaines les indices s’accumulaient en faveur d’un renoncement, j’avais du mal à croire qu’il n’irait pas, que le candidat qui sommeille en lui ne finirait pas par prendre le dessus. Vous dire le contraire ne serait pas honnête.
joe lindien : La décision de F. Hollande est-elle irrévocable ?
Nicolas Chapuis : par définition, on peut toujours revenir sur sa parole. Mais en l’état, il semble compliqué pour François Hollande de revenir sur une déclaration solennelle faite devant 12 millions de personnes et approuvée par une grande majorité des Français.
Rombo : Emmanuel Macron peut-il concourir a la primaire de la gauche, techniquement, mais aussi idéologiquement ?
Nicolas Chapuis : techniquement oui, il lui suffit de rejoindre avec son mouvement En Marche ! la Belle Alliance populaire de Cambadélis. Idéologiquement, il ne semble pas très éloigné sur beaucoup de points (notamment économiques) d’un candidat comme Valls. En revanche, stratégiquement, il estime qu’en allant dans le processus de primaire de la gauche, il se normalise et perd son statut d’ovni de la politique. Pour l’heure, il répète à qui veut l’entendre qu’il n’ira pas à la primaire.
Casa35 : Bonjour, y a-t-il une chance que Jean-Luc Mélenchon se présente à la primaire de gauche ?
Nicolas Chapuis : A l’heure actuelle aucune. Il considère qu’il y a entre lui et la gauche de gouvernement des désaccords irréconciliables. Et sa stratégie d’aller seul de son côté à la présidentielle semble pour l’instant validée par le scénario. C’est aujourd’hui le seul candidat identifié à gauche avec un agenda clair.
Eric1 : Un remaniement ministériel est-il plausible à cinq mois des élections ?
Nicolas Chapuis : Tout à fait. Manuel Valls, s’il décide de démissionner, provoquerait automatiquement un tel scénario. Il aurait indiqué en privé à d’autres ministres dès mercredi qu’il s’agissait de son dernier conseil des ministres. Bernard Cazeneuve serait pressenti pour le remplacer. Il faudrait alors faire des ajustements d’importance (qui à l’intérieur ?). Rappelons, cela dit, que rien n’oblige Manuel Valls à quitter son poste. Techniquement, des premiers ministres ont déjà fait campagne à la présidentielle en restant en exercice. On pense à Lionel Jospin ou Edouard Balladur. Mais ces derniers étaient alors dans des situations de cohabitation.
max : Cette décision laisse-t-elle la possibilité d’une primaire à gauche beaucoup plus ouverte, avec plus de candidats ? ou le temps est trop court désormais ?
Nicolas Chapuis : Bonjour Max, les candidats ont jusqu’au 15 décembre pour présenter leur candidature. Le timing permet donc à toutes les ambitions de se déclarer... Et elles sont nombreuses au PS. La défection de François Hollande ne libère pas seulement Manuel Valls. Plusieurs ministres ont laissé entendre que si le président n’y allait pas, ils se sentiraient libres. Najat Vallaud-Belkacem avait fait part de ses intentions. Marisol Touraine peut également envisager de se présenter. Sans parler de Bernard Cazeneuve, Jean-Yves le Drian, ou encore... Ségolène Royal. Tout cela relève de l’hypothése, mais la décision de François Hollande ouvre plus de portes qu’elle n’en ferme.