Les Allemands soulagés après la décision de François Hollande
Les Allemands soulagés après la décision de François Hollande
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
La presse se félicite du retrait du chef de l’Etat, aussi peu apprécié outre-Rhin que Nicolas Sarkozy.
François Hollande atterrit à Abou Dhabi, le 2 décembre. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
C’est avec soulagement que l’Allemagne, à en juger par la tonalité générale de sa presse, avait accueilli l’élimination de Nicolas Sarkozy au soir du premier tour de la primaire de la droite, dimanche 20 novembre. C’est avec le même soulagement qu’elle a appris, jeudi 1er décembre, que François Hollande renonçait à briguer un second mandat en mai 2017.
Outre-Rhin, la candidature de l’actuel président français était aussi peu souhaitée que celle de « M. 10 000 volts », pour reprendre le surnom donné par certains journaux à son prédécesseur. Un sentiment partagé y compris par la presse de centre gauche, comme l’illustre ce commentaire paru, vendredi, dans la Süddeutsche Zeitung : « Un président ne doit pas être faible, il ne doit pas trembler à l’idée de prendre des décisions, il ne doit pas louvoyer entre des positions antagonistes, il ne doit pas aimer les bavardages. Un président qui se cramponne au guidon d’un scooter donne une image pathétique. François Hollande était ce président. »
A l’heure du bilan, les Allemands reprochent à M. Hollande à peu près les mêmes choses qu’à M. Sarkozy : un style fort peu présidentiel, une incapacité à réformer leur pays en profondeur et une responsabilité majeure dans la montée de l’extrême droite en France.
Fillon, une personnalité « sobre » et « sérieuse »
Sur ce dernier point, les deux hommes ne sont pas jugés de la même manière. Ces derniers mois, M. Sarkozy avait profondément inquiété les Allemands en jouant les « Trump à la française », comme l’avait surnommé le quotidien de gauche Die Tageszeitung, voire « en débordant désormais Marine Le Pen sur sa droite », comme l’avait écrit l’hebdomadaire Die Zeit. Son successeur, lui, les a déçus par son impuissance face au Front national. « C’est au fond la plus grande défaite de la présidence Hollande : le fait qu’il n’ait pas pu mettre un frein à la montée de l’extrême droite. »
Ce rejet commun de MM. Hollande et Sarkozy en Allemagne explique sans doute pourquoi, à l’inverse, François Fillon y est ces jours-ci l’objet de commentaires plutôt flatteurs. Car au fond, le vainqueur de la primaire de la droite semble incarner assez bien ce que de nombreux Allemands, et pas seulement à droite, attendent du futur président français : une personnalité « sobre » et « sérieuse » habitée par une « sincère ambition réformatrice ». Une sorte de synthèse, en quelque sorte, entre le style de la chancelière conservatrice Angela Merkel et le volontarisme de son prédécesseur social-démocrate Gerhard Schröder.
« Des années perdues »
Dans une Allemagne où la perspective d’une victoire de Mme Le Pen en mai 2017 est considérée par beaucoup comme une hypothèse crédible, et ce encore plus depuis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, ce qui est attendu du prochain président français est en somme à la hauteur des déceptions suscitées par MM. Hollande et Sarkozy.
« Les années Hollande auront été des années perdues. Son successeur héritera d’un pays qui traverse une profonde crise d’identité, qui est instable, et qui est vu par ses partenaires comme défaillant, sauf sur le plan militaire. (…) Cela montre à quel point il est urgent de réformer l’Etat et l’économie pour remettre la France sur de bons pieds. La France en a besoin pour occuper toute sa place en Europe et dans sa propre relation avec l’Allemagne », écrit ainsi le quotidien de centre droit Frankfurter Allgemeine Zeitung. Un jugement partagé au centre gauche par la Süddeutsche Zeitung, pour qui la France « est si importante pour l’Europe et pour son voisin allemand qu’elle ne peut se permettre d’avoir encore pendant des années un président faible ».