En quoi consiste le référendum italien ?
En quoi consiste le référendum italien ?
Le chef de gouvernement, Matteo Renzi, entend réformer la Constitution pour en finir avec l’instabilité politique et accélérer le travail législatif. Les Italiens se prononcent aujourd’hui.
Un militant du Mouvement 5 Etoiles avant un meeting de Beppe Grillo, le 2 décembre 2016, sur la Piazza San Carlo à Turin. | MARCO BERTORELLO / AFP
C’était une promesse de Matteo Renzi à son arrivée au pouvoir, en février 2014 : conduire une réforme en profondeur de la Constitution italienne, rédigée au sortir de la seconde guerre mondiale, afin de la rendre plus efficace et plus rapide, bref plus moderne. Quels sont les objectifs concrets de ce projet ? Le point sur la situation.
Mettre fin au bicamérisme « parfait »
C’est une singularité en Europe : la Chambre des députés et le Sénat italien ont le même poids dans l’élaboration des lois, et ont tous les deux le pouvoir de voter la confiance – autrement dit de faire tomber les gouvernements. Cette réforme de la Constitution italienne vise à modifier la composition et le rôle de la Chambre haute, l’autre nom du Sénat.
Celui-ci deviendrait une assemblée de 100 membres – 74 conseillers régionaux, 21 maires et 5 personnes désignées par le président de la République pour une durée de sept ans – contre 315 actuellement, qui siégeraient pendant un mandat de cinq ans non renouvelable.
Les conseillers régionaux et maires seraient répartis, selon les régions, en fonction du poids démographique de celles-ci. Le sénat n’aurait plus qu’un rôle secondaire dans l’élaboration des lois et ne voterait plus la confiance au gouvernement. Il serait toutefois encore consulté sur d’éventuelles modifications de la Constitution et pourrait ratifier l’essentiel des traités internationaux. Il se prononcerait aussi sur les référendums d’initiative populaire et pourrait donner son avis sur la loi de finances, et lui apporter quelques modifications.
La Chambre des députés, elle, ne change pas. Elle reste composée de 630 élus, conserverait seule le pouvoi de voter la confiance au gouvernement et la majorité des lois.
En finir avec l’instabilité politique
Depuis 2014, Matteo Renzi s’est engagé à conduire trois grandes réformes : celle du marché du travail (c’est fait depuis l’adoption des différents textes du Jobs Act, en 2014-2015), la loi électorale (elle a été, votée mais n’entrera sans doute jamaius en vigueur) et enfin la réforme de la Constitution, votés définitivement par le parlement mais qui devait être soumise à référendum.
L’objectif est d’accélérer le travail parlementaire, et de mettre un terme définitif à l’instabilité gouvernementale. Soixante-deux gouvernements se sont succédé depuis 1945 (soit une durée de vie moyenne de trois cent soixante et un jours), ainsi que vingt-cinq présidents du Conseil.
Il s’agit aussi d’en finir avec la charge financière que représentent les 315 onorevole (les « honorables », comme il est d’usage d’appeler les sénateurs) qui sont parmi les parlementaires les mieux payés de l’Union européenne – ils touchent indemnité nette mensuelle de 15 000 euros. Avec la réforme, les cent membres du Sénat ne toucheraient plus d’indemnité spécifique mais ils conserveraient le droit à des dédommagements pour leurs déplacements à Rome et pour l’exercice de leur mandat.
La nouvelle loi électorale
Une autre réforme politique, qui n’est pas soumise à référendum mais qui a été présentée par Matteo Renzi comme intrinsèquement liée au projet, a levé dans le pays, ces derniers mois, de très fortes oppositions : c’est la nouvelle loi électorale, « l’Italicum », adoptée le 6 mai 2015.
La nouvelle loi divise le pays en une centaine de circonscriptions. Si un parti dépasse 40 % des suffrages au niveau national, il raflera 340 des 630 sièges de la Chambre, le reste étant distribué entre les formations politiques ayant dépassé 3 %. Si aucune d’elles n’obtient 40 % des voix, un deuxième tour sera organisé entre les deux partis arrivés en tête.
La loi électorale utilisée en 2013, écrite en 2015 par le ministre Roberto Calderoni qui l’avait lui-même qualifiée de « porcellum » (« cochonnerie »), contenait un système de prime majoritaire qui favorise la coalition arrivée en tête, en lui garantissant 340 des 630 sièges, tandis que le Sénat actuel est élu sur une base régionale, à la proportionnelle avec une prime majoritaire, par les Italiens de plus de 25 ans. Résultat : souvent la majorité à l’assemblée n’est pas la même qu’au Sénat. D’où le blocage aux élections de 2013, lorsque le Parti démocrate avait obtenu la majorité absolue à la Chambre des députés mais pas au Sénat.
En privilégiant les partis aux dépens des coalitions, la nouvelle loi doit, selon ses concepteurs, favoriser le bipolarisation et condamner à la disparition ou à la reddition les petites formations qui jusqu’alors faisaient et défaisaient les majorités.
Les arguments des opposants
On trouve des opposants au projet sur la quasi-totalité de l’échiquier politique italien : la Ligue du Nord (Matteo Salvini), Forza Italia (Silvio Berlusconi), le Mouvement 5 étoiles (Beppe Grillo), l’extrême gauche ainsi qu’une minorité de frondeurs au sein du Parti démocrate, pour une multitude de raisons parfois contradictoires entre elles.
Le référendum a aussi pris des allures de plébiscite. La responsabilité en revient à M. Renzi qui a reconnu avoir fait une erreur en annonçant qu’il démissionnerait si le « non » l’emportait au référendum. De quoi donner des ailes à l’opposition.
Référendum en Italie : le pari risqué de Matteo Renzi
Durée : 03:38