Donald Trump, Shinzo Abe : le club de la discorde
Donald Trump, Shinzo Abe : le club de la discorde
M le magazine du Monde
En offrant un club de golf made in China au futur président américain, le premier ministre japonais a voulu plaider la cause des accords de libre-échange. Sans succès.
Le 17 novembre, ça fleurait bon le bling-bling du côté de la Trump Tower. Ce jour-là, à New York, le futur locataire de la Maison Blanche, Donald Trump, recevait le premier ministre japonais Shinzo Abe dans son mégaloft de marbre, de cristal et d’or. M. Abe n’était pas venu les mains vides. Ce grand amateur de golf, qu’il pratique dans son département natal de Yamaguchi (sud-ouest) pendant les quelques périodes de repos que lui laisse son office, avait choisi d’offrir un club à son hôte.
En novembre, le premier ministre japonais Shinzo Abe a rendu visite à Donald Trump dans la Trump Tower de New York. | Cabinet Secretariat/AFP
Il ne pouvait guère se tromper en choisissant un tel cadeau. M. Trump aime également le golf. Pendant sa campagne, il a réservé l’un de ses rares voyages en Europe à l’Écosse, terre d’origine de sa mère. Il n’y est pas allé pour des rencontres officielles mais pour assister à une cérémonie de fin des travaux de rénovation du Trump Turnberry, un golf ayant accueilli à quatre reprises le British Open.
Le même triomphe pour la diplomatie qu’en 1957 ?
Le cadeau de M. Abe était donc celui d’un amateur à un autre. Il avait également une portée historique. Son grand-père Nobusuke Kishi, qui fut premier ministre entre 1957 et 1960 et auquel M. Abe voue un véritable culte, avait offert un club de golf au président américain Dwight D. Eisenhower. Les deux dirigeants à l’origine de l’alliance bilatérale de défense avaient même joué ensemble, en 1957, sur un parcours de l’État américain du Maryland. À l’époque, la presse avait salué un « triomphe pour la diplomatie ». L’histoire dira si l’entretien Abe-Trump a eu le même succès.
En attendant, les spécialistes n’ont pas manqué d’observer que le club offert par le chef du gouvernement nippon était un Honma Beres S-O5 d’une valeur de 3 755 dollars. Ce modèle de luxe est proposé avec une tête ornée de noir ou d’or. Sans surprise, M. Abe a opté pour la version dorée.
Symbole de la mondialisation
Ces mêmes spécialistes ont par ailleurs fait remarquer que Honma, société historiquement japonaise née en 1959 à Yokohama, au sud de Tokyo, est passée sous pavillon chinois en 2010. Malgré sa réputation mondiale, le groupe connaissait des difficultés financières. Il a fini dans l’escarcelle du fonds chinois Marlion Holdings. Si la production d’Honma reste concentrée dans son usine de Sakata, dans le département de Yamagata (nord du Japon), le club offert par M. Abe n’en apparaît pas moins comme made in China.
Pour le professeur de l’université de Tokyo Tomoo Marukawa, le geste a tout d’un message puisque le cadeau apparaît finalement comme « un symbole de la mondialisation » offert à « un défenseur du protectionnisme ». Pendant sa campagne, Donald Trump avait vilipendé les accords de libre-échange signés par Washington, notamment le Partenariat transpacifique (TPP) qui réunit douze pays riverains du Pacifique, dont le Japon. Il avait également promis d’imposer 45 % de taxes sur les importations chinoises. Pendant leur entretien, M. Abe aurait plaidé la cause du TPP. En vain, manifestement, puisque le 21 novembre Donald Trump annonçait dans une vidéo que les États-Unis sortiraient de cet accord le 20 janvier, jour de son entrée en fonction.