Le système bancaire italien concentre les inquiétudes. Ici, à Milan. | © Alessandro Garofalo / Reuters / REUTERS

Et maintenant ? Dimanche 4 décembre, la victoire du non au référendum constitutionnel italien, suivie par la démission du président du conseil, Matteo Renzi, a ouvert une période d’incertitudes pour les marchés. Et peut-être, même, pour l’avenir de la zone euro. Certains redoutent en effet que la crise politique italienne ne ravive une crise des dettes souveraines comparable à celle du printemps 2012, lorsque les spéculateurs remettaient en cause l’appartenance de la Grèce à la monnaie unique. « Le peuple italien a été appelé aux urnes pour voter sur une question constitutionnelle intérieure et pas sur l’appartenance de longue date de l’Italie à l’Union européenne », a néanmoins relativisé François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, lundi 5 décembre. De son côté, le ministre des finances Français Michel Sapin a indiqué, lors de son arrivée à Bruxelles, que l’Italie est un « pays solide », qui ne fait pas peser de risque systémique sur la zone euro.

Dans la nuit de dimanche à lundi, l’euro est tombé à 1,0506 dollar, son plus bas niveau depuis vingt mois, avant de se ressaisir. Lundi 5 décembre au matin, les marchés, qui avaient en partie anticipé la victoire du non, ne semblaient pas céder à la panique. A l’ouverture, la Bourse de Milan perdait 1,9 %, plombée par la chute de 3,9 % de l’indice bancaire italien. Principales victimes de ce coup de grisou : Banco Popolare (– 5,8 %) et Unicredi (– 5,18 %). Ailleurs en Europe, la tendance restait prudente : Paris a démarré en baisse de 0,49 %, Francfort de 0,18 % et Londres, de 0,38 %.

Deux grands scénarios envisagés

Plus tard dans la matinée, les Bourses européennes se sont ressaisies, confirmant que les investisseurs ne semblaient pas s’inquiéter outre-mesure. De leur côté, les taux souverains italiens à dix ans ont grimpé à 2,01 %, contre 1,902 % vendredi 2 décembre à la clôture – rien de dramatique, pour l’instant. Dans leur sillage, les taux français (0,77 %), portugais (3,79 %) et espagnols (1,608 %) se sont un peu ressaisis – mais la hausse n’a rien de significatif.

Cela va-t-il durer ? Les taux italiens et européens vont-ils se tendre plus fortement ces prochains jours ? L’élection de Donald Trump et le Brexit, qui n’ont pas déclenché le séisme financier annoncé par beaucoup d’observateurs, ont rappelé qu’il est extrêmement difficile d’établir tout pronostic, dans un sens comme dans l’autre. « Depuis quelques mois, l’improbable ne cesse de se produire », résume Mohamed El-Erian, conseiller économique d’Allianz. Dans le cas italien, cela dépendra essentiellement des suites politiques du référendum. Les économistes envisagent deux grands scénarios.

Dans le premier, plus probable, la nomination d’un gouvernement d’intérim se déroulerait sans trop de heurts. Les possibles tensions sur les taux ne se prolongeraient alors pas au-delà de quelques jours ou semaines. « Cela pourrait ressembler au printemps 2013, lorsqu’il avait fallu deux mois avant que le gouvernement d’Enrico Letta ne soit formé », note Nicola Nobile, chez Oxford Economics, à Milan. A l’époque, l’écart entre les taux souverains à dix ans allemands et italiens – c’est le fameux « spread », considéré comme le baromètre du risque – s’était creusé de 0,5 point supplémentaire, avant de se resserrer. Lundi 5 décembre au matin, le spread n’avait guère évolué.

Les banques italiennes nourrissent l’inquiétude

« Je penche plutôt pour ce scénario, car la configuration est très différente de celle de 2012, lorsque les taux italiens avaient grimpé jusqu’à 7 % », ajoute M. Nobile. Depuis, la zone euro a en effet renforcé ses institutions, en instaurant notamment l’union bancaire. En outre, la Banque centrale européenne (BCE), qui se réunit jeudi 8 décembre, a lancé deux programmes de rachat de dettes susceptibles de stopper la flambée des taux : l’OMT, pour l’instant virtuel, et le QE (l’assouplissement quantitatif). Tous les mois, l’institution de Francfort rachète pour 80 milliards d’euros de dettes publiques de la zone euro. « En cas de tension, elle augmentera un peu ses achats de dette italienne pour calmer tout le monde », croit savoir une source européenne.

Dans le scénario sombre, celui où la formation d’un gouvernement d’intérim serait plus compliquée que prévu, la remontée des taux pourrait se poursuivre. Et ce, en dépit des actions de la BCE. « L’Italie est la troisième économie de la zone euro, elle est en mauvaise santé et c’est un bien plus gros morceau que la Grèce », souligne Daniel Gérino, président de Carlton Sélection. « Je redoute que cela ne révèle au grand jour les fragilités institutionnelles de la zone euro. »

Le système bancaire italien concentre les inquiétudes. Plombés par plus de 350 milliards d’euros de créances douteuses, plusieurs établissements, tels Monte dei Paschi di Siena, cherchent à lever des capitaux frais pour se renforcer. « Mais les incertitudes politiques pourraient refroidir les investisseurs », note Francesco Saraceno, économiste à l’université romaine Luiss. Or, en théorie, les règles européennes interdisent à Ro

Quid du Portugal, de l’Espagne voire de la France ?

S’ajoute à cela l’important stock de dette publique italienne, dépassant les 130 % du produit intérieur brut. Certes, il faudrait des mois avant que la remontée des taux ne se traduise par une hausse significative de la charge de la dette. « Mais cela limiterait un peu plus encore les marges de manœuvre budgétaire du gouvernement, déjà très contraintes », explique Raffaella Tenconi, chez Ada Economics.

Dans ces conditions, les inquiétudes pourraient contaminer le Portugal, dont les banques sont également très fragiles. Voire l’Espagne, puis la France ? Difficile à dire. Mais une chose est sûre : l’économie italienne sera la première victime de ces incertitudes. Report des investissements, gel des embauches, chute du moral des consommateurs… Les économistes d’Oxford Economics et d’IHS Global Insight estiment que la croissance de la Péninsule pourrait être amputée de 0,4 à 0,5 point de PIB en 2017, tombant à un maigre 0,4 %.