Libye : l’organisation Etat islamique est vaincue à Syrte après six mois de combats
Libye : l’organisation Etat islamique est vaincue à Syrte après six mois de combats
Par Frédéric Bobin (Tunis, correspondant)
Entamée à la mi-mai, l’offensive contre le sanctuaire de l’EI s’est achevée lundi par la victoire totale des forces reconnaissant l’autorité du gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj.
Les forces d’Al-Bunyan Al-Marsous ont payé un lourd tribut pour reconquérir Syrte, ville occupée par l’Etat islamique et menant une guérilla urbaine. | FABIO BUCCIARELLI / AFP
Cette fois, c’est bien la fin. L’organisation Etat Islamique (EI) n’existe plus à Syrte, ville du littoral de la Libye centrale, dont le mouvement djihadiste avait fait sa place forte en Afrique du Nord. Après plus de six mois de combats acharnés, la bataille de Syrte a cessé dans la matinée du lundi 5 décembre, alors que les forces assaillantes de la coalition militaire d’Al-Bunyan Al-Marsous, dont la base est localisée dans la ville voisine de Misrata, ont formellement proclamé leur « victoire », ce dont elles s’étaient jusque-là gardées tant que persistaient des poches de résistance résiduelle.
La prise de Syrte à l’EI marque un tournant majeur dans l’équilibre géopolitique du littoral libyen, même s’il ne met pas fin à la présence de l’organisation djihadiste dans d’autres régions du pays, notamment dans le Sud. Plus qu’une victoire purement militaire, c’est la symbolique d’un sanctuaire inexpugnable qui vient de tomber.
Au faîte de sa puissance de mai 2015 à mai 2016, l’EI avait exercé son emprise autour de Syrte sur deux cents kilomètres de long et une cinquantaine de kilomètres de profondeur.
Guérilla urbaine, snipers, voitures-suicides et mines
Pourtant, la victoire a un goût amer. L’EI aura opposé une résistance acharnée aux assaillants d’Al-Bunyan Al-Marsous, bien plus coriace que celle imaginée initialement. Lors du déclenchement de l’offensive, le 12 mai, les officiels de Misrata affirmaient que l’EI ne tiendrait que quelques semaines. Les combattants de l’EI, évalués à quelques milliers – probablement trois mille – auront finalement résisté plus de six longs mois.
Epousant les tactiques de guérilla urbaine centrées sur le recours à des snipers, des voitures-suicides et le minage à grande échelle des rues, les djihadistes ont infligé des pertes élevées aux forces d’Al-Bunyan Al-Marsous. Ces dernières ont eu à déplorer près de 700 morts et 3 000 blessés dans leurs rangs, portant lourdement atteinte au moral de la population de Misrata, la base arrière de l’offensive.
Le recours aux frappes aériennes des Américains aura offert un très précieux secours aux assaillants d’Al-Bunyan Al-Marsous, qui reconnaissent l’autorité du gouvernement d’union nationale de Faïez Sarraj, activement soutenu par les Nations unies et les capitales occidentales.
Contrer tout procès pour « colonialisme »
Du début août à la fin octobre, quelque 367 frappes ont été conduites par les Américains à la « requête » du gouvernement d’union de M. Sarraj, a insisté Washington afin de contrer tout procès pour « colonialisme ». Ce soutien aérien n’a toutefois pas permis d’accélérer aussi vite qu’escompté la prise des derniers bastions de l’EI, Américains et officiels de Misrata affirmant vouloir épargner les dizaines de familles demeurées jusqu’au bout avec les derniers combattants de l’EI.
La destruction du sanctuaire djihadiste à Syrte ouvre une période nouvelle, mais grevée d’incertitudes. Permettra-t-elle de consolider l’assise politique de M. Sarraj en Tripolitaine (ouest) où son autorité est de plus en plus ouvertement défiée par les milices, comme l’ont illustré les combats de ces derniers jours au cœur de Tripoli ? Lui permettra-t-elle de rééquilibrer en sa faveur le rapport de forces avec son principal concurrent, le général Khalifa Haftar, chef militaire de la Cyrénaïque (est), qui refuse de le reconnaître comme légitime ? Et enfin, comment sécuriser pleinement la région autour de Syrte où, au-delà du phénomène EI, fermentent de vives rancœurs à l’encontre des forces de Misrata accusées d’hégémonisme par les cités voisines ?
Pour importante qu’elle soit, la chute de l’Etat islamique à Syrte n’est qu’un épisode dans la guerre multidimensionnelle – dont la clé est la fragmentation territoriale – qui mine l’ancien géant pétrolier d’Afrique depuis la chute de Mouammar Kadhafi en octobre 2011.
Libye : à Syrte, les combats dans le dernier quartier tenu par l’Etat islamique
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