Michel Barnier, le « Monsieur Brexit » de la Commission européenne, lors de sa première allocution publique depuis sa prise de fonction en octobre, le 6 décembre 2016 à Bruxelles. | EMMANUEL DUNAND / AFP

Que le gouvernement britannique se le tienne pour dit, lui qui semble toujours plongé dans la plus grande confusion au regard du futur Brexit : l’Union européenne, elle, « est prête à négocier », a prévenu Michel Barnier mardi 6 décembre. Pour sa première allocution publique depuis sa prise de fonction en octobre, le Français, ex-commissaire européen chargé du marché intérieur devenu le « Monsieur Brexit » de la commission, a voulu rendre compte du travail déjà fourni par Bruxelles en vue de la future négociation du divorce avec le Royaume-Uni, et expliquer l’esprit dans lequel l’institution communautaire entendait la mener.

Les journalistes britanniques à Bruxelles se demandaient s’il allait s’exprimer « en français ou en anglais ». M. Barnier n’a pas bonne presse à Londres, où ses propositions de directives pour encadrer les banques durant la crise ont beaucoup irrité. Le Français a finalement choisi de commencer par l’anglais, mardi.

18 capitales européennes visitées

M. Barnier a donc expliqué avoir consacré deux mois à faire le tour des capitales européennes pour recueillir leurs doléances et inquiétudes liées aux Brexit. Il en a visité 18 à ce jour, et terminera son périple au début de 2017. Il a aussi informé le Parlement européen et son cabinet a pris des contacts avec la Banque centrale européenne, la Banque européenne d’investissement, l’agence Europol et, « bien sûr », la Cour de justice de l’Union européenne, honnie des « brexiters » mais concernée au premier chef par le divorce et la future relation entre Londres et les 27 autres membres de l’Union européenne.

Sur la méthode, M. Barnier, qui compte toujours sur une activation de l’article 50 avant la fin de mars 2017, a prévenu : « Le temps presse. » Et même si la procédure du divorce dure théoriquement deux ans, « nous aurons tout au plus dix-huit mois pour négocier un accord ». En début de processus, quelques semaines seront déjà nécessaires aux Vingt-Sept, réunis au sein du Conseil européen, pour s’entendre sur une position commune. Et l’accord devant être avalisé par ce Conseil, le Parlement européen et le Parlement britannique, il devra avoir été finalisé au plus tard en octobre 2018…

« Nous entrons dans des eaux inconnues, le travail sera légalement complexe, politiquement sensible et aura des conséquences importantes pour nos populations et nos économies », a prévenu M. Barnier, ajoutant quand même, en anglais, « keep calm and negociate »…

Sur l’esprit dans lequel l’Union aborde les discussions à venir, M. Barnier a juste rappelé que les Vingt-Sept étaient d’accord sur quelques grandes positions : leur priorité est de rester unis à 27 et il n’est pas concevable qu’un pays « tiers » non membre de l’Union jouisse des mêmes privilèges et des mêmes garanties qu’un pays membre. Enfin, l’accès au marché unique est conditionné aux quatre libertés de circulation (biens, personnes, données et services) et elles sont indissociables les unes des autres.

« Un accord clair, qui préserve les intérêts des Vingt-Sept »

A la question de savoir si Londres et les Vingt-Sept discuteront aussi d’une période transitoire, pour que le cordon ne soit pas brutalement coupé après le divorce si un accord sur la nouvelle relation commerciale et politique entre le Royaume-Uni et l’UE n’a pas encore été défini, M. Barnier a répété ce que les diplomates bruxellois expliquent depuis plusieurs semaines. « Selon l’article 50, on devra négocier le retrait ordonné du Royaume-Uni en tenant compte de ce que sera sa future relation avec l’UE. Mais c’est à Londres de nous donner ses intentions. Tant que nous ne les avons pas, impossible de dire si une période transitoire sera pertinente ou pas. »

Achevant une prestation millimétrée, M. Barnier s’est défendu d’être un « dur » à l’égard de Londres, alors que beaucoup à Bruxelles comme à Londres redoutent (ou espèrent) un « hard » Brexit, une séparation franche d’avec l’Union. « Franchement, je ne sais pas ce que c’est qu’un “hard” ou un “soft” Brexit, a affirmé le Français mardi. Je peux juste vous dire ce qu’est un Brexit : un accord clair, négocié dans le temps limité, qui prenne en compte les intérêts des Vingt-Sept et préserve leur unité. » Il a ensuite livré une petite anecdote : « J’avais 20 ans quand j’ai voté pour la première fois et c’était pour un référendum français sur l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union [en 1972]. J’ai voté oui et je pense toujours que j’ai fait le bon choix. »

Un peu plus tôt dans la matinée, un autre dirigeant européen de premier plan, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, avait haussé le ton contre Londres, en l’enjoignant d’adopter une « attitude différente » dans ses discussions avec l’Union, et mettant en garde contre un Brexit houleux. La séparation « peut être en douceur et fluide, mais pour cela il faudrait que le gouvernement britannique adopte une attitude différente », a insisté M. Dijsselbloem, par ailleurs ministre des finances néerlandais. Une preuve de plus que les Européens semblent peu enclins aux concessions : jusqu’à récemment, les Pays-Bas ont toujours été des alliés des Britanniques à Bruxelles.