La Wii et le Playstation VR. | Nintendo/Sony

C’était il y a presque dix ans. Le 8 décembre 2006, Nintendo commercialisait la Wii en Europe, la première console équipée d’un contrôleur à détection de mouvement, la « Wiimote ». Plus de 100 millions d’exemplaires vendus plus tard, des jeux emblématiques comme Wii Sports, Mario Kart Wii et Wii Fit, et une influence directe sur ses concurrents à travers le PS Move de Sony et la caméra Kinect de Microsoft, elle est la dernière grande révolution de l’industrie du jeu vidéo. Le 13 octobre, son concurrent japonais a lancé le casque PlayStation VR, premier casque de réalité virtuelle grand public pour consoles, avec un espoir : sur un rythme plus lent, mais avec non moins d’ambition, dessiner les contours du jeu vidéo de demain.

PlayStation VR Worlds – Coming exclusively to PlayStation VR
Durée : 02:02

Deux innovations à fort potentiel

Outre leur originalité, la Wii et le PS VR partagent plusieurs points communs. Tout d’abord dans leur lancement, événementiel. La console de Nintendo avait été en rupture de stock durant plusieurs mois de suite après sa sortie. Si les chiffres ne sont pas encore connus pour le casque de réalité virtuelle, plusieurs revendeurs évoquent déjà une pénurie, notamment en Allemagne et au Japon. Difficile toutefois d’en tirer une conclusion sur l’avenir : une rupture de stock peut tout aussi bien s’expliquer par un faible achalandage, davantage que par une forte demande. Et l’exemple de la Wii U est là pour rappeler qu’un départ commercial réussi ne prémunit pas contre un rapide effondrement des ventes. Certaines firmes d’analyse, comme SuperData, ont d’ailleurs revu à la baisse leurs prévisions de ventes.

Contrairement à la console de Nintendo, le casque de Sony n’est qu’un périphérique, qui suppose déjà la possession d’une PlayStation 4, et coûte 400 euros hors jeux et caméra, là où la petite console blanche coûtait 250 euros sans frais cachés. En outre, si la Wii et ses nombreux jeux multijoueurs encourageaient plutôt le partage et la découverte, le PS VR propose surtout des expériences solitaires, guère de nature à l’aider à se faire connaître au hasard d’un samedi soir.

Enfin, avec les nausées que le casque provoque chez de nombreux joueurs, il n’est pas non plus le gadget qui s’offre à l’aveugle à Noël. Il n’empêche : 40 millions de PlayStation 4 peuvent déjà le faire tourner, et au moins médiatiquement, Sony a déjà réussi la première manche de son pari, si l’on en croit le boom des requêtes Google depuis octobre.

En termes d’utilisation, les deux accessoires sont des « game changers », des « changeurs d’usage ». La Wii obligeait à bouger et même à se lever de son canapé pour jouer, le PS VR impose quant à lui une autre rupture : celle de se plonger dans un affichage qui occulte l’extérieur. Avec à chaque fois un facteur curiosité important : la manette à reconnaissance de mouvements hier comme le casque de réalité virtuelle aujourd’hui sont des gadgets technophiles qui donnent envie d’être essayés, et en cela, reconfigurent un salon en mettant le joueur et l’objet au centre de l’attention, davantage que l’écran TV lui-même. Les nombreux selfies potaches en compagnie de porteurs de PS VR, de préférence à leur insu, sont là pour en attester.

Des empreintes dans la mémoire… et dans le salon

En termes d’expérience, il n’est pas dit non plus que leur utilisation ne laisse des souvenirs très différents, à commencer par… les dégâts dans le salon. Un vieux classique des jeux vidéo mettant la corporalité du joueur en avant, quitte à laisser des marques. Chez Pixels, ce fut un plafonnier, qui n’a pas résisté à un lancer de batarang à l’aveugle. A l’époque de la Wii, plusieurs verres ont vu leur existence abrégée, à cause d’une partie de bowling virtuel un peu trop zélée. Quand ce n’est pas la télévision elle-même qui a appris à ses dépens qu’il faut mieux jouer avec la dragonne de la manette bien attachée autour du poignet.

Car les deux expériences ont aussi ceci en commun qu’au-delà de deux périphériques emblématiques, elles sont livrées avec tout un fatras d’accessoires secondaires aussi encombrants qu’indispensables. Une caméra infrarouge, quatre manettes à reconnaissance de mouvement et autant d’extensions du côté de la Wii, un boîtier de connexion, une caméra optique, une manette classique et deux contrôleurs lumineux de celui du PlayStation VR : l’un et l’autre appartiennent à la même famille des gadgets à branchements fastidieux.

Ce n’est du reste pas l’unique défaut que les deux gadgets partagent. L’autre concerne leurs capacités techniques, qui par coïncidence, sont en net recul par rapport aux normes de leur génération. Lorsque la Wii sort en 2006, elle est déjà dépassée technologiquement par la Xbox 360, une machine commercialisée un an plus tôt. Graphismes basse définition, architecture obsolète, processeur limité… Nintendo tente alors un pari audacieux, celui de miser sur l’originalité plutôt que sur la puissance.

Dix ans plus tard, pour des raisons toutes différentes, c’est au tour du PlayStation VR de proposer des performances rétrogrades, visuellement plus proches de la PlayStation 3 que de la PlayStation 4. Cette fois, nulle économie de bouts de ficelle, mais une contrainte liée à la réalité virtuelle : pour fonctionner, celle-ci nécessite d’afficher deux fois l’image simultanément – une fois pour chaque œil – et les développeurs doivent revoir leur ambition visuelle à la baisse pour maintenir un double affichage fluide.

Une grammaire pas si différente

Mais la ressemblance la plus troublante vient sans doute des mécaniques ludiques elles-mêmes. En effet, de nombreux jeux PS VR reprennent en fait des concepts popularisés par la Wii. Ainsi, dans Until Dawn : Rush of Blood, séance de train fantôme dans un parc d’attraction hanté, le joueur doit viser des cibles à l’écran en pointant ses contrôleurs en leur direction. Soit exactement ce que la console de Nintendo proposait dès 2006 avec du tir au ballon. Batman Arkham VR et ses lancers de Batarangs ne diffèrent pas de l’épreuve de freesbee de Wii Sports Resort, de même que Wayward Sky, avec ses personnages à guider à la manette, reprend la grammaire de Pikmin sur GameCube et Wii.

Wii Play - Shooting Range
Durée : 03:29

Et quand des jeux se démarquent de la console de Nintendo, c’est pour évoquer d’autres périphériques. Dans The Playroom VR, l’épreuve de chasse au fantôme est un décalque réarrangé du mini-jeu du manoir hanté de Luigi dans Nintendo Land sur Wii U – le casque comme la manette-tablette servant à afficher l’action différemment de l’écran TV. Quant à Headmaster, le jeu de football british consistant à mimer des têtes, son concept existe à l’identique, en plus riche, dans Kinect Sports sur Xbox 360, avec la caméra de reconnaissance de mouvement interprétant tous les mouvements du corps.

Le simple fait que le PlayStation VR utilise en option les PS Move, les manettes lancées par Sony en 2010 pour suivre la mode lancée par Nintendo avec la Wii, témoigne de la filiation lointaine entre les deux machines. Cela ne l’empêche pas de se démarquer de la Wii sur certains points, comme des expériences audiovisuelles planantes, des jeux de combat spatiaux à l’immersion prodigieuse, ou des enquêtes à 360 degrés étonnamment prenantes, même si ceux-ci ne constituent pas la majorité de son catalogue à l’heure actuelle. Bref, en l’état, plus qu’une révolution, le PS VR est surtout la synthèse de dix ans de progrès en matière de détection de mouvements et d’intégration du joueur.