La Cour de l’ONU autorise la procédure française contre l’Equato-Guinéen Teodorin Obiang
La Cour de l’ONU autorise la procédure française contre l’Equato-Guinéen Teodorin Obiang
Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance)
La juridiction internationale place néanmoins l’« ambassade » du pays à Paris sous protection, empêchant toute nouvelle perquisition ou saisie par la justice française.
Teodorin Obiang, le fils du président de Guinée équatoriale, et sa compagne Christina D. Mikkelsen, ancienne Miss Danemark, ici en 2012 à Malabo lors d’une distribution de jouets aux enfants défavorisés. | STEVE JORDAN/AFP
La procédure engagée par la justice française contre le vice-président de la Guinée équatoriale, Teodoro (surnommé Teodorin) Nguema Obiang Mangue, pourra se poursuivre. Mais l’immeuble du 42 avenue Foch, dans le 16e arrondissement parisien, ne pourra plus être ni perquisitionné, ni saisi. C’est la décision rendue mercredi 7 décembre par la Cour internationale de justice (CIJ), basée à La Haye.
Saisie par Malabo, cette juridiction des Nations unies s’est déclarée incompétente pour suspendre les procédures engagées en France à l’encontre du fils du chef de l’Etat équato-guinéen dans le cadre de l’affaire dite des « biens mal acquis ». En mai, le parquet financier avait renvoyé Teodorin Obiang devant le tribunal correctionnel de Paris pour « blanchiment de corruption », « détournement de fonds publics », « abus de biens sociaux » et « abus de confiance ». Il devrait être jugé à partir du 2 janvier 2017.
Immunité diplomatique
Lors de sa mise en examen en 2014, Teodorin Obiang avait tenté de faire annuler les procédures par la Cour de cassation, affirmant que son statut de vice-président lui donnait l’immunité diplomatique. Le pourvoi avait été rejeté, les magistrats français estimant que les faits reprochés avaient été commis à des fins personnelles, et non en sa qualité de vice-président. La Guinée équatoriale s’était donc tournée vers la Cour internationale de justice en juin, accusant Paris de violer l’immunité diplomatique de son vice-président.
Dans sa décision rendue mercredi, la CIJ ne se prononce pas sur le fond du dossier – la question de l’immunité diplomatique – qui devra être tranché au terme de plusieurs mois de procédure, mais sur une demande urgente de suspension de l’affaire en cours devant la justice française, le temps de permettre à la CIJ de statuer sur l’immunité du vice-président. La CIJ a botté en touche, déclarant ne pas avoir compétence pour ordonner une telle suspension.
Malabo avait aussi demandé à la CIJ de se prononcer sur le statut de l’immeuble du 42 avenue Foch qu’il considère comme son ambassade. Pour la France il s’agit d’« un hôtel particulier privé ». Selon les réquisitions du parquet financier, le bâtiment serait « le fruit de détournement de fonds publics et de corruption ». Les juges de la CIJ ont néanmoins estimé que les locaux, « présentés comme abritant la mission diplomatique de la Guinée équatoriale », sont inviolables. La justice française ne pourra donc plus y conduire de perquisitions ou saisir des biens comme elle l’avait en 2011 et 2012.
Voitures de luxe
De nombreuses voitures de luxe avaient donc été saisies, des tableaux, des costumes de grands couturiers. Si les bâtiments devaient effectivement abriter la mission diplomatique équato-guinéenne, « les activités journalières de cette mission, représentation d’un Etat souverain, couraient le risque d’être sérieusement entravées, du fait par exemple de la présence de policiers ou de la saisie de documents dont certains pourraient être hautement confidentiels », ont expliqué les juges.
Peu après l’audience, l’avocat de la Guinée équatoriale, Jean-Charles Tchikaya, s’est « réjoui que la Cour ait décidé de l’inviolabilité des locaux de l’Etat équato-guinéen ». L’avocat précise ne jamais avoir demandé à la Cour la restitution des biens saisis lors des perquisitions. « Les voitures, les tableaux, les meubles sont du ressort des tribunaux français, et ils n’appartenaient pas à l’Etat mais à une personne », Teodorin Obiang, qui « a ses propres avocats ». Concernant la « question de l’immunité » du vice-président, elle « reste entière », a-t-il ajouté, puisque la Cour internationale de justice ne s’est pas encore prononcée sur le fond.