Vincent Jacquenet, s’est installé à Ploubazlanec pour vivre une vie simple dans un lieu où il se sent bien. | Antonin Sabot / Le Monde.fr

La cérémonie du thé à la chinoise est un exercice de patience hypnotisant. D’abord doucher à l’eau bouillante deux théières et des tasses pas plus grosses que celles d’une dînette. Arroser les feuilles de thé une première fois, transvaser l’infusion dans la deuxième théière puis la vider, sans déguster encore.

Vincent Jacquenet connaît ces gestes par cœur. Il les répète silencieusement dans sa petite véranda à Ploubazlanec (Côtes-d’Armor). Nul besoin de se hâter, il a tout son temps. C’est seulement à la deuxième infusion que l’on pourra aspirer à petites gorgées cette eau aussi parfumée que la vapeur qui s’en échappe.

Vincent Jacquenet a 30 ans et une sérénité à désarmer le destin. De quoi s’inquiéterait-il ? Il a tout ce qui pourrait le rendre heureux. Une belle maison au bord de la mer, un kayak pour naviguer et un enfant qui naîtra avant la fin de l’hiver. Il gagne 400 euros par mois, et ça lui va bien.

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Informaticien, il a décidé, avec sa femme chinoise, de prendre la vie à rebours des évidences. Il y a un an, ils s’installaient dans cette petite commune bretonne après avoir « choisi le lieu où [ils] [voulaient] vivre et non pas celui où [ils] [allaient] travailler ». Elle, a retrouvé un poste de comptable à Saint-Brieuc. Lui, s’est installé à son compte comme informaticien sur la commune, mais travaille sans pousser. Juste assez, « par principe », pour ne pas avoir à toucher le RSA. Et tant pis s’ils ne gagnent pas leur vie comme tout le monde : eux préfèrent l’économiser.

Faire soi-même

Le frigo du couple n’est pas branché. A quoi bon ? « Nous mangeons le fromage en deux jours et on a arrêté d’acheter du beurre. Le lait, on le conserve quelques jours à la cave. » La viande ? « On en mange moins, mais c’est sans doute mieux pour la planète. » Les légumes viennent « de la ferme d’à côté », sauf les tomates grassouillettes qui donnaient encore mi-septembre, lors de notre rencontre.

Le dimanche précédent, au lieu d’amener sa voiture au garage, il avait pris son ordinateur, commandé la pièce défaillante et appris la réparation sur YouTube. Comme pour rénover cette maison sur quatre niveaux qui vieillissait. Au lieu de payer des artisans, il a effectué les travaux lui-même. « Les faire faire nous aurait coûté 30 000 euros, l’équivalent de deux ans d’économies sur deux salaires », calcule-t-il, fier d’avoir refait toute l’électricité de la maison, la salle de bains, et d’avoir installé son chauffe-eau solaire.

« Ce sera sans doute plus difficile de vivre comme ça avec un enfant », concède-t-il. Pas de quoi l’agiter. Il gardera le bébé lui-même plutôt que de « travailler pour payer une nounou ». Et, en cas d’urgence, il y aura toujours des petits boulots dans les serres de tomates voisines et dans les parcs à huîtres.

A ceux qui s’étonnent qu’il « ne pense pas à [sa] retraite », le trentenaire rétorque qu’« à la retraite on est cassé, fatigué, on n’a pas profité ». Lui ne veut pas attendre. Autant vivre tout de suite, sortir quand il le veut son appareil photo et tenter de partager ses passions pour les paysages bretons et le monde asiatique. Vivre en comptant, mais compter pour mieux vivre. Il sourit, narquois. « Tout le monde devrait avoir une femme comptable chinoise. »

Le projet #FrançaisesFrançais

Qu’est-ce qui vous préoccupe ? C’est la question que des reporters du Monde vont aller poser un peu partout en France en cette année d’élection présidentielle.

Ils en ramèneront des histoires, des regards, des voix, celles de Françaises et de Français ordinaires, ou presque. Cela s’appelle donc #FrançaisesFrançais, c’est à lire et à partager...