Pour la première fois, le CSA met en garde une chaîne YouTube
Pour la première fois, le CSA met en garde une chaîne YouTube
Par Corentin Lamy
Dans l’émission « Les Recettes pompettes » diffusée sur YouTube, animateur comme invité enchaînent les verres de vodka en cuisinant. Un concept qui déplaît fortement au CSA.
Lors de son lancement, en avril, « Les Recettes pompettes » recevaient Stéphane Bern. | Studio Bagel
« Cette émission [peut] ne pas convenir à un jeune public. » « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération ». Cet avertissement, qui ouvre chaque épisode des « Recettes pompettes », n’est visiblement pas suffisant aux yeux du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) : le 13 décembre celui-ci a adressé une mise en garde à la chaîne Studio Bagel, filiale de Canal+, qui diffuse le programme sur YouTube.
Tous les quinze jours, l’animateur, Monsieur Poulpe, et un invité cuisinent en enchaînant jeux, sketchs, et « shots » de vodka. Stéphane Bern, Frédéric Beigbeder ou encore Philippe Katerine se sont déjà prêtés à cet exercice, dont l’invité ressort systématiquement « pompette », voire franchement ivre.
De nombreuses références à l’alcool
Importé du Québec, « Les Recettes pompettes » se situe dans la mouvance d’émissions YouTube au ton provocateur, à l’image de « GGN », talk-show où le rappeur Snoop Dogg et ses invités fument ostensiblement du cannabis.
En diffusant uniquement sur YouTube, Studio Bagel espérait peut-être échapper à la vigilance du CSA. Celui-ci a finalement rendu son verdict concernant le premier épisode, diffusé en avril : il comprendrait « de nombreuses références à l’alcool » (on y voit effectivement Stéphane Bern avaler une douzaine de verres de vodka) et ferait « une propagande en [sa] faveur ». Une décision dont s’est félicitée l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, qui estime qu’il « est nécessaire de réguler sérieusement le Web sur le problème de l’alcool ».
Si Studio Bagel ne change rien à ses « Recettes », cette mise en garde pourrait être suivie d’une mise en demeure, ouvrant la possibilité d’une sanction financière, de la suspension du programme, voire, théoriquement, d’un « retrait de l’autorisation d’émettre ». Une sanction qui paraît pour l’heure difficilement applicable sur YouTube où, contrairement à la TNT, le CSA n’a pas le pouvoir d’attribuer des chaînes.
Des autorités de plus en plus attentives
Si le CSA avait déjà fait savoir le 8 juin que l’émission, en qualité de « service de médias audiovisuels à la demande », relevait de sa compétence, c’est la première fois qu’il adresse une mise en garde à une chaîne YouTube.
Le CSA prend ainsi acte des évolutions des modes de consommation : dans une étude de 2014, il soulignait que les jeunes de 13 ans à 24 ans ne passaient plus qu’une heure et demie par jour devant la télévision (contre trois heures quarante-cinq pour leurs aînés), alors que 53 % d’entre eux étaient inscrits sur YouTube. La régulation des chaînes sur YouTube ou Dailymotion est d’ailleurs le cheval de bataille d’Olivier Schrameck, président du CSA depuis janvier 2013.
La plate-forme d’hébergement de vidéos YouTube est, ces derniers mois, particulièrement scrutée par les autorités : le législateur s’est ainsi penché en décembre 2015 sur la question de la publicité déguisée, et plus récemment sur celle de la taxation de ses revenus publicitaires.