A Bayonne, 4 000 personnes protestent contre les arrestations
A Bayonne, 4 000 personnes protestent contre les arrestations
Par Michel Garicoïx (Bayonne, correspondant)
Cinq interpellations ont eu lieu dans la nuit du 16 au 17 décembre dans le cadre d’une opération contre ETA. A Bayonne, des manifestants se sont rassemblés samedi pour réclamer « la liberté pour les artisans de la paix ».
Les manifestants portent une banderole « liberté pour les artisans de la paix », à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), le 17 décembre 2016. | IROZ GAIZKA / AFP
Rarement la place des Basques au centre-ville de Bayonne n’aura autant mérité son nom, ce samedi 17 décembre. C’est là que se sont retrouvés ceux qui voulaient s’élever contre les arrestations de la veille à Louhossoa : la police a interpellé dans ce bourg du Pays basque intérieur « cinq individus en relation avec l’organisation terroriste ETA », selon les termes du ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux.
Quelque 4 000 personnes, alertées à la hâte depuis le matin, sont là. Mais plus que le nombre, c’est la diversité qui frappe, avec des personnes venues de divers horizons, des élus comme des personnalités culturelles, des retraités aussi bien que des étudiants. « C’est mon mécontentement que je veux exprimer ici », raconte Joana, 22 ans, en master à l’université de Pau. « Leur lutte armée a cessé, mais les autorités ne bougent pas. Tout le Pays basque en a assez, c’est l’histoire de notre pays qui se joue ».
« Cette opération d’hier, c’est du cynisme »
Dans les rues adjacentes, l’heure est au Noël et aux guirlandes. Olentzero, le Père Noël basque, est attendu par les enfants. Le défilé s’ébranle derrière une banderole réclamant « La liberté pour les artisans de la paix ». Au premier rang, le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray (UDI), ne mâche pas ses mots : « Depuis cinq ans, les Etats refusent tout processus de paix. Les faiseurs de paix qui ont été arrêtés hier sont traités comme des criminels alors qu’ils essaient de tendre des ponts. Il n’y a plus d’attentats, mais pour que l’arsenal soit démantelé, il faut que les Etats acceptent d’ouvrir des portes. Cette opération d’hier, c’est du cynisme. A l’évidence, il y a une méconnaissance totale de ce qui se passe ici » conclut celui qui est également président du Conseil des élus du Pays basque.
A ses côtés, les parlementaires sont là : Sylviane Alaux et Colette Capdevielle, députées de la Côte basque ainsi que la sénatrice Frédérique Espagnac, toutes trois socialistes. Mais aussi nombre de maires ou conseillers municipaux, des responsables CFDT, des élus CGT et des syndicalistes ELA venus de Bilbao. « Aux Etats, je veux dire ça suffit », s’exclame Sauveur Bacho, maire du village d’Arberats. « Assez d’arrestations, de prisonniers, place à la paix ». Militants centristes, de droite, nationalistes ou du PS sont sur le même registre.
« Moi, je dis ma solidarité avec les artisans de la paix qui ont été interpellés », ajoute Max Brisson, premier vice-président Les Républicains du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques. « Ce sont des personnalités de la société civile bien connues, non violentes et militantes de la paix. Face à des Etats défaillants, la société civile s’y substitue, elle prend le relais ».
Mépris
Un sentiment d’écœurement également flotte. « Nous sommes là pour les soutenir, assure Peio Uhalde, dirigeant de l’entreprise de meubles Alki, eux qui essaient de faire avancer ce territoire et qui veulent faire bouger les choses. Et au Pays basque, on sait faire de belles choses » conclut-il en se référant au vignoble d’Irouléguy, et à Michel Bergouignan, l’un de ses promoteurs. « C’est vraiment moche que les personnes qui prennent des initiatives, qui se mouillent soient ainsi traitées. C’est humiliant pour nous tous, proteste Xalbat Berterretche, enseignant à l’IUT de Bayonne. Je n’ai jamais été pour la lutte armée, cette attitude des pouvoirs publics montre leur mépris de ce qui se fait ici ».
Et tandis que la manifestation prend de l’ampleur avant une prise de parole finale, un autre chef d’entreprise confie son exaspération : « Je suis choqué de ces arrestations c’est le processus de paix que l’on détruit. C’est scandaleux », s’insurge Peio Etchelecou, président du groupe agroalimentaire Agour. « Hier c’était eux, mais ça pourrait être nous ! ».
Enfin, perchée sur une estrade de fortune, Anaïs Funosa s’époumone : « Merci à tous, merci à la société civile et aux journalistes ». Des personnes qui veulent, aux yeux de la militante de Bake Bidea (le chemin de la paix), « poursuivre le chemin ».