Le pilote Peugeot Sébastien Loeb au départ du Silk Way, sur la place Rouge, à Moscou, le 8 juillet 2016. | PATRICK BAZ / AFP

Dans le vaste atelier du centre de recherche et développement PSA de Vélizy-Villacoublay, ingénieurs et mécaniciens s’affairent autour de trois 2008 DSK, avant le départ pour l’Amérique du Sud, le 15 décembre. La 4e Peugeot engagée dans le Dakar 2017, qui se court du 2 au 14 janvier, celle de l’équipage Cyril Despres - David Castera, est déjà sur place.

Derrière une porte vitrée, les nouveaux casques sont livrés. Sébastien Loeb, concentré, échange avec son « chef voiture », Christian Deltombe. Peugeot, ASO (organisatrice du rallye-raid), Red Bull… Tous comptent sur la notoriété du nonuple champion du monde des rallyes pour briller, et espèrent sa victoire lors de la course de quinze jours qui se déroulera du Paraguay à l’Argentine en passant par la Bolivie.

Une des quatre 2008 DKR engagées par Peugeot dans le Dakar 2017 (2-14 janvier). | CAP / LE MONDE

Le Dakar vous faisait rêver enfant ?

Pas plus que ça. J’étais plus à la recherche de la vitesse pure, du plaisir du pilotage. Le Dakar, je me suis toujours dit que cela devait être une belle aventure à vivre, mais au niveau pilotage, il n’y a pas les sensations du rallye, la recherche de la perfection dans les virages.

La pression n’est pas trop lourde à porter ?

Non, c’est un choix. Après… C’est sûr que c’est une épreuve qui compte beaucoup, parce qu’on la prépare toute l’année, comme les gars qui font Le Mans. Sauf que pour nous, cela dure quinze jours, avec plein d’imprévus. Bien sûr, on a une certaine pression, parce qu’on veut que ça marche. On fait les choses au mieux pour se donner toutes les chances.

Les hommes aussi doivent se préparer. En particulier à l’altitude, puisque plusieurs étapes se courent à plus de 3 000 mètres. En quoi cela modifie-t-il le pilotage ?

Avec la raréfaction de l’oxygène, on peut avoir un temps de réaction plus lent. Mais honnêtement, l’an dernier, nous avions trois jours en altitude et cela ne m’a pas choqué particulièrement. Cette fois c’est six. Cela ne devrait pas trop changer. En même temps, je n’en sais rien. On a vu des mécanos vraiment mal là-bas lors de la dernière édition.

Sébastien Loeb se glisse dans sa 2008 DKR pour régler siège et écrans, le 14 décembre chez PSA Vélizy-Villacoublay (Yvelines). | CAP / LE MONDE

Il faut anticiper aussi le manque de sommeil. Surtout pour votre copilote, Daniel Elena…

Nous recevons l’itinéraire le soir pour le lendemain. Daniel met environ une heure pour préparer son roadbook pour 100 kilomètres. Si nous arrivons à 19 heures au bivouac, pour un départ le lendemain à 6 heures avec 500 bornes à parcourir, c’est sûr qu’il lui reste peu de temps pour dormir…

Cette année, le Dakar fait la part belle à la navigation et aux dunes. Vous redoutez ces évolutions ?

Moi, je redoute qu’ils ne trouvent pas beaucoup de dunes vu la région où on est ! C’est sûr que mon type de terrain c’est plus les pistes types WRC [championnat du monde de rallye]. Maintenant, on a bossé fort. J’espère que, cette fois, je serai capable de rivaliser avec les meilleurs en hors-piste. Même si je sais qu’en deux ans on ne va pas rattraper les vingt années d’expérience de certains autres coéquipiers.

Le risque, c’est de se perdre. Vous êtes inquiet ?

Non, mais je ne sous-estime jamais mes adversaires. Et je ne suis jamais sûr à 100 % ni de moi, ni de mon copilote. Dans les voitures de têtes, on est l’équipage qui a le moins d’expérience en navigation. J’espère que le nouveau tracé ne sera pas juste un jeu de piste où la vitesse et l’attaque ne comptent pas. Parce que l’endurance, le Dakar et tout ça, j’aime bien, mais il faut quand même que le fait de rouler vite soit récompensé. Si à chaque fois on doit attaquer pendant 300 bornes puis tourner en rond pendant vingt minutes et tout perdre… Le Dakar doit rester une course, pas un jeu d’orientation.

Daniel Elena semble, à l’inverse de vous, très zen…

Il est très zen ! Même quand on est perdus il est très zen. C’est son point fort d’ailleurs de toujours garder son calme. Mais il y a des moments, parfois, où il faut s’inquiéter un peu…

Si vous gagnez, si une Peugeot l’emporte, le constructeur pourrait décider d’arrêter le Dakar ?

Tout est possible. Le sport automobile est bâti sur les choix de constructeurs, parce qu’ils y trouvent un intérêt. D’un jour à l’autre ça peut changer. Citroën a arrêté le WRC d’un coup, Audi arrête Le Mans, Volkswagen arrête le rallye… Les mecs qui étaient dans les programmes n’ont pas forcément vu venir les choses. Donc je ne suis pas à l’abri : le 25 janvier, Peugeot va peut-être me dire que j’arrête le Dakar, même si je n’ai pas l’impression qu’ils aient envie d’arrêter tout de suite. Ce sont des décisions qui ne me reviennent pas. Je suis déjà sur deux programmes [le rallye-raid et le rallye-cross].

Le Grand Prix de France de Formule 1 fera son retour en 2018. Cela vous enthousiasme ou cela vous est égal ?

La deuxième. Cela ne change rien. J’aime bien regarder la F1, c’est sympa, mais ça ne change pas la vie. Je regarde des fois un Grand Prix à la télé. Là je ferai pareil : je regarderai à la télé.

Red Bull est sponsor du pilote Sébastien Loeb depuis 2007. | CAP / LE MONDE

Un mot sur vos partenaires : quels sont vos liens avec Red Bull ?

J’en bois. Il y a ma tête sur les canettes.

Mais encore ?

J’ai un contrat avec Red Bull depuis 2007. Ils m’ont suivi durant toute ma carrière Citroën, puis en circuit, et sur certaines opérations personnelles.

Vous participez aussi à un jeu, « Devenez le copilote de Sébastien Loeb ».

Je participe à un jeu, moi ? Ah oui, c’est plutôt rigolo de prendre des passagers. Souvent les filles ont moins peur que les mecs, parce qu’elles sont inconscientes ! D’autres hurlent du début à la fin…

Red Bull, Peugeot, le Dakar, toute cette promotion n’est-elle pas trop contraignante ?

La meilleure « promo », c’est de faire un bon Dakar. Faire des résultats en spéciale, être en forme, c’est la priorité. Bien sûr à l’arrivée, il y a des zones d’interviews, mais encadrées dans le temps. Après, je passe la soirée tranquille. S’il n’y avait pas de demande, cela ne serait pas bon signe… Et quand je casse la voiture, il y en a encore plus ! [Allusion a son accident sur le Dakar 2016].

Cela vous permet de gagner beaucoup d’argent ?

Je gagne bien ma vie, mais bien moins qu’avant. Aujourd’hui je conduis pour le plaisir, cela n’a rien à voir avec ce que je gagnais en WRC. Et encore maintenant, en WRC, on ne gagne pas beaucoup, à part Ogier…

En course, les consignes de sécurité sont strictes…

Seules les spéciales sont chronométrées. Sinon, on a beaucoup de liaisons sur route ouverte, au cours desquelles on respecte les limitations de vitesse. On a aussi un GPS qui nous limite à 110 km/h pendant tout le rallye, excepté en spéciale, avec des zones à 50 km/h dans les villages ou les zones dangereuses. L’an dernier, sur une spéciale de 300 bornes, on pouvait avoir dix zones à vitesse limitée.

A l’arrivée, il y a des grilles autour du bivouac. Cela vous choque ?

Non, je n’ai pas remarqué.

Quel contact avez-vous avec la population ?

En Argentine, globalement, c’est un public de fans. Ils aiment le sport auto et me connaissent. J’ai beaucoup de supporters là-bas. C’est sympa de les voir.

Pourtant, l’image du Dakar de ce côté-ci de l’Atlantique n’est pas toujours positive…

Je ne suis pas trop les médias. Je suis un peu moins sur le devant de la scène que quand je faisais du rallye où je gagnais tout. Après, j’ai constaté que le Dakar était très suivi. Lors du dernier, j’ai reçu autant de messages sur mon portable quand j’ai gagné la première spéciale que quand j’avais gagné un titre de champion du monde des rallyes. Maintenant, les gens savent que je fais le Dakar.

Vous partez quand ?

Le 29. Je passe Noël en famille et puis… Le soir du 31, on attend minuit, on prend une bonne bière et c’est reparti.

Cela fait partie du charme ?

Du charme… En tout cas, cela fait partie du choix d’avoir décidé de faire le Dakar.