« Assassin’s Creed Unity est un jeu vidéo grand public, pas une leçon d’histoire »
« Assassin’s Creed Unity est un jeu vidéo grand public, pas une leçon d’histoire »
Propos recueillis par William Audureau
Le nouvel épisode de la série d’Ubisoft se déroule dans le Paris de la Révolution et du XIXe siècle. Le producteur du jeu explique comment les lieux et l’époque ont été recréés.
Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web
La nouvelle superproduction d’Ubisoft, Assassin’s Creed Unity, sort ce jeudi sur PlayStation 4 et Xbox One. Après avoir traité des Croisades, de la Renaissance italienne ou encore de la Révolution américaine, la série s’intéresse à la période de la Révolution française. L’histoire se déroule sur plusieurs décennies et permet de croiser le chemin de Robespierre, Napoléon ou encore du marquis de Sade.
Antoine Vimal du Monteil, un des producteurs du jeu, détaille ces choix scénaristiques.
Pourquoi avoir choisi le Paris du XVIIIe et du XIXe siècle ?
C’était assez évident pour nous quand la production du jeu a commencé il y a quatre ans. Paris est la ville la plus visitée au monde, elle a une histoire millénaire avec des nombreuses couches d’architecture et d’histoire. C’est un lieu parfait pour Assassin’s Creed. La période de la Révolution française s’est imposée rapidement, car elle est charnière et a des répercussions mondiales. Le jeu prend pour toile de fond le chaos de cette époque.
Comparé aux précédentes villes historiques rencontrées par la série, Paris a-t-il comporté des défis particuliers pour les développeurs ?
Par rapport à Rome ou Florence, les monuments sont plus grands, les immeubles plus hauts… Mais nous avons profité de la puissance des nouvelles consoles pour reconstituer la ville à échelle 1:1, ce qui est une première dans la série. Il en ressort une vraie impression de gigantisme, accentuée par les ruelles étroites, la densité des rues et l’architecture variée.
Paris est aussi un vrai melting-pot. On peut passer du Louvre, qui est le quartier officiel, très riche, à celui de la Bièvre, qui est pauvre et toxique. Il y a aussi le Paris souterrain, les catacombes et les intérieurs des immeubles… Nous avons tenté de retrouver une densité, un fourmillement, qui est par exemple très bien rendu dans l’adaptation cinématographique du Parfum de Suskind.
Sur quoi vous êtes-vous appuyés pour recréer la ville ?
Avec l’équipe d’Ubisoft Montréal, nous avons voyagé plusieurs fois pour repérer les quartiers et leurs architectures. Pour rentrer dans le détail historique, nous nous sommes appuyés sur des guides qui ont fait l’Ecole du Louvre, et nous avons glané énormément de documentation, du plan de la Bastille à des livres et gravures d’époque. Nous avons collaboré avec des costumiers, des musées… Notre équipe comportait un historien chargé de trouver des spécialistes, par exemple de la Terreur ou de la pré-Révolution.
Dans le jeu, certains détails sont pourtant anachroniques : le drapeau français flotte en 1789 alors qu’il date de 1794, des passants chantent La Marseillaise en 1791 alors qu’elle n’est rédigée que l’année d’après…
C’est totalement assumé. Assassin’s Creed Unity est un jeu grand public, pas une leçon d’histoire : on sait que ce sont des anachronismes, et on accepte de faire des compromis. A chaque fois, des discussions ont eu lieu. Nous avons choisi le drapeau français le plus connu plutôt qu’un drapeau qui serait obscur pour de nombreux joueurs. Il en va de même de La Marseillaise, c’est un symbole important. Comme le disait un historien, on a l’illusion d’être dans la Révolution française, c’est l’expérience d’ensemble qui prime. Le jeu propose par ailleurs une encyclopédie très complète.
Quelles autres libertés les concepteurs se sont-ils autorisées ?
Pour faciliter les déplacements du joueur, nous avons ajouté des éléments propres à la série, comme des ascenseurs cordés pour escalader un bâtiment d’un jet, et un labyrinthe de cordes et de poutres qui permettent de passer d’un toit à un autre.
Le travail de reconstitution historique de Paris est très impressionnant dans le jeu, en revanche, la Révolution française semble édulcorée de toute sa portée politique et sociale, pour être résumée à une suite de complots. Pourquoi ?
C’est assumé : on ne voulait pas mettre l’Histoire autant en avant que dans d’autres épisodes. Nous avons utilisé certains événements clés pour qu’Arno, le héros du jeu, en soit le témoin ou l’acteur, mais ce n’est pas sa révolution, ce n’est pas lui qui la fait, c’est plus subtil. L’histoire du jeu est avant tout une histoire d’amour et un dilemme cornélien. La Révolution n’est qu’une toile de fond.