« Le ministère de la santé veut imposer onze vaccins ! » Une vidéo alarmiste diffusée par la page Facebook « PAS L’info », qui se présente comme un décryptage de l’actualité, et visionnée environ 400 000 fois depuis lundi 19 décembre, a inquiété de nombreux internautes sur une prétendue décision du gouvernement. La même thèse est par ailleurs développée dans des articles du site lesmoutonsenrages.com et fawkes-news.com. Ces articles et cette vidéo avancent pourtant plusieurs fausses informations.

CE QUE DIT LA VIDÉO

Voici le résumé de la situation fait par la vidéo de « PAS L’info » :

« Le ministère de la santé veut imposer onze vaccins. Mercredi 30 novembre, le comité sur la vaccination a rendu son rapport dans lequel il préconise de faire passer de trois à onze le nombre de vaccins obligatoires pour les nourrissons. C’est le vœu de fin d’année de la ministre de la santé, Marisol Touraine. »

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POURQUOI C’EST MENSONGER

1. Onze maladies, pas onze vaccins

Le rapport sur la vaccination du Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination a bien été dévoilée le 30 novembre. Il propose en effet un élargissement temporaire de l’obligation vaccinale de l’enfant à onze maladies contre trois actuellement. Mais cela n’a pas exactement la même signification que « onze vaccins » différents puisqu’une seule injection cible plusieurs maladies (six, par exemple, pour le seul hexavalent).

Actuellement, les vaccins obligatoires concernent la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. A cette liste s’ajoutent huit maladies pour lesquelles le vaccin est « recommandé » : coqueluche, haemophilus influenzae de type B, hépatite B, rougeole, oreillons, rubéole, tuberculose et infections à pneumocoque. La proposition vise en fait à regrouper ces deux listes en une seule, de vaccination obligatoire.

2. Une proposition, pas une décision

Contrairement à ce qu’affirme la vidéo, ces propositions du comité ne sont pas des « vœux de fin d’année de la ministre de la santé, Marisol Touraine ». Rien n’a été décidé pour l’heure : le ministère s’est contenté d’indiquer début décembre que ces suggestions seraient « évaluées juridiquement et financièrement ».

Bien qu’il s’agisse d’un débat public souhaité par le ministère de la santé, ces propositions ont été formulées par un comité indépendant de seize personnes qui ont débattu pendant six mois, une démarche accompagnée d’une consultation en ligne qui a recueilli plus de 10 000 contributions.

Plusieurs personnalités ont exprimé des réserves face à cette proposition. Anne Chailleu, présidente du Formindep, une association qui défend une formation et une information médicales indépendantes, doute que ces propositions permettent de « rétablir la confiance » envers la vaccination et craint même l’inverse. « Etendre l’obligation vaccinale ? C’est un aveu d’échec », estime-t-elle.

3. La proposition d’une « clause d’exemption » passée sous silence

Plus trompeur encore, le raisonnement du comité est complètement tronqué dans cette vidéo. L’un des arguments invoqués pour justifier sa proposition d’étendre la vaccination obligatoire est que la coexistence de deux statuts de vaccins (obligatoires et recommandés) n’aurait « plus de sens » aujourd’hui.

Mais est aussi question, en contrepartie du regroupement des deux statuts sous la seule étiquette de la vaccination obligatoire, de donner le droit aux parents de refuser la vaccination. Le comité propose en effet de créer une « clause d’exemption », qui se matérialiserait par la signature d’un document écrit, comme expliqué dans son rapport :

« Après entretien avec le professionnel de santé exposant les conséquences d’une telle décision, les parents s’engageront par écrit selon une procédure formalisée à assumer les responsabilités civiles de leur refus incluant un risque de non-admission de l’enfant en collectivité. Le refus sera porté sur le carnet de vaccination. A tout moment, les parents pourront revenir sur cette décision. »

Alain Fischer, le président du comité, a néanmoins indiqué que cette clause pourrait être supprimée si elle était trop utilisée.

Sous couvert de dénoncer la politique du ministère de la santé, cette vidéo déforme donc le contenu de cette proposition, ses motivations, et la fait passer pour une décision entérinée. Elle joue également sur les peurs en présentant la vaccination comme forcément dangereuse, là où les préjugés ont déjà tendance à surestimer les risques des vaccins par rapport à leurs bénéfices avérés.