Les chœurs de l’Armée rouge, du champ de bataille aux charts soviétiques
Les chœurs de l’Armée rouge, du champ de bataille aux charts soviétiques
Par Intérim
L’Ensemble Alexandrov, l’un des plus prestigieux chœurs de l’Armée rouge, faisait la fierté des Russes depuis près de quatre-vingt-dix ans. Il a été privé de ses choristes dans sa quasi-totalité lors du crash survenu à Sotchi ce dimanche.
L’Ensemble Alexandrov au Palais des sports de Paris, en octobre 2015. | JACQUES DEMARTHON / AFP
Dimanche 25 décembre, 64 choristes de l’Armée rouge ont péri dans la catastrophe aérienne du Tupolev Tu-154, qui a fait 92 morts au-dessus de la mer Noire. L’Ensemble académique Alexandrov était le plus ancien des ensembles à être aussi appelés Chœurs de l’Armée rouge. C’était l’un des symboles les plus importants de l’URSS, puis de la Russie. Fondé dans les années 1920 sous l’égide du ministère de la défense, sa première formation, qui compte alors 10 soldats artistes, se produit pour la première fois à la Maison centrale de l’Armée rouge en octobre 1928.
Quelques mois plus tard, l’ensemble est dirigé par le compositeur Alexandre Alexandrov (auteur de l’hymne soviétique), professeur de musique du Conservatoire de Moscou, lequel donnera son nom à l’ensemble. En 1935, la chorale compte 135 personnes, deux ans plus tard, 274. Dès ses dix premières années d’existence, l’ensemble parcourt l’Union soviétique mais aussi d’autres pays comme la Tchécoslovaquie, la Mongolie ou la Finlande. En 1937, il remporte le grand prix de l’Exposition universelle de Paris.
C’est sans doute son rôle joué lors de la « grande guerre patriotique » – appellation russe de la seconde guerre mondiale –, qui marque pour toujours la mémoire collective russe. Pendant cette période, le chœur donnera plus de 1 500 représentations sur les deux fronts soviétiques pour divertir les troupes. C’est de cette époque que date La Guerre sacrée, chant devenu très important en Russie.
« Pas de chœur, pas d’ensemble »
Dans les années 1960, l’ensemble vend un nombre record de disques et tient le haut des charts soviétiques. C’est à la fin des années 1970 que le groupe reçoit l’appellation officielle d’académie, la plus haute certification professionnelle russe.
« C’est une perte énorme pour nous tous, a confié Evgueni Volkov, directeur de l’Académie russe du chœur. La disparition d’artistes d’une telle renommée n’est pas seulement une tragédie pour la Russie, mais pour le monde entier. »
Dans sa formation contemporaine, l’ensemble était composé de 186 personnes et donnait régulièrement des concerts dans de nombreux pays et dans les casernes militaires et autres unités de l’armée russe, voyageant beaucoup en zone de guerre, en Afghanistan, en Yougoslavie, au Tadjikistan, en Tchétchénie ou en Syrie, où les choristes devaient donner une représentation, notamment à Alep, pour célébrer le Nouvel An avec les soldats russes.
Selon le petit-fils du fondateur de l’ensemble, Evgueni Alexandrov, l’ensemble devait y jouer des œuvres classiques, dont La Guerre sacrée, pour soutenir les militaires. « C’est une terrible douleur, a-t-il déclaré. Les meilleurs solistes ont été tués, le chœur entier. Mon grand-père disait : “pas de chœur, pas d’ensemble”. »
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Durée : 01:47