Le « congé de proche aidant » entre en vigueur
Le « congé de proche aidant » entre en vigueur
Par Anne Rodier
L’ex-« congé de soutien familial » a été modifié pour mieux répondre aux besoins des salariés. Un actif sur six est concerné.
« Les salariés aidants représentent un actif sur six – un sur cinq, même, pour les plus de 50 ans –, et leur nombre progresse régulièrement ». | NINI LA CAILLE
En 2017, l’entrée en vigueur, au 1er janvier, du « congé de proche aidant » permettra plus facilement aux salariés du secteur privé d’aider un proche rendu dépendant par l’âge, la maladie ou le handicap. Car le phénomène prend de l’ampleur. Les salariés aidants représentent un actif sur six – un sur cinq, même, pour les plus de 50 ans –, et leur nombre progresse régulièrement. Ils représenteront un salarié sur quatre d’ici à dix ans, selon les prévisions du groupe de protection sociale Malakoff Médéric (« Santé et bien-être au travail », avril 2016).
Les conséquences pour l’entreprise peuvent être considérables. Les responsables des ressources humaines constatent que les aidants sont à la fois plus absents et plus stressés que la moyenne des salariés. Ainsi, 79 % des salariés aidants interrogés au printemps 2016 par l’association France Alzheimer déclarent avoir des difficultés à concilier vie professionnelle et rôle d’aidant.
Plus de 90 % évoquent « stress, anxiété, fatigue et troubles psychologiques ». « Les salariés aidants consomment deux fois plus d’anxiolytiques que les autres », note Anne-Sophie Godon, directrice études et veille chez Malakoff Médéric. Cela se traduit par une baisse de la performance, une hausse des risques et de l’absentéisme : un aidant actif s’absente seize jours de plus qu’un salarié non aidant, confirme le baromètre autonomie Ocirp (Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance) 2015.
Besoin croissant
Mis en place dans le cadre de la loi du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV), et assoupli par la loi travail d’août 2016, le congé de proche aidant répond donc à un besoin croissant. Son prédécesseur, le « congé de soutien familial », permettait d’arrêter de travailler sans solde pendant une période de trois mois, renouvelable jusqu’à un an, pour s’occuper d’un proche.
Le nouveau congé a un périmètre de bénéficiaires élargi et s’obtient plus facilement. Le décret d’application du 18 novembre 2016 précise qu’il est accessible aux salariés qui veulent aider un proche même s’il n’a pas de lien de parenté. « En 2016, un salarié aidant sur cinq soutient un proche autre qu’un parent ou un enfant », précise Anne-Sophie Godon.
Ce congé peut se prendre sous forme fractionnée ou en temps partiel. Dans l’enquête de France Alzheimer, 56 % des salariés aidants avaient exprimé le besoin d’aménagement de leur temps de travail « avec des horaires personnalisés et flexibles ».
Les entreprises ne sont pas toujours au rendez-vous pour aider leurs collaborateurs. Seuls 2 % des salariés aidants interrogés par France Alzheimer mi-2016 affirment être accompagnés par leur entreprise. Certaines semblent à peine concernées, tant leur population de salariés aidants est faible, comme la Société générale, qui n’en compte qu’une dizaine.
Télétravail et horaires aménagés
« Les salariés n’ont pas toujours conscience qu’ils sont en situation d’aidant, et il y a, comme pour le handicap, un tabou à en parler », explique Marie-Isabelle Frayssinet, DRH de Mutex, un assureur mutualiste qui a signé, en octobre 2016, un accord d’entreprise innovant pour accompagner ses collaborateurs. « Nos enquêtes révèlent que les 35 % de salariés aidants qui se déclarent auprès de leur employeur bénéficient davantage que les autres du télétravail et des horaires aménagés, note Anne-Sophie Godon. Depuis deux ans, c’est un sujet d’actualité dans les grandes entreprises. Air France, Engie, Total ont créé des dispositifs. » On pourrait en citer d’autres, comme Danone ou la SNCF.
Des PME aussi s’y mettent. Mutex (550 salariés) a créé, sous forme d’appel à projet, une bourse aux dons de jours de congé, abondés à 10 % par l’entreprise, qui permet aux salariés aidants de s’absenter selon leurs besoins et sans perte de salaire. Un membre de la commission qualité de vie au travail valide la demande et garantit la transparence du dispositif, qui s’appuie sur une plate-forme d’accompagnement (sensibilisation, information, e-learning).
« Nos salariés se sont montrés très intéressés », indique la DRH de Mutex, Marie-Isabelle Frayssinet, qui explique tester ainsi des services aux aidants que l’entreprise mutualiste propose aussi à ses clients. Il va sans dire que, complété par un abondement et rémunéré, le nouveau congé de proche aidant atteint plus nettement son objectif : faciliter l’articulation entre la vie privée et la vie professionnelle des salariés.