Dans l’Eure, Marine Le Pen se pose en sauveuse des services publics ruraux
Dans l’Eure, Marine Le Pen se pose en sauveuse des services publics ruraux
Par Olivier Faye (Ecouis, Igoville (Eure) - Envoyé spécial)
En déplacement vendredi 6 janvier, la présidente du FN a dénoncé les inégalités de traitement que subiraient les habitants en milieu rural.
Marine Le Pen, à Igoville (Eure), le vendredi 6 janvier. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Marine Le Pen a préparé pendant un an sa campagne pour l’élection présidentielle de 2017. « Une campagne ordonnée, pour remettre la France en ordre, a promis la présidente du Front national lors de ses vœux à la presse, mercredi 4 janvier, à Paris. Il y a dans ma candidature un cap, un roc, de la solidité. Nous sommes prêts, résolus, organisés. » Son premier déplacement sur le terrain cette année devait donc révéler la nature de cette préparation. La députée européenne s’est rendue dans l’Eure, vendredi, pour illustrer le problème des services publics en milieu rural et périurbain. Avec la ferme intention de dénoncer les inégalités de traitement que subiraient les habitants de cette « France des oubliés » par rapport à ceux des grandes villes, et de faire un sort, au passage, au mille-feuille territorial.
La visite a commencé dans le bourg d’Ecouis, 800 habitants environ, qui accueille une collégiale, une boulangerie et une maison de services au public (MSAP). Elle a duré le temps de quelques poignées de main pour une petite foule de sympathisants frontistes, et celui d’un passage éclair dans les locaux de la MSAP, qui a ouvert il y a moins d’un an. Cette structure regroupe, comme des centaines d’autres en France, plusieurs opérateurs – La Poste, CAF, Pôle emploi, etc. « On est plutôt contents de voir qu’il y a des services comme ça, que des collectivités s’organisent pour offrir la persistance de services publics, se félicite Mme Le Pen devant le maire de la commune et quelques responsables de la maison. Ce qu’on ne souhaiterait pas, c’est que les collectivités voient peser sur elles une partie importante ou trop importante du financement, pour ne pas créer d’inégalités entre les citoyens. » « Aucune maison de service public à La Poste n’est financée par les collectivités », corrige le directeur local de La Poste. Sur la commune, ce sont en effet l’Etat, La Poste et les opérateurs qui se répartissent la charge. « Comme quoi, on avait raison de poser les bonnes questions », répond la candidate à la présidentielle, sans se démonter.
Agacement
Une fois partie, certains de ses interlocuteurs ne cachent pas leur agacement. « C’est à sa demande qu’elle est venue ici », tient à préciser un responsable de La Poste, choqué par la cohue provoquée par la venue de la présidente du parti d’extrême droite, qui était suivie par une foule de caméras et de photographes. De la terre macule les fauteuils, les débris d’une soucoupe qui se trouvait sous un pot de fleurs jonchent le sol… Une explication de texte sur les MSAP s’organise pour quelques journalistes. « Je m’étonne qu’elle ne soit pas plus au courant, qu’elle ait du mal à comprendre ce système-là », souligne le maire de la commune, Patrick Loseille. Il précise ne pas avoir eu de contacts avec des cadres du parti lepéniste avant la venue de la candidate. « Ils ne sont jamais venus me voir. J’ai appris la nouvelle de cette visite par un responsable de La Poste hier. »
De son côté, la présidente du Front national poursuit sa route jusqu’à un restaurant d’Igoville, une vingtaine de kilomètres plus loin. « Il n’y a pas de raison que ceux qui vivent dans la ruralité aient des services publics payés, en plus de leurs impôts, par leurs impôts locaux, par une collectivité », martèle la présidente du FN – tout en reconnaissant que ce n’est pas le cas d’Ecouis.
Alors qu’elle fait face à une vingtaine d’élus locaux, dont certains sont encartés dans son parti, la conseillère régionale des Hauts-de-France profite de l’occasion pour rappeler qu’elle souhaite supprimer deux strates administratives : les régions et les communautés de communes. Selon elle, ces dernières vont « à l’encontre de notre identité et du peuple français ». « On aspire la vie des petites communes pour faire de gigantesques intercommunalités », déplore celle qui veut relavoriser les indemnités des maires, dont elle loue le travail de proximité.
Dans un entretien à Paris-Normandie, publié vendredi, Mme Le Pen dit partager « avec François Fillon, une vision géopolitique internationale, c’est notre seul point commun ». Le candidat Les Républicains est-il attaché, comme elle, à la ruralité ?, l’interroge un journaliste présent à Igoville. « Il est attaché à son château, peut-être », raille la fille de Jean-Marie Le Pen. Dans un sondage Elabe, publié jeudi, M. Fillon devance Mme Le Pen de un à quatre points au premier tour, un écart qui varie selon les scénarios des différentes candidatures. Dans l’un d’eux, la chef de file frontiste est exclue du second tour par Emmanuel Macron, une première pour elle depuis plus de trois ans. Son entrée en campagne anticipée – elle devait débuter en février – vise aussi, peut-être, à tenter de remettre cela en ordre.