Pixels - Benoît Hamon sur l'asymétrie fiscale des géants du web
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Pour Benoît Hamon, invité de l’émission Questions politiques dimanche 8 janvier − en partenariat avec France Inter, France Info et Le Monde − la cause est entendue : la révolution numérique a bouleversé le monde du travail, et il faut donc adapter la protection sociale à un avenir dans lequel l’automatisation va nécessairement détruire davantage d’emplois. Pour autant, si le candidat à la primaire de la gauche considère qu’il faut adapter le modèle français à ces évolutions − notamment par le biais d’un revenu universel −, il considère aussi qu’il est nécessaire que l’Etat exerce davantage de contrôle sur les actions des grands groupes du numérique.

« Nous sommes en train d’assister à une évolution technologique considérable, sans que nous ayons posé la question de savoir qui est propriétaire des données, qui détient des informations sur nous, qui est en capacité, à travers l’exploitation de ces données, de guider en partie nos existences… Ferons-nous face demain à des puissances économiques privées avec un pouvoir supérieur à celui des Etats ? », s’est-il interrogé.

L’arme fiscale

Que doivent dès lors faire les Etats ? M. Hamon ne croit pas « que la réponse ce soit la souveraineté en matière de data centers », c’est-à-dire le fait d’imposer aux géants du Net d’héberger les données sur leurs utilisateurs français en France − une proposition défendue notamment par Arnaud Montebourg. « Il y a peut-être des solutions pour faire en sorte qu’il y ait davantage de data centers en France, mais le risque resterait présent que des informations fuitent ou qu’il en soit fait un mauvais usage. » Il évoque plutôt une réponse fiscale, estimant que « la fiscalité est très favorable aux grands groupes du numérique, on a là un vrai problème d’asymétrie fiscale ».

A l’appui de cet argument, M. Hamon cite deux chiffres : « Les GAFA (Google, Facebook, Amazon, Apple) ont payé 14 millions d’euros d’impôt sur les sociétés et sont en concurrence avec des opérateurs nationaux qui payent 87 % de l’impôt sur le numérique », dit-il. Ces chiffres dsont sujets à débat : ils sont tous deux issus des rapports annuels de la Fédération française des télécoms, le lobby des opérateurs − qui estime plutôt à 82 % en 2016 la part payée par ses membres.

Mais sur le principe, M. Hamon estime qu’il est anormal que les grands groupes internationaux ne contribuent pas davantage au financement des infrastructures de télécommunication.

Des actions de groupe renforcées

Surtout, M. Hamon est particulièrement virulent dans sa critique de « ces modèles qui sont présentés comme despépites de l’économie collaborative, ou pire, du partage, comme Uber, où on se retrouve dans une situation où on nous fait croire que de gentils utilisateurs rencontrent de gentils autoentrepreneurs… Au bout du compte, on a modernisé une forme d’exploitation au travail qui est celle des chauffeurs d’Uber, tout ceci au détriment d’artisans qui sont mis en faillite parce qu’ils payent des cotisations sociales, pour enrichir les propriétaires d’une plateforme qui eux ne payent pas d’impôts ».

Au-delà de l’argument fiscal, le candidat à la primaire de la gauche, qui a donné son nom à la loi sur la consommation de 2014 qui introduisait notamment une forme d’action de groupe pour les consommateurs, a reconnu que le texte qu’il avait porté n’allait probablement pas assez loin en matière de numérique : les « class actions » portant sur les vols de données n’y étaient pas évoquées, et n’ont été introduites que fin 2016 par une autre loi.

« L’action de groupe, cela faisait vingt ans que Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy avaient voulu la faire, mais le lobbying avait été puissant… Nous avons décidé de faire une première action de groupe qui se concentrait sur les contrats de consommation, c’est-à-dire l’essentiel des litiges de masse qui existent. Je crois que non seulement il faut élargir le champ d’application des actions de groupe, mais en plus largement fluidifier une procédure que je trouve déjà, après deux ans, trop lourde », a dit M. Hamon, qui promet de nouvelles propositions en la matière s’il sort vainqueur de la primaire.