OCS City - Lundi 17 - 21.00 - Série

En surfant à son tour sur la vague des séries pour ados – que Netflix a enfourchée depuis longtemps –, la chaîne américaine HBO (Game of Thrones, Girls…) ne recherche peut-être pas le scandale – elle est connue pour tenter de repousser les frontières du représentable –, mais s’assure que tout le monde en parle.

Il est vrai qu’Euphoria effraiera pas mal de parents… quand nombre de jeunes l’assimileront sans doute à une fiction du réel. Une sorte de documentaire ne représentant certes qu’une mince frange de lycéens américains en mal d’enivrement et de repères, mais une série qui frappe (enfin) au cœur des tensions et tentations qui les travaillent.

L’on y rencontre Rue, 17 ans, alors qu’elle vient de passer l’été en désintoxication – elle avait failli mourir d’une overdose de petites pilules – et qu’elle se précipite chez son dealeur habituel. Une partie de son histoire, en cette rentrée scolaire, nous sera contée en voix off, ce qui, contrairement à nombre d’autres cas, s’avérera très à-propos.

Rue n’est pas la seule du lycée à rechercher l’ivresse, mais elle y est accro, là où ses camarades en (ab) usent régulièrement pour simplement se détendre ou faire la fête. Peut-être, au bout du compte, l’amitié qui la lie à ses copines la sauvera-t-elle – nous n’avons pu voir que la moitié de la série. C’est, en tout cas, l’espoir que laisse entrevoir sa très douce rencontre avec une nouvelle lycéenne qui vient d’emménager dans le quartier, l’adorable Jules (une fille transgenre, tant dans la série que dans la vie).

Mais si Euphoria risque de faire grand bruit aux Etats-Unis, c’est que ces adolescents, nés sous l’ère du porno 2.0 disponible à tous et à toute heure, ont une sexualité… Et que l’on y voit des pénis, filmés frontalement lorsque les garçons se douchent après le sport, et même parfois en érection, dans les sextos que les ados s’envoient – « une simple façon de dire bonjour” », expliquait déjà une ado, dans Casual (2015).

Un vent nouveau sur la quête d’identité adolescente

Pourtant, l’important n’est pas là. Quelques lourdeurs dans les deux premiers épisodes n’invalident en rien la qualité de cette série qui, sous des aspects de déjà-vu – des fêtes dans de grandes maisons avec piscine, des gosses de familles aisées, des parents plutôt branques –, fait souffler un vent nouveau, folle vigueur, sur cette quête d’identité qui entraîne les adolescents à tâtonner et prendre des risques.

Adaptée d’une création israélienne par Sam Levinson (réalisateur d’Assassination Nation en 2018, et qui a raconté avoir lui-même traversé l’enfer de l’addiction aux drogues), Euphoria met en scène un casting d’enfer et des personnages très attachants, au-delà de leur apparente superficialité, surtout pour ce qui concerne les filles.

Zendaya Coleman elle-même, qui interprète Rue, se pose en révélation, après avoir fait les beaux jours des enfants pour Disney. Navigue dans son entourage la ronde Kat (Barbie Ferreira, brillante de décomplexion), qui, horrifiée que sa défloraison de dos ait été filmée et remporte un franc succès sur une plate-forme porno, va apprendre à monétiser son corps par webcam pour des fétichistes. Une même force de vie se retrouve chez Cassie, interprétée par Sydney Sweeney (Sharp Objects, Everything Sucks !), qui se traîne une fausse réputation de fille facile mais ne désarme pas.

Autant dire qu’Euphoria cache fort bien son jeu. Sous la violence et la frivolité de ces ados, voire l’aspect trash de leurs relations sexuelles – Jules, par exemple –, pointe la vigueur de jeunes pousses féminines qui ont toute leur tête.

Euphoria, série créée par Sam Levinson. Avec Zendaya Coleman, Hunter Shafer (E.-U., 2019, 8x60 min). Un épisode le lundi en US + 24.