Villas des Balkany : se repérer dans une affaire aux multiples volets
Villas des Balkany : se repérer dans une affaire aux multiples volets
Par Guilhem Dubernet
Le député Les Républicains et maire de Levallois-Perret a admis avoir possédé une villa aux Antilles et des comptes offshore. Que lui reproche-t-on précisément ?
Patrick Balkany à l’Assemblée nationale, le 19 mai 2015. | CHARLES PLATIAU / REUTERS
Les ennuis judiciaires de Patrick Balkany font régulièrement les titres des journaux depuis trois ans. Ce que l’on appelle aujourd’hui « l’affaire Balkany » concerne une vaste enquête du parquet de Paris sur le patrimoine du maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), qui lui vaut d’être mis en examen dans plusieurs de ses volets.
Au départ, une enquête pour blanchiment de fraude fiscale
En décembre 2013, le pôle financier du parquet de Paris ouvre une instruction judiciaire pour « blanchiment de fraude fiscale » concernant l’élu et son épouse, Isabelle Balkany. Le couple semble vivre bien au-dessus des moyens qu’il déclare au fisc. Alors qu’ils gagnent officiellement 143 000 euros par an, les Balkany ont dépensé, en 2012, plus de 195 000 euros rien qu’en frais de rémunération d’employés à domicile.
A l’origine, les enquêteurs s’intéressent à une résidence du couple, le moulin de Cossy, situé à Giverny (Eure). Les juges du pôle financier Renaud Van Ruymbeke et Patricia Simon soupçonnent les Balkany de sous-estimer le bien dans leur déclaration de patrimoine afin d’échapper à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Dans leur enquête, les magistrats découvrent deux propriétés où le couple va régulièrement séjourner : la villa Pamplemousse sur l’île de Saint-Martin, dans les Antilles, et le riad Dar Gyucy, au Maroc.
Au total, le fisc estime à 16,5 millions d’euros la fortune des Balkany, soupçonnés d’avoir mis en place un montage leur permettant d’échapper à l’ISF.
Soupçons de corruption, fraude fiscale et dissimulation de patrimoine
L’enquête est élargie à des faits de corruption en juillet 2014. Tracfin, l’organisme de lutte contre le blanchiment d’argent du ministère de l’économie et des finances, apporte aux enquêteurs des preuves de mouvements d’argent suspects qui seraient des commissions concernant des ventes de mines d’uranium en Afrique et dont l’élu de Levallois-Perret pourrait être le bénéficiaire.
En octobre 2014, les premières mises en examen tombent pour Patrick Balkany. Il est soupçonné de « blanchiment de fraude fiscale » dans le cadre de l’enquête sur les villas antillaise et marocaine, de « corruption » et de « blanchiment de corruption » concernant les mouvements d’argent révélés par Tracfin.
Officiellement, les résidences appartiennent à plusieurs sociétés situées en Suisse, au Panama et au Liechtenstein pour la première, et à la société Dar Gyucy pour la seconde, comme révélé par Tracfin aux enquêteurs. Derrière cet écran, les juges soupçonnent que les véritables propriétaires sont les Balkany, qui cacheraient ces résidences au fisc français.
Lors d’une garde à vue en mai 2014, Isabelle Balkany avait finalement admis que la villa Pamplemousse leur appartient bel et bien. Elle a été achetée grâce à une société sise au Liechtenstein, mais Mme Balkany affirme que l’argent utilisé a été acquis de manière légale.
En 2015, les trois propriétés du couple ont été saisies par la justice. Patrick et Isabelle Balkany ont contesté la saisie du moulin de Cossy, cédé à leurs enfants. La villa Pamplemousse a été vendue avec autorisation des juges pour 2 millions d’euros, mais ce montant reste saisi. Le riad Dar Gyucy est également aux mains de la justice, même si les époux niaient toujours en être les propriétaires.
Affaire Balkany : comment cacher sa résidence secondaire au fisc ?
Durée : 01:32
En octobre 2015, une nouvelle mise en examen pour « fraude fiscale » tombe pour l’élu, soupçonné d’avoir omis une partie substantielle de son patrimoine et « fourni une évaluation mensongère », entre 2011 et 2014, dans les déclarations auxquelles sont soumis les élus auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Trois mois plus tard, en janvier 2016, sur la base de dossiers transmis par la Haute Autorité au parquet national financier, Patrick Balkany est à nouveau mis en examen pour « déclarations mensongères sur son patrimoine ». La HATVP doute de la sincérité des déclarations de patrimoine du couple.
La possession de la villa Serena, à Saint-Martin
Avant de séjourner régulièrement à la villa Pamplemousse, les époux Balkany étaient déjà des habitués de Saint-Martin et de la villa Serena, autre demeure luxueuse de l’île. En 2013, la résidence est vendue pour 2 millions d’euros. L’argent va sur le compte d’une société nouvellement créée et basée aux Seychelles. Une fois de plus, l’élu est soupçonné d’avoir été le réel propriétaire de la maison et d’en avoir caché l’existence et la vente grâce à des comptes offshore.
En octobre 2016, sur la base de ces soupçons de dissimulation de patrimoine, Patrick Balkany se retrouve mis en examen, pour la quatrième fois en deux ans, pour « blanchiment de corruption » et « fraude fiscale aggravée ».
C’est dans le volet de cette affaire que l’élu aurait avoué, le 5 octobre aux enquêteurs, avoir bel et bien été le propriétaire de la villa Serena et de comptes offshore, selon une information du Journal du dimanche parue début janvier.
C’est la première fois que M. Balkany admet les faits qui lui sont reprochés dans l’enquête sur son patrimoine.
Mariage douteux à Levallois : une nouvelle affaire Balkany ?
A côté de ses ennuis judiciaires concernant son patrimoine, Patrick Balkany pourrait bientôt être entendu dans une autre affaire. Après une information révélée le 13 décembre par France Info et confirmée par le parquet de Nanterre, une enquête a été ouverte pour abus de faiblesse concernant un mariage suspect à Levallois-Perret.
Une ancienne employée municipale, proche des époux Balkany, aurait épousé en 2014 (lors d’un mariage prononcé par l’édile, avec Isabelle Balkany comme témoin ainsi que deux de leurs proches et sans que la famille du marié n’en soit informée) un homme dont le logement, vendu depuis, était convoité dans le cadre d’un projet immobilier. La famille du marié a porté plainte, considérant qu’il a été manipulé. Le maire s’est défendu de toute influence dans « cette affaire exclusivement privée ».