Au Mali, le « goût d’inachevé » de François Hollande
Au Mali, le « goût d’inachevé » de François Hollande
Par Solenn de Royer (Bamako, envoyée spéciale)
Le chef de l’Etat a laissé poindre, samedi à Bamako, pour la première fois à une tribune officielle, ses regrets de ne pas briguer un second mandat
Mahamadou Issoufou, le président du Niger, et François Hollande, le président français, à Bamako, le 14 janvier 2017. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
C’est une petite phrase qui en dit long. Très long. Evoquant en ouverture du sommet Afrique-France, samedi 14 janvier à Bamako, ses « trente-deux visites officielles » au continent africain depuis 2012, François Hollande a ajouté : « Disant cela, je ressens un goût d’inachevé qui aurait dû, finalement, justifier d’autres prétentions. » Tout est dit. Cette petite phrase improvisée – qui ne figurait pas dans la version écrite de son discours – est révélatrice de l’état d’esprit d’un homme qui semble ne pas pouvoir, ne pas vouloir, se résigner, un mois et demi après avoir annoncé qu’il renonçait à briguer un second mandat, et alors que la primaire de la gauche est lancée dans sa phase décisive.
C’est la première fois que le chef de l’Etat exprime publiquement des regrets, qui plus est à l’étranger. Même si depuis son discours crépusculaire du 1er décembre, il multiplie les confidences sur le sujet, toutes empreintes d’une certaine nostalgie. Le week-end dernier en Corrèze, en marge de ses vœux aux territoires, M. Hollande avait ainsi reconnu avec une gourmandise non dissimulée que de nombreux Corréziens, « tristes » de ce départ programmé, lui avaient demandé de renoncer à sa décision de ne pas se représenter. Puis il avait ajouté, mine de rien : « Rien dans la vie n’est jamais définitif. Sauf la fin… »
« Tournée des adieux » ou « tournée des retrouvailles »
Même chose à Gao, dans le nord du Mali, vendredi. En marge d’une visite éclair aux troupes de la force Barkhane, le président s’est agacé du terme « tournée des adieux », employé par la presse pour décrire ses déplacements depuis un mois. « On n’arrête pas de dire cela… mais non, pas du tout… », a-t-il lâché, en feignant de s’étonner de ce registre lexical. Alors qu’on lui faisait remarquer qu’il s’agissait pourtant de son dernier déplacement en Afrique avant la fin de son mandat, il s’est presque impatienté : « Dans la vie, il ne faut jamais dire jamais ! »
Il y a huit jours, M. Hollande n’avait pas voulu assumer non plus ce même terme (« tournée des adieux »), préférant qualifier ses derniers vœux aux Corréziens de « tournée des retrouvailles ». A l’Elysée, devant ses proches, le président confie parfois son amertume, depuis un mois. « Il est en train de se rendre compte de la connerie qu’il a faite, décrypte l’un de ses intimes. A un moment [à l’automne], il a craqué, ça s’est joué dans sa tête, il a eu peur de la piste noire (…) La vraie question, c’est : voulait-il être réélu ? Il a eu un trou, un manque d’envie. Et maintenant il s’en veut ».
Qui sait si ces regrets, exprimés à Bamako, n’ont pas été suscités par la diatribe dithyrambique du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, en ouverture du sommet Afrique-France ? Pour le président malien, M. Hollande aura été le président français « le plus sincère et le plus loyal » dans son rapport à l’Afrique. « Lorsque les esprits auront digéré rancœurs et ressentiments, la France et l’Histoire vous feront la seule place qui convienne, celle d’un homme, qui à l’Elysée, n’a pas cessé de respirer à hauteur simplement humaine », a-t -il poursuivi en se disant persuadé que le « courage » de M. Hollande « finira pas être reconnu ». Pour le président le plus impopulaire de la Ve République, du baume au cœur, incontestablement.