Comment des voitures autonomes apprennent à conduire avec le jeu vidéo « GTA V »
Comment des voitures autonomes apprennent à conduire avec le jeu vidéo « GTA V »
Par Morgane Tual
Ce célèbre jeu vidéo sert à entraîner et tester des programmes d’intelligence artificielle censés équiper les voitures autonomes.
« GTA V » est utilisé par des chercheurs en intelligence artificielle. | Rockstar Games
Le jeu vidéo Grand Theft Auto V (GTA V) n’est pas particulièrement reconnu pour la façon dont il encourage les joueurs à respecter le code de la route. Et pourtant, il est devenu un outil intéressant pour les chercheurs en intelligence artificielle (IA), qui s’en servent pour apprendre aux programmes qui équipent les voitures autonomes à se comporter correctement sur la route. Mercredi 11 janvier, l’organisation OpenAI, fondée par l’homme d’affaires Elon Musk en 2015, a annoncé qu’elle mettait à disposition libre et gratuite un kit d’outils basé sur ce jeu vidéo. Les chercheurs qui le souhaitent peuvent donc l’exploiter pour développer leurs propres programmes – à la seule condition de posséder GTA V.
Ce jeu a la particularité de se dérouler dans d’immenses paysages urbains très réalistes et détaillés. Pour les chercheurs en intelligence artificielle, GTA V a principalement deux grandes utilités : entraîner et tester virtuellement les programmes pour voitures qu’ils développent, dans un environnement proche du monde réel. Mais aussi améliorer la reconnaissance des images – et donc la capacité d’une machine à analyser correctement ce qui l’entoure.
Accidents virtuels
Concernant l’entraînement, il est indispensable aux programmes basés sur les techniques d’apprentissage du « machine learning ». Pour fonctionner, une voiture autonome doit théoriquement parcourir une quantité colossale de kilomètres pour affiner sa « compréhension » de l’environnement et des situations qu’elle peut être à même de rencontrer. Cela peut se faire dans le monde réel ou par vidéo, mais aussi dans des environnements virtuels.
« Les jeux vidéo modernes comme GTA V présentent un monde où vous pouvez tester l’IA d’une voiture autonome dans des zones urbaines vastes et complexes, composé de routes réalistes, mais aussi de conditions climatiques, de piétons, de cyclistes et de véhicules, sans aucun risque ni coût », explique Craig Quiter, spécialiste de l’intelligence artificielle, sur le site de DeepDrive, le projet à l’origine de l’annonce d’OpenAI.
DeepDrive Universe
Durée : 01:18
Il souligne également que ce type de simulation permet de confronter la voiture à d’innombrables situations dangereuses, qu’elles ne rencontreraient que très rarement si elles étaient testées dans le monde réel. « Cela réduit considérablement le temps nécessaire pour tester correctement les voitures, et en même temps, cela apporte de la transparence sur la façon dont les IA prennent leurs décisions. » En effet, dans l’environnement d’un jeu vidéo, les ingénieurs peuvent réobserver la scène d’un accident, par exemple, sous tous les angles, et avec tous les paramètres nécessaires pour analyser et comprendre l’origine du problème.
« Une de ses zones fait presque un cinquième de la taille de Los Angeles et donne accès à un large éventail de scénarios pour tester les systèmes », renchérit OpenAI sur son site. « Ajoutez à cela 257 véhicules différents, 7 types de vélos et 14 météos différentes, et il est possible d’explorer un grand nombre de situations avec un seul simulateur. »
Analyse d’images
Mais GTA V n’est pas seulement utilisé pour tester les intelligences artificielles. Il sert aussi aux chercheurs travaillant sur la reconnaissance et l’analyse d’images – un domaine indispensable aux voitures autonomes, qui, grâce à des caméras, perçoivent l’environnement routier, mais doivent aussi être capables de le « comprendre » pour s’y comporter correctement.
Car faire la différence, qui plus est en mouvement, entre un panneau et un piéton, un véhicule et une benne à ordures, le tout de jour ou de nuit, le soleil de face ou la pluie ruisselante, est loin d’être aisé. Pour qu’un programme y parvienne, il doit l’« apprendre » à partir d’une importante masse de données, généralement des vidéos ou des photos de ces environnements. Mais plusieurs chercheurs sont finalement arrivés à la conclusion qu’utiliser les images de GTA V était plus rapide, moins coûteux, et au moins aussi efficace que se baser sur des images issues du monde réel.
Démocratiser la recherche en IA
Des équipes d’Intel Lab et de l’université allemande de Darmstadt ont ainsi créé une technologie capable de classifier efficacement les éléments visuels présents dans le jeu – trottoirs, piétons, vélos, panneaux, bâtiments, arbres, ponts, barrières... Et une équipe de l’université du Michigan affirme, dans un article de recherche largement basé sur GTA V , que « les vrais objets, dans de vrais scènes, peuvent être appris et classifiés à partir de données synthétiques ».
Playing for Data: Ground Truth from Computer Games
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La mise à disposition, de façon « open source », d’un kit d’outils pour les chercheurs en intelligence artificielle basé sur GTA V, a pour objectif affiché de démocratiser la recherche sur les voitures autonomes. Si de grandes entreprises comme Google ou Uber ont les ressources pour tester leurs véhicules autonomes dans des environnement réels, ce n’est pas le cas de tous ceux qui travaillent sur le sujet. Rendre ces outils accessibles a aussi pour but d’accélérer la recherche, et donc, par conséquent, de rendre ces technologies plus fiables.
Une intelligence artificielle déjà entraînée, « capable de conduire dans différentes conditions climatiques, de réagir au trafic et de rester dans sa voie » est livré par défaut, peut-on lire sur le site d’OpenAI. « Cet agent est un début, nous invitons la communauté à l’améliorer ! ». Et à trouver, peut-être, de nouveaux usages à GTA V pour développer la recherche en IA.