Primaire à gauche : tous les candidats opposés à la politique migratoire de Valls
Primaire à gauche : tous les candidats opposés à la politique migratoire de Valls
Par Maryline Baumard
Ouvert dès le début de ce deuxième débat de la primaire, le dossier migratoire a creusé une ligne de front entre Manuel Valls, empêtré dans la défense de sa politique, et les autres candidats.
Manuel Valls, le 15 janvier 2017. | BERTRAND GUAY / AFP
Tous contre un… C’est un peu à cela qu’a ressemblé la partie du deuxième débat de la primaire à gauche, dimanche 15 janvier, consacrée aux migrants et à leur accueil en France. Manuel Valls s’est trouvé contraint de défendre un bilan que les autres candidats ne cautionnent pas : la politique migratoire menée sous le quinquennat de François Hollande.
« La vie, ce n’est pas une ardoise magique », a commencé à railler Vincent Peillon, à l’adresse de M. Valls, en soulignant son « désaccord profond » sur cette question « qui a marqué ce quinquennat »… « 350 000 personnes assassinées par Bachar Al-Assad, et des millions jetées sur les routes… Nous devons accueillir », a-t-il lancé, alors que l’ex-premier ministre rappelait que 85 000 personnes ont demandé l’asile en France en 2016, avant d’enchaîner sur un très vallsien « J’en ai assez qu’ici comme ailleurs on mette toujours en cause la France » et de s’entendre répondre en retour que critiquer la position du gouvernement n’était justement pas critiquer la France…
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Avec cette passe d’armes, arrivée très tôt dans le débat, une ligne de front a rapidement séparé Benoît Hamon, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg d’un côté, et de l’autre Manuel Valls a peine rejoint par Sylvia Pinel. En tant qu’ex-ministre du logement, cette dernière a elle aussi cautionné la politique d’accueil très limitée du gouvernement, mais semblait l’avoir quelque peu oublié, préférant avancer l’idée d’« un droit d’asile européen », à l’unisson sur ce thème avec l’approche européenne de François de Rugy.
Le débat s’est aussi arrêté sur la promesse d’un accueil de 30 000 réfugiés avant fin 2017, faite par François Hollande début septembre 2015 et sur laquelle le gouvernement a pris beaucoup de retard.
« J’ai le sentiment que les Français sont plus généreux que leurs dirigeants », a encore lancé, l’ex-ministre de l’éducation, M. Peillon, en évoquant les « 5 000 » réfugiés accueillis par la France, loin des « 30 000 » promis ».
Accès au travail des migrants
D’ailleurs, le nombre de 5 000 migrants accueillis qui s’est imposé dans le débat est surévalué par rapport au nombre réel d’arrivées qu’a connu la France. Ce ne sont pas plus de 3 500 migrants qui ont en effet été relocalisés dans l’Hexagone dans le cadre des accords destinés à soulager l’Italie et la Grèce.
En fait, ce débat avait démarré sur une proposition de Benoît Hamon qui souhaite que les demandeurs d’asile puissent travailler trois mois après avoir déposé leur dossier, un souhait partagé par Vincent Peillon, mais qui n’a pas été le choix du gouvernement actuel.
Dans la loi votée en juillet 2015, en effet, le gouvernement n’autorise cet accès au marché de l’emploi qu’au bout de neuf mois. Une position qui maintient le migrant en état de dépendance, avec son allocation de demandeur d’asile, et ne lui redonne pas la maîtrise de son destin. Cette formule avait été décidée pour empêcher de s’installer ceux qui seront ensuite déboutés de leur demande. En fait, selon les données transmises par le cabinet de Bernard Cazeneuve (lorsqu’il était place Beauvau) à la Cour des Comptes, seuls 3 % des déboutés de l’asile sont effectivement reconduits par-delà les frontières. Ce qui invalide totalement l’interdiction d’accéder au marché du travail.
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Clivage entre les candidats sur les corridors humanitaires
Le sujet des corridors humanitaires, autant dire des possibilités de faire entrer légalement en France des demandeurs d’asile, sans qu’ils ne tombent entre les mains de passeurs, a aussi amené à un clivage entre les candidats à la primaire, ou plutôt là encore entre l’ex-premier ministre et ses concurrents. « Il aurait fallu faire des corridors humanitaires pour tous ceux qui sont menacés «, a lancé Vincent Peillon, le plus offensif sur ce sujet. « On peut encore le faire », a-t-il même ajouté alors que Manuel Valls lui répondait sur la rhétorique classique de la crainte d’un appel d’air, qui a constitué le leitmotiv du gouvernement depuis 2014.
« L’accueil illimité ça n’est pas possible », a ainsi rappelé M. Valls qui a en même temps tenté de défendre son action. « Ce que j’ai dit (à Munich en février 2016), non seulement je l’assume mais je pense que la France a eu raison de mener cette politique, l’histoire nous a donné raison », a-t-il estimé à propos de la « leçon » faite à la chancelière Angela Merkel sur son large accueil des réfugiés.
Plus à l’aise sur les sujets économiques ou liés au travail, Arnaud Montebourg a lui préféré décaler le débat sur les travailleurs détachés plutôt que le laisser s’installer durablement sur l’immigration. Après avoir toutefois taclé l’ex-premier ministre en soulignant au passage que « le volontariat est puissant dans ce pays » et en estimant que Cédric Herrou, le paysan de la Vallée de la Roya poursuivi pour avoir hébergé des migrants, est « injustement poursuivi ».
De son côté l’écologiste François de Rugy n’est pas vraiment entré dans ces passes d’arme, préférant réserver sa critique au candidat de la droite François Fillon, qui à ses yeux prônerait une « immigration zéro ».