Donald Trump, le 13 janvier. | EVAN VUCCI / AP

Editorial du « Monde ». Donald Trump le dit haut et fort : il n’aime pas l’Union européenne (UE). Il parie sur son démantèlement prochain. Pour la première fois depuis les années 1950, un président américain déclare son indifférence, voire son hostilité, au projet d’intégration européen. C’est un revirement total : l’Amérique a largement contribué à l’unification européenne au lendemain de la seconde guerre mondiale. Depuis, les Etats-Unis l’ont toujours appuyée. Une époque s’achève. L’homme qui s’installe, vendredi 20 janvier, à la Maison Blanche n’a que mépris pour ce que les Européens ont accompli sur la voie de l’unité et de la coopération entre eux.

Telle est la teneur du premier grand entretien que Trump a accordé, le week-end dernier, à deux quotidiens européens, le Times de Londres et la Bild allemande. Communauté de valeurs de part et d’autre de l’Atlantique ? Quand on interroge le futur président sur l’intérêt qu’il attache à une Europe unie, sa réponse est sans ambiguïté : « Pour les Etats-Unis, cela n’a aucune importance, cela m’est parfaitement égal que les Européens soient unis ou non. »

Positions protectionnistes

Il penserait plutôt que le mieux est qu’ils soient désunis : « Le Brexit va se révéler une grande chose. » Il s’en félicite chaleureusement. Il assure que cet exemple va vite être suivi par d’autres membres de l’UE. Celle-ci n’est qu’un véhicule « au service de la puissance allemande », dit-il encore, tout en affichant un profond mépris – et une ignorance manifeste de leur mode de fonctionnement – pour les institutions de Bruxelles.

Logiquement, le 45président américain n’a guère plus de considération pour l’OTAN. L’Alliance atlantique est « obsolète », décrète-t-il. Le Kremlin a salué cette déclaration. Sur ce sujet comme sur l’UE, que Moscou cherche aussi à déstabiliser en soutenant les partis anti-européens sur le Vieux Continent, Donald Trump et Vladimir Poutine ont, grosso modo, la même sensibilité.

L’homme qui doit être investi vendredi sur les marches du Capitole à Washington complète ce tour d’horizon européen en réaffirmant ses positions protectionnistes. Il s’en prend notamment à l’Allemagne, à son fleuron industriel qu’est l’industrie automobile, et se dit prêt à déclencher une guerre commerciale avec elle (comme avec le Mexique et avec la Chine).

Une « chance » à saisir

L’Europe a deux options. Soit elle pleurniche sur le revirement américain et compte sur la majorité républicaine au Congrès pour neutraliser la politique de Donald Trump. Elle peut encore chercher à se rassurer en pointant toutes les incohérences, contre-vérités et autres absurdités de la rhétorique trumpiste, particulièrement dans le domaine des échanges extérieurs. Elle courrait alors à l’échec, car Trump réalisera au moins une partie de son programme.

La seconde option pour l’Europe consiste à saisir la « chance » que lui offre le président américain – celle d’accéder enfin à la maturité. Il s’agit de n’être plus seulement une réussite commerciale – et même monétaire – mais de retrouver le chemin de la croissance, de se doter des moyens d’une plus grande autonomie en matière militaire, de recherche-développement et d’affronter les défis de demain, notamment celui de l’immigration.

Sauf à sombrer dans l’insignifiance, l’UE doit prendre acte du tournant historique que représente l’élection de ce président : l’Amérique se replie sur la part profondément protectionniste de son ADN et elle considère qu’elle n’a plus besoin de ses alliés européens.