Bernard Cazeneuve : « Je ne donne pas quelques mois avant qu’on se dise que le regard porté sur ce quinquennat a été injuste »
Bernard Cazeneuve : « Je ne donne pas quelques mois avant qu’on se dise que le regard porté sur ce quinquennat a été injuste »
Par Patrick Roger
Le premier ministre Bernard Cazeneuve était l’invité du Club de l’économie « Le Monde », jeudi 19 janvier. Etat d’urgence, revenu universel et bilan du quinquennat figuraient au menu des questions.
Invité jeudi 19 janvier du Club de l’économie Le Monde, le premier ministre, Bernard Cazeneuve, a d’abord été interrogé sur le devoir de protection de l’Etat. « Je connais les interrogations sur la capacité à s’adapter au mouvement de mondialisation tout en préservant nos protections sociales, a indiqué le chef de l’exécutif. Mais l’action du gouvernement ne se réduit pas à protéger. Protéger n’exclut pas d’innover, de prendre son risque. Cela ne veut pas dire se recroqueviller. »
Concernant l’état d’urgence, M. Cazeneuve a estimé qu’il n’avait « pas vocation à durer éternellement ». Néanmoins, a-t-il ajouté, détaillant les garanties judiciaires qui avaient été apportées tout en rehaussant le niveau de protection, « l’état d’urgence n’est pas la monstruosité que j’ai parfois vue décrite ». Le premier ministre a également jugé nécessaire d’« amener progressivement le budget de la défense à 2 % » du budget de l’Etat.
M. Cazeneuve s’est montré déterminé à faire aboutir la question des travailleurs détachés. « Je souhaite quitter Matignon en ayant rendu ce dossier irréversible », a-t-il affirmé. Il doit se rendre à Berlin le 13 février pour évoquer, notamment, ce sujet avec la chancelière Angela Merkel. Rappelant que la France a été « à l’initiative » de la révision de la directive européenne et avait pris des dispositions au plan national à travers la loi Macron, il a « invité chacun à ne pas être dans la post-réalité ». « Il ne faut pas avoir une vision rabougrie, protectionniste, sur ces sujets », a-t-il insisté.
« Abandon des principes de respect »
Sur la question du revenu universel, le premier ministre s’est voulu « extrêmement pragmatique et prudent ». « Nous devons avancer sur ces sujets dès lors que nous sommes en mesure d’en préciser et d’en assurer le financement », a-t-il ajouté, sans livrer sur le fond son sentiment sur ce type de dispositif.
C’est sur le bilan du quinquennat que M. Cazeneuve s’est montré plus incisif. « Nous avons fait énormément de choses », a revendiqué celui qui aura été membre du gouvernement pendant toute la durée du quinquennat, aux affaires européennes, au budget, à l’intérieur et maintenant à Matignon. « Je ne donne pas quelques mois avant qu’on se dise que le regard porté sur ce quinquennat a été bien injuste », s’est-il dit convaincu.
Revendiquant enfin une certaine « éthique » en politique, il a fermement déploré « un processus d’abaissement du débat politique, d’abandon des principes de respect ». « J’appelle au respect et à la mesure, a-t-il appuyé. On peut s’affronter avec respect et exigence intellectuelle. »
Sa conclusion avait toutes les apparences d’une mise en garde à l’endroit d’Emmanuel Macron. « Il a choisi son chemin. J’ai avec lui des points de divergence mais je ne les exprime pas de façon acrimonieuse, a souligné M. Cazeneuve. La fidélité est une valeur en politique. Il y a aussi la sincérité. Si l’on se réfère à Pierre Mendès France, il faut accepter de prendre des risques, de dire ce que l’on veut faire et comment on va le faire. Sinon, on est dans un processus d’évitement. »