Primaire à gauche : Valls, Montebourg, Hamon… quel a été leur bilan lorsqu’ils étaient ministres ?
Primaire à gauche : Valls, Montebourg, Hamon… quel a été leur bilan lorsqu’ils étaient ministres ?
Par Elvire Camus
La plupart des candidats qui briguent l’investiture à la primaire organisée par le PS et ses partenaires ont exercé des fonctions ministérielles lors du quinquennat qui s’achève.
Candidats à la primaire à gauche, leur vie de ministre a tendance à s’éloigner, surtout quand, comme Manuel Valls, ils adoptent des postures qui tendraient à faire oublier leur action lorsqu’ils étaient en poste. Qu’ont fait Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Sylvia Pinel et Manuel Valls lorsqu’ils étaient au gouvernement ? Retour sur leurs bilans respectifs.
Benoît Hamon
Benoît Hamon à Nancy le 6 janvier. | JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Ministre délégué à l’économie sociale et solidaire
Lors de son passage à Bercy, en tant que ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire, de mai 2012 à mars 2014, Benoît Hamon a mené quelques chantiers significatifs. Au premier rang desquels, la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS), qui donne un cadre à un secteur – regroupant notamment les mutuelles, les coopératives, les associations… – jusque-là mal défini. Adoptée en juillet 2014, la loi définit, pour la première fois, l’ESS comme un « mode d’entreprendre et de développement économique ».
Autre gros morceau, la loi sur la consommation, adoptée en mars 2014, qui propose un panel d’outils pour améliorer la protection des consommateurs comme l’action de groupe, la facilitation de la résiliation du contrat d’assurance, la mise en place d’un registre du crédit ou l’augmentation du délai de rétractation pour le commerce en ligne. Il quitte son poste peu après l’adoption de cette loi pour rejoindre le ministère de l’éducation nationale.
- Ministre de l’éducation nationale
Cent quarante-sept jours. Tel est la courte durée que Benoît Hamon a passée rue de Grenelle au ministère de l’éducation nationale, succédant à Vincent Peillon en mars 2014. Il le quitte au mois d’août, prenant la porte de sortie du gouvernement ouverte par Arnaud Montebourg après des désaccords sur l’orientation de la politique économique du gouvernement.
Au cours de ses quelques mois comme titulaire de ce portefeuille, M. Hamon n’a pas eu le temps de lancer de chantier majeur et laisse un bilan mitigé. Chargé de déminer le dossier de la réforme des rythmes scolaires, il lâche du leste sans pour autant calmer la fronde.
Il recule également sur les ABCD de l’égalité, outil pédagogique de promotion de l’égalité homme-femme, après la polémique qu’ils suscitent, notamment lancée par les opposants au mariage pour tous. Enfin, M. Hamon est contraint de renoncer à faire avancer un dossier qui lui tient à cœur : celui de la réforme de l’évaluation des élèves. Il démissionne avant d’effectuer sa première rentrée.
Arnaud Montebourg
Arnaud Montebourg à Paris le 9 janvier. | MARTIN BUREAU / AFP
Le passage d’Arnaud Montebourg à Bercy — d’abord ministre du redressement productif puis de l’économie de mai 2012 à août 2014 — est symbolisé par son portrait en marinière, mixeur Moulinex en main, à la « une » du Parisien Magazine, en octobre 2012, pour vanter les mérites de l’industrie « made in France ». En septembre 2013, M. Montebourg annonce le lancement de 34 plans industriels, censés stimuler l’activité nationale dans des domaines d’avenir. Il consacre une grande partie de son activité à tenter d’empêcher les fermetures d’usines. Parmi les succès de l’ex-ministre, il faut citer les dossiers des Lejaby, Kem One et surtout l’usine d’aluminium de Rio Tinto Alcan à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie).
Parmi ses faits d’arme, il bloque la vente de Dailymotion au géant américain Yahoo au printemps 2013. Il donne enfin son nom à un décret adopté en mai 2014 qui donne à l’Etat, dans un certain nombre de secteurs stratégiques (énergie, armement…), un droit de veto sur toute prise de participation étrangère dans une entreprise française, que la puissance publique soit à son capital ou non.
Du côté des revers, après s’être engagé à corps perdu pour la sauvegarde de PSA Aulnay, en s’en prenant au patron de l’entreprise, il se fait recadrer par Jean-Marc Ayrault, à l’époque à Matignon, et ne pourra empêcher la fermeture du site. Un deuxième épisode de forte tension surviendra sur la question de l’avenir des hauts-fourneaux de Florange (Moselle), site emblématique de la campagne de M. Hollande. Le ministre du redressement productif évoque alors l’hypothèse d’une prise de contrôle public temporaire d’une partie du site lorrain d’ArcelorMittal. Il reçoit même un certain nombre de soutiens dans les rangs de l’opposition, mais est désavoué par le premier ministre.
Avant son départ du gouvernement, Arnaud Montebourg aura tout juste le temps d’annoncer, en juillet 2014, la future loi sur la croissance et le pouvoir d’achat, devenue loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques… plus connue sous le nom de « loi Macron ». Saluée par le Medef, la loi fourre-tout de 308 articles publiée au Journal officiel vendredi 7 août, a pris un ton plus libéral que celui que son initiateur lui avait donné.
La contestation par Arnaud Montebourg de la politique de l’offre de l’exécutif finira par provoquer son départ du gouvernement, lundi 25 août, de même que celui de Benoît Hamon et Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication.
Vincent Peillon
Vincent Peillon à Villeneuve-Saint-Geroges le 4 janvier. | THOMAS SAMSON / AFP
Ministre de l’éducation nationale de mai 2012 à mars 2014, Vincent Peillon a surtout laissé son empreinte sur l’une des réformes compliquées du début de quinquennat : celle des rythmes scolaires, qui a rallongé la semaine des écoliers d’une matinée par semaine, afin de proposer des journées d’école plus courtes. Si la réforme est mise en œuvre, c’est au prix d’erreurs de communication et d’une précipitation qui finira par coûter à M. Peillon sa place au gouvernement. Un départ à l’époque justifié par son entrée en campagne pour les européennes. Trois ans après, les effets de la réforme sont jugés mitigés.
Pendant son séjour rue de Grenelle, Vincent Peillon aura aussi remis sur pied la formation des enseignants, renforcé la scolarisation des enfants de moins de trois ans et lancé le chantier de la refondation de l’école sur fond de créations de postes, l’une des promesses phare de François Hollande.
Sylvia Pinel
Sylvia Pinel à Paris le 5 janvier. | JACQUES DEMARTHON / AFP
- Ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme
En poste de mai 2012 à fin mars 2014, Sylvia Pinel s’illustre notamment par son échec à réformer le statut des autoentrepreneurs. Proposant de limiter à deux ans le recours à ce statut quand le chiffre d’affaires de l’entrepreneur est supérieur à 19 000 euros, elle s’attire les foudres du mouvement des « poussins ». Le dossier lui échappe finalement, la médiation est confiée à l’été au député Laurent Granguillaume chargé de rédiger un rapport sur cette question. Un an plus tard, alors qu’elle a quitté son portefeuille pour celui du logement, un texte de loi supprimant ces deux limitations est adopté, dont les effets restent toutefois contestés.
- Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité
Succédant à Cécile Duflot à ce portefeuille, Sylvia Pinel passera ses quelque deux années en poste à solder l’héritage de l’écologiste. Dans les faits, c’est Manuel Valls qui tient les rênes de la politique logement : si Mme Pinel donne son nom à une loi entrée en vigueur le 1er septembre 2014, qui met en place un abattement fiscal pour les investissements locatifs, c’est bien le premier ministre qui est aux manettes.
Elle laisse dans l’ensemble le souvenir d’une ministre peu impliquée sur la question du logement. Elle le sera davantage sur la problématique de revitalisation des bourgs ruraux en promouvant notamment des mesures d’aide à la réhabilitation des bourgs avec l’Agence nationale pour amélioration de l’habitat.
Manuel Valls
Manuel Valls à Paris le 9 janvier. | CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Ministre de l’intérieur
Quand il quitte la place Beauvau pour Matignon, le 31 mars 2014, Manuel Valls laisse un bilan en demi-teinte. En matière de sécurité, alors que la France n’est pas encore autant confrontée à la menace terroriste qu’à partir de janvier 2015, il ne parvient pas à faire diminuer le nombre de cambriolages, même si leur élucidation progresse. Certaines statistiques, elles, chutent : les règlements de compte, les vols à main armée. Dans le même temps, les arrestations en matière de trafic de stupéfiant augmentent considérablement.
A Beauvau, Manuel Valls se distingue par un style volontariste qui rappelle celui de Nicolas Sarkozy. Sur le dossier de l’immigration il se retrouve parfois contesté, lui qui, à son entrée au gouvernement, avait déclaré « être de gauche, ce n’est pas régulariser tout le monde et se retrouver dans une impasse ».
Son bilan en la matière est notamment écorné par la gestion maladroite, notamment par François Hollande, de l’affaire Leonarda, cette collégienne kosovare arrêtée et reconduite à la frontière en octobre 2013. Une polémique qui le confronte à la difficulté de combiner « humanité » et « fermeté » en matière de politique d’immigration. Lui seront aussi reprochés à gauche ses mots durs, prononcé à plusieurs reprises, à l’égard de la communauté rom, lui qui remet en cause leur « volonté d’intégration ». Autant de polémiques qui contribuent à droitiser son image.
L’autre dossier qui marque la fin de son passage à Beauvau, c’est l’affaire Dieudonné, quand, en janvier 2014, il adresse une circulaire aux préfets, leur demandant de faire interdire les spectacles de l’humoriste, taxé de racisme et d’antisémitisme.
- Premier ministre
Nommé après l’échec de la gauche aux municipales de 2014, son accession à Matignon qui confirme le tournant social-libéral du quinquennat, constitue un point de rupture pour la majorité. Un tournant qui s’incarne au congrès du Medef fin août 2014 lorsque le premier ministre lance aux patrons : « J’aime l’entreprise. »
A partir de là, Manuel Valls cristallise les critiques des « frondeurs » dans un contexte de restrictions budgétaires et de laborieuse lutte contre le chômage. Il est contraint à l’affrontement avec eux lors des débats sur deux textes clé : la loi Macron en février 2015, puis la loi travail au printemps 2016. Risquant d’être mis en minorité, il décide d’avoir recours au 49.3 pour faire adopter ces textes, catalysant le mécontentement. La contestation de la loi travail, et les violences qui l’accompagnent, ternira la réforme qui devait être l’une des réussites de son passage à Matignon.
A partir de janvier 2015, Manuel Valls est également confronté à la gestion des attentats en France. Dans un climat dont il tire dans un premier temps les bénéfices, notamment lors de son discours du 13 janvier à l’Assemblée nationale où il est ovationné. Mais avec la défense de la loi renseignement, puis, après les attentats de novembre, la mise en place de l’état d’urgence et le projet avorté d’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution, il est pris avec François Hollande au piège des polémiques dans un contexte de tensions sécuritaires. Il quitte finalement Matignon en décembre 2016 pour se lancer dans la campagne de la primaire du PS sans laisser derrière lui une grande réforme qui porterait son empreinte.