Mardi 24 janvier, la Cour constitutionnelle doit rendre son avis sur la loi électorale dite « Italicum » | FILIPPO MONTEFORTE / AFP

C’était devenu une sorte de date butoir, une échéance à laquelle tout le monde se référait, tant le sujet pollue depuis des mois le débat politique en Italie. Mardi 24 janvier, la Cour constitutionnelle doit rendre son avis sur la loi électorale dite « Italicum », initialement conçue par le gouvernement de Matteo Renzi pour devoir s’appliquer lors des prochaines élections générales, une fois adoptée la réforme constitutionnelle soumise au vote le 4 décembre 2016.

Cette loi électorale, exclue du champ du référendum, en était le complément logique, si bien que l’un se concevait difficilement sans l’autre. En assurant, par le moyen d’une prime majoritaire conséquente – et très controversée –, 55 % des sièges à la Chambre des députés au parti arrivé en tête, elle garantissait l’existence de majorités stables et durables, éloignant la perspective des crises parlementaires qui fragilisent régulièrement le fonctionnement de la démocratie italienne (64 gouvernements depuis 1945). Las, les choses n’ont pas tourné de la façon qu’espérait le chef de file du Parti démocrate (PD, centre gauche, au pouvoir), sévèrement désavoué par les électeurs et contraint de quitter le pouvoir après la victoire du non (à 59 %) lors du référendum.

Arrière-pensées

Désormais, plus personne ne compte utiliser tel quel ce système qui a perdu, avec l’éloignement du pouvoir de Matteo Renzi, son partisan le plus décidé. Mais il faut bien se mettre d’accord sur quelque chose, puisqu’en l’état, le pays ne dispose plus d’une loi électorale indiscutable. En effet, le mécanisme qui prévalait avant l’adoption de l’« Italicum », ironiquement qualifié de porcellum (« cochonnerie ») par son concepteur lui-même, Roberto Calderoli (Ligue du Nord), a entre-temps été jugé inconstitutionnel en décembre 2013.

Ainsi donc les partis vont être contraints dans les prochaines semaines de trouver un accord entre eux, avant que puisse se tenir un scrutin qui doit se dérouler au plus tard en février 2018. Et s’il est très improbable que l’avis de la Cour constitutionnelle soit définitif, il pourrait bien, en revanche, tenir lieu de base de discussion.

Car le chantier qui s’ouvre est vaste, complexe et pollué par les arrière-pensées. Il s’agit tout d’abord de se pencher sur le mode de scrutin au Sénat. L’« Italicum » ne concernait pas la Chambre haute, que la réforme constitutionnelle devait faire disparaître sous sa forme actuelle, mais le non au référendum du 4 décembre l’a rétablie dans toutes ses prérogatives. Celle-ci conserve donc la faculté de faire tomber les gouvernements, et la loi électorale actuelle, dans laquelle domine la proportionnelle, complique considérablement la recherche de coalitions stables.

Le mode de scrutin à deux tours, au terme duquel était décernée la prime majoritaire, pourrait lui aussi faire les frais du passage devant les juges. A vrai dire, il n’a plus de défenseurs, depuis que Matteo Renzi s’était déclaré disposé à s’en débarrasser, dans un geste à destination des minoritaires de son parti, très engagés dans la campagne pour le non.

Plus largement, le problème posé aux partis politiques italiens est celui de l’équilibre à trouver entre le principe proportionnel, gage d’une parfaite représentativité des élus, et la dose de scrutin majoritaire nécessaire pour constituer des majorités à même de gouverner. Et c’est là qu’interviennent les arrière-pensées.

Comment en effet détacher son jugement des sondages, à quelques mois d’un scrutin ? Se jugeant en position de force, le PD, dirigé par un Matteo Renzi revanchard, prône le retour à la loi électorale utilisée pour les élections de 1994, 1996 et 2001, dite « Mattarellium » en référence à son concepteur, l’actuel chef de l’Etat Sergio Mattarella, et dans laquelle domine le principe majoritaire.

Temporisation

Quant au Mouvement 5 étoiles, qui naguère qualifiait l’« Italicum » de « menace pour la démocratie », il lui trouve aujourd’hui tous les avantages, à commencer par celui de permettre de voter au plus vite. En effet, les partisans de Beppe Grillo continuent à être en tête des intentions de vote, et il leur tarde de convertir leur poussée dans les urnes…

Matteo Renzi et Beppe Grillo ont beau s’échanger des invectives depuis des mois, ils pourraient bien tomber d’accord, d’autant plus qu’ils ont tous deux intérêt à accélérer le calendrier électoral. La droite modérée, en revanche, en manque d’un chef indiscutable et en froid avec la turbulente Ligue du Nord, prône de son côté la temporisation, et un retour à la proportionnelle qui la remettrait immédiatement au centre du jeu, forçant le PD à s’allier avec elle pour gouverner. Lundi 23 janvier, dans un entretien au Corriere della Sera, son chef historique, Silvio Berlusconi, affirmait ainsi qu’en ces temps où le corps électoral est divisé en trois camps équivalents, « il est fondamental que la nouvelle loi électorale permette la plus grande correspondance entre le vote des citoyens et la majorité parlementaire ».

Cette approche est soutenue, paradoxalement, par une partie de l’aile gauche du PD, marginalisée, qui voit dans le retour à la proportionnelle une possibilité de peser à nouveau et espère avoir le temps d’organiser un congrès du parti avant les élections. Les débats s’annoncent longs et infiniment complexes. Ils ont de quoi faire saliver, en revanche, les amateurs les plus exigeants de cuisine parlementaire.