L’Algérie n’a plus son destin entre ses mains. Si elle doit s’imposer face au Sénégal pour viser les quarts de finale, ce soir à 20 heures, il faut espérer, dans le même temps, une défaite de la Tunisie contre le Zimbabwe dans l’autre match du groupe B. Un scénario qui n’offre que peu de certitudes à la sélection de Riyad Mahrez, joueur aux épaules solides dans une Coupe d’Afrique des nations mal négociée par les Fennecs (un nul et une défaite). Toute l’Algérie attend que le petit enfant frêle de Sarcelles, si peu estimé à ses débuts, la sorte d’une bien mauvaise posture.

« Je le savais prêt pour le haut niveau mais pas pour une telle carrière », raconte Guy Ngongolo, son ancien éducateur de l’AAS Sarcelles (Val-d’Oise). Qui aurait pu prévoir que ce gamin chétif allait devenir à 25 ans meilleur joueur de Premier League avec Leicester et meilleur joueur du continent africain ?

Dans la rue

L’ascension de Riyad Mahrez n’est pas banale et met à mal tous les préjugés sur la morphologie des joueurs de foot, formaté par les clubs. Né en 1991 dans la banlieue nord de Paris, Riyad Mahrez est un mordu de football, de ceux qui préfèrent passer des heures à tâter le cuir dans la rue ou sur la pelouse locale du centre Nelson-Mandela, plutôt que d’aller traîner avec ses copains. Le gaucher rejoint le football encadré et l’AASS à l’âge de 13 ans. Sa qualité technique de balle au pied saute déjà aux yeux, mais son physique encore un peu léger le freine.

« Il était vraiment à l’écoute, attentif aux consignes. Mais c’est vrai que son côté chétif [il mesure aujourd’hui 1,79 m pour 62 kg] lui a posé quelques soucis au début, par rapport à d’autres enfants de son âge. Il a pas mal galéré, il n’arrivait pas à s’arracher cette étiquette de gamin ordinaire. Il ne jouait pas forcément en équipe première et peu de gens croyaient en son potentiel, admet Guy Ngongolo. Vous savez, on en a beaucoup des gamins techniques ici, mais lui… il avait quand même un truc en plus. Ce n’était pas qu’un simple passionné. Le football, c’était sa vie : avant et après l’entraînement, vous pouviez être sûr de le croiser avec son ballon. »

L’enfant du quartier des Sablons n’a cure de ses détracteurs et se persuade qu’il deviendra footballeur professionnel. Sa pugnacité sera son atout. Conscient du potentiel hors du commun et de la volonté tenace de son poulain, Guy Ngonlolo, avec l’aide de l’ancien directeur technique du club, Nzete Ate, utilise son réseau pour lui offrir un essai à Quimper (CFA). Mais là encore, les débuts sont mitigés : « Rapidement, Riyad m’a appelé en me disant : “C’est mort, ils ne vont pas me garder !” Il était dépité. Finalement, ils lui ont laissé sa chance et c’est là que tout a commencé. » S’en suivirent, en 2009, un transfert avorté à l’Olympique de Marseille, son club de cœur, puis une percée méritée au Havre entre 2010 et 2013. Et finalement un envol, à Leicester (Angleterre), dans le meilleur championnat du monde.

Un choix judicieux

Le point d’orgue de sa carrière arrive en 2014, lorsque le Sarcellois choisit de répondre favorablement à l’appel des Fennecs d’Algérie, hommage touchant à son père décédé quelques années plus tôt, plutôt qu’à celui du Maroc, pays de sa mère. Un choix judicieux, puisqu’il sera de l’inattendu parcours des Fennecs lors de la Coupe du monde 2014 au Brésil, qui s’arrêta au stade des huitièmes de finale. Non sans avoir malmené l’Allemagne, futur vainqueur de l’épreuve…

Trois ans plus tard et avec un nouveau statut de leader, Riyad Mahrez prouve encore qu’il a les épaules robustes. Son doublé inscrit contre le Zimbabwe a permis à l’Algérie d’arracher un point (2-2) qui pèsera peut-être très lourd dans la balance, ce soir, au moment de faire les comptes dans ce groupe B disputé. Tous les regards de l’Algérie sont tournés vers l’attaquant.