Le sourire des partisans d’Emmanuel Macron
Le sourire des partisans d’Emmanuel Macron
Par Cédric Pietralunga
La défaite possible de Manuel Valls élargit l’espace politique de l’ancien ministre de l’économie.
Emmanuel Macron, en déplacement à Quimper, le 16 janvier. | FRED TANNEAU / AFP
Surtout, ne pas donner l’impression de se réjouir. Le résultat du premier tour de la primaire à gauche connu, Emmanuel Macron a refusé de s’exprimer, prétextant préparer son déplacement au Proche-Orient – au Liban puis en Jordanie – du 23 au 26 janvier. Mais le sourire était sur les lèvres de tous ses soutiens : Benoît Hamon en tête du scrutin et bientôt vainqueur, c’est l’assurance de voir une partie des électeurs de gauche basculer dans le camp de leur champion, veulent-ils croire.
Depuis son départ du gouvernement, le 30 août, l’ancien ministre de l’économie répète qu’il ne veut pas participer à la primaire, assimilée à « une guerre des clans ». Selon lui, les gauches sont aujourd’hui irréconciliables et le Parti socialiste n’est plus qu’« un astre mort », incapable de se renouveler. Une analyse confirmée par les résultats du 22 janvier, selon son entourage. « Le scrutin valide notre analyse de départ : il se passe à gauche ce qu’il s’est passé à droite avec Alain Juppé et François Fillon, explique un conseiller de l’ancien ministre. Hamon et Valls vont se cartonner et rendre impossible toute réconciliation. »
« La gauche réformiste refusera de suivre Hamon »
« Le premier tour de la primaire montre que la gauche marche sur deux jambes totalement opposées, abonde Christophe Castaner, député (PS) des Alpes-de-Haute-Provence et membre du comité politique d’En marche !, le mouvement créé en avril 2016 par M. Macron. La preuve : Benoît Hamon dit lui-même que ce sera projet de société contre projet de société au second tour, un qualificatif qu’on utilisait jusqu’ici pour le Front national, pas pour un ancien collègue du gouvernement… »
Même s’il refuse de prendre parti et donne l’impression de se désintéresser du scrutin, Emmanuel Macron sait qu’il disposera d’un espace politique plus important si c’est M. Hamon qui l’emporte. « Benoît vainqueur de la primaire, c’est l’équivalent de la conquête du Labour par Jeremy Corbyn, estime un parlementaire hollandais. Toute la gauche de gouvernement, la gauche réformiste, la deuxième gauche, appelez-la comme vous voulez, refusera de le suivre. »
A l’inverse, affronter Manuel Valls serait plus compliqué pour l’ex-banquier : les deux hommes ont été dans le même gouvernement et revendiquent la même filiation, celle de Michel Rocard. De même, M. Macron n’aime pas les rapports de force alors que M. Valls s’y complaît, ce qui pourrait donner un avantage à l’élu d’Evry lors d’un débat télévisé.
Aucune dynamique
Preuve du boulevard qui pourrait s’ouvrir devant M. Macron en cas de victoire de M. Hamon, la droite appelle ouvertement à une victoire de Manuel Valls pour tenter d’endiguer la « vague » revendiquée par le candidat de 39 ans. « Si la gauche socialiste veut faire barrage au hold-up de @EmmanuelMacron, elle fera gagner @manuelvalls le 29 contre tous les pronostics », a ainsi tweeté Yves Jégo, député de Seine-et-Marne et vice-président de l’UDI, après l’annonce du résultat du premier tour.
Autre motif de satisfaction pour les macronistes : la faible participation. Avec moins de deux millions de votants, contre plus de 2,6 millions à la primaire citoyenne de 2011 et 4,3 millions à celle de la droite en novembre 2016, le candidat désigné le 29 janvier ne bénéficiera d’aucune dynamique, affirme-t-on dans l’entourage de l’ex-ministre de l’économie. « Le nombre de votants ne donnera de tremplin ni à Valls ni à Hamon, la dynamique reste du côté d’Emmanuel Macron », se réjouit M. Castaner. Après avoir réuni plus de 10 000 sympathisants à Paris le 10 décembre, le candidat d’En marche ! compte faire une nouvelle démonstration de force lors d’un meeting à Lyon, le 4 février.
En refusant par avance tout accord d’appareil avec le Parti socialiste, comme il l’a affirmé le 19 janvier, Emmanuel Macron prend néanmoins un risque, celui de voir le candidat du PS refuser de se rallier à lui et se maintenir quoi qu’il arrive au premier tour de l’élection. Or, tous les sondages l’affirment, en tout cas pour le moment : l’ancien inspecteur des finances ne peut pas se qualifier pour le second tour du scrutin s’il a face à lui Jean-Luc Mélenchon et le candidat issu de la primaire de la Belle Alliance populaire. La partie de poker menteur entre socialistes et macronistes n’est pas terminée…