Syrie : à Astana, une délégation iranienne invisible mais omniprésente
Syrie : à Astana, une délégation iranienne invisible mais omniprésente
Par Isabelle Mandraud (Astana - envoyée spéciale)
Les rebelles accusent la république islamique, qui ne participe pas directement aux pourparler, d’enfreindre la trêve sur le terrain.
Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, avec la délégation iranienne, à Astana, le 23 janvier. | KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP
Les Iraniens ne s’expriment pas. Ils ne participent pas directement aux délicats pourparlers entre le régime de Damas et les groupes opposants armés syriens, qui ont commencé lundi 23 janvier au Kazakhstan par médiateurs russes et turcs interposés. Tandis que ces derniers assurent les navettes entre les belligérants installés dans des pièces séparées, la délégation iranienne, elle, conduite par le vice-ministre des affaires étrangères, Hossein Jaberi-Ansari, reste invisible. « Ils boivent le thé », ironise un diplomate.
Pourtant, la République islamique occupe une place prépondérante dans les discussions d’Astana. Force militaire majeure sur le terrain syrien – avec la Russie, la Turquie, mais aussi la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique dirigée par les Américains –, l’Iran est resté à l’écart du cessez-le-feu mis en place le 30 décembre 2016 par Moscou et Ankara, et les rebelles lui imputent la responsabilité des violations de la trêve sur le terrain. La défiance est telle que plusieurs chefs militaires de l’opposition syrienne conviés à Astana ont refusé de participer, lundi, lors de l’ouverture des discussions, à la première photo commune des protagonistes, pour ne pas figurer à ses côtés.
« Ceux qui veulent la guerre, ceux qui veulent la vie »
« Il y a ceux qui veulent continuer la guerre et ceux qui veulent revenir à la vie », résumait Yahya Al-Aridi, porte-parole des rebelles. Ces derniers accusent les « troupes étrangères » engagées sur le terrain en renfort des forces de Bachar Al-Assad de vouloir « aller jusqu’au bout », en écrasant la rébellion déjà affaiblie par la chute des quartiers d’Alep-Est, repris en décembre 2016 par le régime. « Soixante-treize milices pro-iraniennes interviennent, qui regroupent 90 000 hommes [un chiffre difficile à vérifier] », assure Omar Kouch, un journaliste syrien proche de l’opposition, pour qui « seuls les Russes peuvent faire pression » sur l’Iran et ses supplétifs.
Dans ce contexte de rejet, les négociations sont particulièrement intenses en coulisses, au sein de la troïka, pour tenter de trouver une issue. La délégation russe, conduite par Alexandre Lavrentiev, conseiller de Vladimir Poutine pour le Moyen-Orient, est déterminée à aboutir à un accord entre des forces opposées sur le terrain, dans l’espoir d’entraîner les rebelles vers un « front commun » contre les djihadistes de l’organisation Etat islamique et du groupe Fatah Al-Cham (ex-Front Al-Nosra affilié à Al-Qaida). Elle manœuvre au plus près pour entraîner son allié iranien dans son sillage. Après les divergences apparues au sein de la troïka sur la présence américaine à Astana – finalement limitée à l’ambassadeur des Etats-Unis au Kazakhstan –, l’entente formée par la Russie, la Turquie et l’Iran bute aujourd’hui sur le contrôle de la cessation des hostilités en Syrie.