Les députés votent l’interdiction des gaz de schiste
Les députés votent l’interdiction des gaz de schiste
Par Pierre Le Hir
L’Assemblée nationale a adopté un texte visant à « verdir » le code minier. Mais les associations environnementales le jugent insuffisant.
C’est un vote à portée symbolique. Presque un baroud d’honneur. L’Assemblée nationale a adopté, mercredi 25 janvier en début de soirée, une proposition de loi adaptant le code minier au droit de l’environnement. Mais ce texte, présenté par le groupe socialiste, écologiste et républicain, n’ira probablement pas jusqu’à son terme. Le Sénat ne l’a pour l’instant pas inscrit à son ordre de jour, et son examen a donc peu de chances d’être achevé avant la clôture de la session parlementaire.
Annoncée depuis cinq ans, la réforme du code minier – un épais corpus législatif remontant au droit napoléonien – aurait dû faire l’objet d’un projet de loi du gouvernement, en vue de son harmonisation avec la charte de l’environnement. Ne voyant rien venir, les députés ont eux-mêmes remis l’ouvrage sur le métier.
La disposition la plus emblématique, approuvée par l’ensemble des formations politiques à l’exception du groupe Les Républicains, avec le soutien du gouvernement, est l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, quelle que soit la technique employée.
Jusqu’ici, la loi du 13 juillet 2011 ne prohibait que la méthode de la fracturation hydraulique, la seule aujourd’hui à même d’extraire ces hydrocarbures de la roche mère, avec des nuisances environnementales importantes (mobilisation de très grands volumes d’eau, emploi d’additifs chimiques toxiques, pollution des eaux souterraines et de surface, microséismes, fuites de méthane, etc.).
Toutefois, cette interdiction ne s’applique qu’aux gaz et huiles de schiste. Elle laisse de côté le gaz de couche, ou de houille, contenu dans les veines de charbon. Une exemption justifiée, selon le président et rapporteur de la commission du développement durable, Jean-Paul Chanteguet (PS, Indre), par le fait que l’extraction de ce gaz ne nécessite pas le recours à la fracturation hydraulique, de toute façon bannie.
« L’exclusion du gaz de couche ne repose sur aucun argument scientifique car, pour extraire cet hydrocarbure gazeux à grande échelle, il faut recourir à la fracturation hydraulique », estime au contraire Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries extractives aux Amis de la Terre. Or, ajoute-t-elle, « c’est le seul hydrocarbure non conventionnel qui fait actuellement l’objet de forages exploratoires en France ».
Demande d’interdiction des énergies fossiles
Certains parlementaires ont voulu aller plus loin. La députée PS des Deux-Sèvres, Delphine Batho, ex-ministre de l’écologie, a ainsi plaidé en faveur de « l’arrêt de toute exploration et de toute exploitation des énergies fossiles à l’horizon 2030 ». Mais son amendement a été rejeté.
Pour le reste, le texte marque plusieurs avancées en matière de prise en compte des enjeux environnementaux de l’activité minière et de démocratie participative. En référence à l’accord de Paris sur le climat, la politique minière devra tenir compte de « la raréfaction des ressources » et traduire « le respect des engagements nationaux et internationaux de la France ». L’utilisation des ressources devra privilégier celles qui sont issues du recyclage et qui sont renouvelables. En outre, le principe du « silence gardé vaut rejet », selon lequel l’absence de réponse de l’Etat à une demande d’octroi, d’extension ou de prolongation de permis équivaut à un refus, a été réaffirmé.
Par ailleurs, il est prévu une « évaluation environnementale » des titres miniers. Et une « procédure renforcée d’information et de concertation » est instituée, même si la consultation du public reste facultative et non contraignante. Dans ce cadre, le « groupement participatif » constitué par des riverains, des élus locaux ou des associations, pourra faire appel aux experts de son choix.
« Un exemple pour le reste du monde »
Pour autant, la réforme du droit minier laisse les associations environnementales sur leur faim. « Si certaines améliorations ont pu être apportées, bien souvent malgré l’opposition du gouvernement et du rapporteur, les problématiques centrales du code minier n’ont pas été résolues, estiment les Amis de la Terre. Aucun changement en profondeur n’a été adopté. Cette réforme n’implique aucune remise en cause du renouveau extractif promu en France ces dernières années. »
En ouverture de séance, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, s’est félicitée que « la France donne l’exemple au reste du monde, puisqu’il est clairement affirmé que la recherche d’hydrocarbures n’est plus une priorité ». Le secrétaire d’Etat à l’industrie, Christophe Sirugue, a davantage insisté sur la possibilité de « recréer une activité minière en France », dans « le respect des normes environnementales et de concertation ».
Reste à savoir quel sera le sort de ce texte sous la prochaine législature. La réforme du code minier sera-t-elle enterrée ? Sera-t-elle relancée dans une approche plus productiviste ? Les futures majorités parlementaires devront, en tout cas, composer avec l’interdiction des gaz qui vient d’être votée.