Début janvier, après plusieurs jours de polémique, un groupe Facebook ­francophone appelé « Babylone 2.0 » a été supprimé par le réseau social : un groupe secret où l’on n’entrait que par cooptation, et dans lequel les 50 000 membres pouvaient consulter, commenter ou partager des photos de femmes dévêtues, prises et surtout diffusées sans leur consentement.

La pratique est, bien sûr, totalement illégale, et les sanctions encourues ont été largement augmentées par la loi numérique de 2016 : deux ans de prison et 60 000 euros d’amende, prévoit désormais l’article 226-2-1 du code pénal, qui réprime plusieurs variantes du revenge porn (« revanche pornographique ») – le fait de publier des contenus à caractère sexuel sans le consentement des principaux intéressés.

Ou plutôt, dans le cas de Babylon 2.0, des principales intéressées : uniquement consacré à la publication de photos de femmes, le groupe était réservé aux hommes. Son contenu a été récemment étalé au grand jour par le blog 2 girls 1 mag, dans un long article comprenant de nombreuses captures d’écran de messages sexistes y ayant été postés. « Ainsi donc, on en est revenus là. En 2017, on peut afficher des femmes sur des places publiques (…) contre leur gré et les humilier en trouvant ça hilarant, hein ? En 2017, on peut chercher la fille un peu libérée et s’empresser ensuite de se mesurer la bite comme un pauvre raté en la roulant elle dans la boue ? », s’agaçait le site, soutenu par de très nombreux messages sur les réseaux sociaux.

Le jeu du chat et de la souris

Vingt-quatre heures plus tard, Babylon 2.0 était supprimé par Facebook. Une victoire de courte durée : d’autres groupes similaires, préexistants ou nouvellement créés, prenaient aussitôt sa place. Avant d’être à leur tour signalés auprès de la gendarmerie ou de Facebook…

Un jeu du chat et de la souris classique, similaire à celui qui est pratiqué par les administrateurs de sites de téléchargement illégal, avec une différence notable : là où ces derniers changent régulièrement d’hébergeur et profitent d’astuces techniques et juridiques pour ralentir leur fermeture, ces groupes sont hébergés sur une plate-forme centralisée, Facebook, et sont donc beaucoup plus faciles à supprimer. Même s’il reste étonnant qu’un groupe consacré aux photos dénudées ait pu atteindre une telle audience sur un réseau qui, d’ordinaire, mène une chasse zélée aux images de nus.

Toutefois, pour les victimes, la suppression de ces groupes ne sera, au mieux, qu’une victoire partielle. Pas uniquement parce que leur vie privée a déjà été violée, mais surtout parce qu’en ligne les images ne disparaissent jamais complètement. Plus de deux ans après la diffusion de centaines d’images dénudées de stars hollywoodiennes, en août 2014, celles-ci continuent d’être republiées à l’infini sur des centaines de sites.

Dans cette affaire très médiatisée, dont les victimes disposaient de moyens leur permettant d’embaucher les meilleurs avocats, trois hommes ont été condamnés, au terme d’une enquête du FBI américain, pour le vol des images à des peines allant de six à dix-huit mois de prison ferme. Mais celui qui a rendu les images publiques n’a toujours pas été retrouvé.