Benoît Hamon et Régis Juanico, l’un de ses plus fidèles lieutenants rencontré au début des années 1990, ici le 28 août 2016. | Vincent Jarousseau/Hanslucas

Leur premier « coup », comme ils disent, remonte à 1993. C’était bien sûr, tel que le veut la geste socialiste, lors d’un congrès. Celui d’Avignon. Benoît Hamon, jeune militant brestois inconnu de 26 ans, prend la tête du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). À son côté se tient déjà Régis Juanico, 21 ans, étudiant à Sciences Po Lyon et engagé comme son aîné à l’UNEF-ID, syndicat pépinière de la gauche. Les deux hommes se sont rencontrés trois ans plus tôt dans les clubs Forum, qui rassemblent les jeunes rocardiens. Ils n’ont pas fini leurs études, mais la politique est déjà leur vie. « Le courant est vite passé. On avait le même parcours, les mêmes engagements, les mêmes objectifs : on voulait désigner nos porte-parole, définir nos propres orientations, ne plus être le bac à sable des courants du PS », se souvient Régis Juanico.

Première « fronde » avec les jeunes PS

Vingt-quatre ans plus tard, les deux hommes ne se sont pas quittés. Question de culture, question de confiance. Benoît Hamon l’a pris comme porte-parole lorsqu’il s’est engagé dans la primaire à gauche, dont le deuxième tour aura lieu dimanche. Avec leur petite bande, à cette époque, ils ont relancé le MJS, qui était moribond. Et insisté auprès de Michel Rocard, patron du PS, pour obtenir leur autonomie. « Ça a marqué le début d’une lignée de onze présidents fidèles à son parcours, se félicite Juanico, qui a lui-même succédé à Benoît Hamon en 1995. Le cœur de cette primaire, on l’a construit en lien avec les acteurs de la vie associative, des experts et des parlementaires, mais l’épine dorsale provient des anciens du MJS. » Une sorte d’amicale. Ou d’école du vice, pour leurs contempteurs. Option manœuvres d’appareil et coups tordus.

De ces années, en tout cas, Hamon conserve de solides amitiés. Ainsi, de Daniel Goldberg, député de Seine-Saint-Denis, Jérôme Saddier, directeur général de la Mutuelle nationale territoriale, Hugues Nancy, réalisateur de documentaires, Bertrand Gaume, préfet, Olivier Girardin, maire de La Chapelle-Saint-Luc (il a rejoint Arnaud Montebourg)… Ou encore des députés Pascal Cherki, Isabelle Thomas et Guillaume Balas. Un clan ? Des potes ? « C’est un peu des deux », résume Juanico. Certains passent leurs vacances ensemble, avec conjoints et enfants, mais sans jamais cesser de manœuvrer. « On écrivait nos textes pour l’université d’été », se souvient le député de la Loire.

« Il tisse depuis vingt ans un réseau et un courant. C’est admirablement monté. » Jean-Patrick Gille, soutien de Vincent Peillon

Pendant plus de vingt ans, les deux hommes font leurs classes ensemble. Pendant que Benoît Hamon poursuit sa lente mais patiente ascension au sein du parti, Régis Juanico rejoint le cabinet d’Alain Richard au ministère de la défense du gouvernement Jospin, avant de s’installer dans la région Rhône-Alpes. Il y est élu député en 2007, cinq ans avant son mentor. L’année suivante, au congrès du PS, la motion d’Hamon recueille 18,5 % des voix. Celui-ci est nommé porte-parole du parti et place ses hommes. Régis Juanico obtient la trésorerie du PS.

Les « hamonistes » sont fidèles et n’aiment pas les écarts. « Je suis stupéfait de voir comment ceux qui ont suivi comme un seul homme tous les calculs et positionnements de Benoît Hamon ont rompu le dialogue avec moi à partir du moment où je n’ai plus fait partie de l’aventure », persiflait, en octobre 2016, l’ex-socialiste Didier Guillot, conseiller de Paris. Ancien rocardien, il n’a pas suivi ses camarades dans leur aventure de conquête de l’aile gauche du PS. « Hamon n’a gardé du rocardisme que l’obsession d’avoir un courant organisé », juge-t-il. Jean-Patrick Gille, député d’Indre-et-Loire et soutien de Vincent Peillon, le dit autrement. « Il tisse depuis vingt ans un réseau et un courant. C’est admirablement monté. Le courant d’Hamon est beaucoup plus structuré au sein du parti que celui d’Arnaud Montebourg, analyse-t-il. Il travaille depuis des années avec son petit groupe. Ils sont un mélange de Michel Rocard et d’Antonio Gramsci [membre fondateur du PC italien], mais sans être doctrinaires. »

Benoît Hamon avec Mathieu Hanotin, directeur de sa campagne à la primaire. | Marc Chaumeil/French-politics.com

Comme leurs aînés, les « hamonistes » de la nouvelle génération ont fourbi leurs armes loin de l’ENA : au MJS (« ce bastion de Benoît Hamon est quasiment devenu un parti parallèle », constate Jean-Patrick Gille) ou à l’UNEF, puis au PS. De quoi leur valoir une solide réputation d’apparatchiks. « Trouver des élus dont l’engagement est ancien chez Hamon, ce n’est pas étonnant, explique ainsi Mathieu Hanotin, directeur de campagne de Benoît Hamon. L’engagement vient des tripes. À chaque étape de votre vie, vous ressentez le besoin et l’urgence de vous engager. J’assume mon parcours. » À seulement 38 ans, il affiche plus de vingt ans de militantisme au compteur.

Dès sa démission du gouvernement en 2014, Benoît Hamon, qui avait un peu délaissé pendant deux ans les manœuvres d’appareil (la « popole », comme dit Hanotin), reprend contact avec ses troupes. Il réunit régulièrement les parlementaires de son courant et parcourt les fédérations. À l’époque, personne ne le voit venir mais déjà ses fidèles lui répètent qu’il manque une voix à gauche et qu’il pourrait s’agir de la sienne. L’équipe se tient prête. Au mois de juin 2016, la décision est prise : « ils » y vont. « Benoît » et sa bande.

Benoît Hamon en 60 secondes
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