Sur Twitter, les rénégats du secteur public américain lancent une offensive anti-Trump
Sur Twitter, les rénégats du secteur public américain lancent une offensive anti-Trump
Les employés de plusieurs organismes fédéraux américains ont reçu des consignes leur interdisant de communiquer avec le public. En réaction, ils ont créé des comptes Twitter rebelles.
Le compte Twitter alternatif du National Park Service (NPS). | Twitter
« M. Trump, vous nous avez peut-être baillonnés officiellement. Mais avec des preuves scientifiques et Internet, notre message sortira. » Mardi 24 janvier, le compte Twitter @AltUSNatParkService publiait ses tout premiers messages. Deux jours plus tard, il dépassait le million d’abonnés. Sa particularité ? Il se présente comme un compte non officiel et rénégat d’employés du National Park Service (NPS), l’organisme fédéral américain chargé des parcs et du patrimoine. Peu après, de nombreux comptes du même type, se présentant comme des comptes rebelles issus de différentes agences fédérales, sont apparus sur le réseau social.
Tout a commencé le jour de l’investiture de Donald Trump. Le compte, officiel cette fois, du NPS, avait retweeté trois messages relativement critiques à l’égard du nouveau président. Les tweets ont rapidement été supprimés, mais les employés du NPS ont ensuite reçu une interdiction pure et simple d’utiliser les comptes officiels de leur organisme – qui a depuis été levée.
Mais peu après, ce sont les scientifiques de l’agence de la protection de l’environnement (EPA) qui ont reçu des consignes de la part de l’administration Trump, leur interdisant de communiquer avec le public, notamment à travers les réseaux sociaux. Le même sort a été réservé aux employés du département de l’agriculture. Cette volonté affichée de verrouiller la communication de ces entités inquiète de nombreux scientifiques. Ceux-ci redoutent notamment que les résultats de leurs recherches ne soient rendus publics que s’ils arrangent l’administration Trump.
Les employés « ont très peur d’être licenciés »
C’est dans ce contexte qu’ont émergé de multiples comptes alternatifs de ces services. Le succès surprise de @AltUSNatParkService (300 000 abonnés en une nuit) a donné des idées à d’autres : des comptes se réclament ainsi de l’EPA, de la NASA, du HHS (département de la santé), du FDA (département de l’alimentation) et autres. Ils reprennent généralement le logo de l’organisme et son nom, affublé de « alt » (« alternatif ») ou « rogue » (« rénégat »). Ces comptes publient à la fois des informations scientifiques, notamment sur le changement climatique, et des messages militants.
La plupart de ces comptes affirment être tenus par des employés de ces organismes voulant s’exprimer publiquement malgré les risques encourus. « Les comptes Twitter rénégats c’est marrant, mais les employés de l’Etat et les scientifiques ont très peur d’être licenciés s’ils s’expriment publiquement et partagent des informations », pouvait-on lire mercredi sur le compte @RogueNASA.
Des comptes authentiques ?
Toutefois, si de nombreux Américains semblent soutenir la démarche, au vu du succès de certains de ces comptes, celle-ci soulève de nombreuses questions. A commencer par celle de l’identité des personnes les ayant lancés. Impossible aujourd’hui de s’assurer qu’il s’agisse bien d’employés de ces organismes. Certains comptes pourraient ainsi être de faux comptes rénégats.
D’autant que ces comptes se multiplient et se ressemblent parfois. Deux comptes différents se revendiquent déjà de la NASA, @RogueNASA et @Alt_NASA. Sont-ils tous les deux authentiques ? L’un d’entre eux est-il un imposteur ? Peut-être les deux ? Qui plus est, même si certains comptes sont bien gérés par des employés des organisations concernées, dans quelle mesure sont-ils représentatifs ? Les comptes officiels, eux, sont en général facilement identifiables grâce à un macaron bleu que Twitter leur accorde après vérification.
Le tour de vis de l’administration Trump ainsi que l’émergence de ces comptes rebelles pose une autre question, essentielle à l’heure où la question des fausses informations agite le débat public : qui croire, notamment en terme d’information scientifique ? Un compte officiel muselé par le gouvernement ? Ou un compte non-officiel à l’origine incertaine ?
Quoi qu’il en soit, le succès de ces comptes semblent avoir parfois dépassé leurs créateurs. Les personnes ayant créé le premier et le plus populaire, @AltUSNatParkService ont annoncé jeudi qu’elles passaient la main à « des militants et des journalistes qui vont continuer dans le même esprit », afin de ne plus mettre en danger leur collègues :
« Ces derniers jours ont montré à quel point ce pays soutenait nos organismes environnementaux et scientifiques. Mais nous ne pouvons pas échapper au poids que la popularité de ce compte a fait pesé sur les épaules de nos collègues. C’est égoïste de continuer. Nous n’avons ni gagné ni perdu, et nous avons prouvé que ce pays croyait dans le travail sérieux de nos scientifiques. »