« Hacker la ville », ou comment se réapproprier l’espace urbain
« Hacker la ville », ou comment se réapproprier l’espace urbain
Par Lisa Burek
Dans son livre « Hacker Citizen », le designer Geoffrey Dorne rassemble cinquante idées pour que le citoyen se réapproprie l’espace urbain.
« Bibliothèque de rue », illustration du livre « Hacker Citizen » de Geoffrey Dorne | CC BY NC Geoffrey Dorne
Un « bonnet infrarouge » bricolé à l’aide de LED et de deux projecteurs pour éblouir les caméras de surveillance, des « poubelles sportives » transformées en paniers de basket pour transformer en sport ludique le geste de jeter, ou encore des codes QR poétiques et des boutons « Skip Ad » (« Passez cette publicité ») à coller sur les panneaux publicitaires…
Avec cinquante idées aussi sérieuses qu’excentriques pour se réapproprier l’espace urbain, le livre Hacker Citizen, de Goeffrey Dorne, se présente comme un « guide de survie en milieu urbain ».
Rencontré lors du European Lab Winter Forum, à la Machine du Moulin Rouge, jeudi 26 janvier, Geoffrey Dorne, veste en cuir, chemise bien repassée sous un pull bleu foncé, multiplie les projets sans jamais trop s’arrêter. A 32 ans, il a collaboré avec, entre autres, la Croix-Rouge, la Fondation Mozilla, EDF, Samsung… Il enseigne à la Webschool Factory et aux Gobelins et a créé son entreprise, Design & Human. Un « hacktiviste » hyperactif.
Le « bonnet infrarouge » imaginé par Geoffrey Dorne. | CC BY NC Geoffrey Dorne
Une « low city » plutôt qu’une « smart city »
Son livre Hacker Citizen, sorti à la fin de 2016 chez Tind, est un travail mené sur une dizaine d’années. Pour le designer, « hacker » la ville est une forme de réappropriation de l’espace urbain quand celui-ci devient de plus en plus connecté, de plus en plus intrusif. La smart city ? Il faut y être « vigilant ». « Si les décisions sont prises uniquement par ceux qui financent les villes, on va créer des flux de citoyens comme on crée des flux de données. »
Aux smart cities, il préfère une forme de « low city », où le citoyen prend le temps de s’arrêter : « Je conçois la réappropriation de l’espace urbain dans le temps long et le temps lent, je la vois comme une décélération. Le fait de s’arrêter, déjà, c’est se réapproprier l’espace, c’est regarder. Et si plusieurs personnes s’arrêtent, alors elles sont ensemble », explique-t-il, reprenant l’expression du sociologue français Michel Maffesoli : « Le lieu fait le lien. »
« En tant que designer, j’essaye d’être attentif à toutes ces choses auxquelles on essaye de nous habituer. »
Son travail laisse-t-il entendre que le citoyen s’est endormi, qu’il n’est plus attentif à ce qui l’entoure, qu’il se laisse bercer ? « On ne s’est pas endormi, mais on s’est plutôt habitué. Habitué à regarder des affiches publicitaires, à ne plus voir les caméras de vidéosurveillance. Et on nous habitue, aussi, à vivre dans ces environnements en ajoutant des chants d’oiseau dans les parkings ou les supermarchés, pour qu’on se sente bien. »
Certaines idées du livre sont à la limite de la dangerosité ou de la légalité. Comme le concept d’une « palette sur rails » pour circuler sur des rails de tramway « en fixant quatre roues sur une palette de transport aux normes européennes ». Aucune mention dans le livre ne prévient du danger ou d’une interdiction légale.
« Une perche à selfie pour ma caméra », illustration du livre Hacker Citizen de Geoffrey Dorne. | CC BY NC Geoffrey Dorne
De la poésie contre la technologie
Tirées à la fois de l’imagination de son auteur ou de projets de plasticiens et d’artistes, la plupart des idées du livre sont surtout poétiques. Certaines ont déjà été réalisées. La « bibliothèque de rue », par exemple, invite au partage de la culture en déposant sur une étagère au coin d’une rue des livres « à prendre et à déposer ». L’une des premières grandes bibliothèques de rue a été installée à Rennes en 2010, où plus de 500 livres sont quotidiennement disponibles. L’association Les Livres des rues en disposent aussi partout en France depuis 2013.
Les « bombes de graines », facilement réalisables avec des graines, du terreau et de l’argile, sont à jeter dans la rue pour revégétaliser la ville. L’idée vient des tutoriels du « guerilla gardening » (« guérilla jardinière ») qui désigne un mouvement de réappropriation d’espaces délaissés au profit du végétal. Une invitation, pour Geoffrey Dorne, « à ne pas oublier qu’être citoyen, ce n’est pas seulement voter ».
Smart Cities : « Le Monde » décrypte les mutations urbaines
Dans moins de trente ans, le nombre d’urbains dans le monde aura doublé. Pour raconter, décrypter et penser ces passionnantes mutations urbaines, Le Monde a organisé vendredi 25 novembre une matinée de colloque sur « Le big data va-t-il changer nos vi(ll)es ? ».
Avec ses partenaires, Le Monde a lancé à cette occasion la deuxième édition des Prix européens de l’innovation Le Monde-Smart Cities afin de récompenser des solutions innovantes améliorant la vie urbaine.
Retrouvez le règlement et le jury ici, ainsi que l’actualité des villes décryptée par les journalistes du Monde dans la rubrique « Smart cities » sur Lemonde. fr.
Le Monde organise les prix de l'innovation Smart Cities
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