Elections à la FFF : « Le feuilleton ne fait que commencer »
Elections à la FFF : « Le feuilleton ne fait que commencer »
Par Rémi Dupré
Patron de l’AS Nancy Lorraine, Jacques Rousselot expose au « Monde » les raisons de sa candidature à la présidence de la Fédération française de football (FFF).
Jacques Rousselot en 2013. | JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Patron de l’AS Nancy Lorraine depuis 1994, Jacques Rousselot a déclaré, le 30 janvier, sa candidature à la présidence de la Fédération française de football (FFF). Membre du comité exécutif de l’instance depuis 2011, le dirigeant de 67 ans a décidé d’affronter dans les urnes, le 18 mars, son ancien allié Noël Le Graët, numéro 1 de la FFF depuis 2011. A 75 ans, ce dernier avait d’abord promis à Jacques Rousselot qu’il lui succéderait avant de se raviser et de briguer un troisième mandat.
Pourquoi êtes-vous candidat à la présidence de la FFF ?
C’est une décision mûrement réfléchie. En septembre je devais succéder à Noël Le Graët. Malheureusement, et je ne vais revenir ni sur le passé ni sur l’histoire, il a décidé, fin octobre, d’être candidat à sa succession. Compte tenu de la cession de mon club qui se dessinait, je m’étais mis en tête que je serais en vacance du football. Quelques amis m’ont relancé, début janvier, pour qu’on réfléchisse à monter une liste d’opposition. Ils m’ont convaincu. J’ai accepté de donner un coup de main compte tenu de mon expérience de chef d’entreprise pendant une trentaine d’années et de ma connaissance du football. J’ai siégé à la Ligue de football professionnel (LFP), à l’ancien conseil fédéral et au comité exécutif de la FFF, et je dirige l’AS Nancy Lorraine depuis près de vingt-cinq ans [depuis 1994].
Nous n’avons pas trouvé de tête de liste et mes amis m’ont dit « il faut absolument que tu y ailles ». On est en train d’élaborer cette liste avec des amis du football professionnel et amateur pour changer un peu la méthode de gouvernance. Je suis un homme qui aime le vivre ensemble. Michel Platini voulait « rendre le football aux footballeurs ». Moi, je veux le rendre à ceux qui le connaissent, le pratiquent et l’encadrent, aux gens de la base pour permettre à la Ligue du football amateur de regagner en autonomie.
On vous a souvent questionné sur le sentiment de « trahison » qui motivait votre candidature. Cela vous agace-t-il ?
Oui. Comme chaque être humain, on est déçu, frustré, meurtri, déstabilisé. Mais cela passe. Le sentiment d’avoir été trahi, ce n’est pas ce qui m’anime aujourd’hui. Ce sera projet contre projet. Le monde amateur et les clubs pros choisiront en conscience en fonction des qualités de chacun. Je veux remettre le football au centre de nos débats et donner un autre souffle, mettre un peu dans la lumière les gens qui travaillent dans l’ombre. Il faut travailler avec un comité exécutif ouvert, plus à l’écoute.
Vous siégez au comité exécutif de la FFF depuis 2011 et connaissez depuis des décennies Noël Le Graët, connu comme un animal politique. Comment avez-vous pu croire une seconde qu’il vous transmettrait le flambeau ?
Beaucoup de vos confrères et amis me le disent… Quand je crois en quelqu’un, je crois en la parole donnée et en l’amitié. Je suis respectueux de mes amis. Pour moi, le respect de la parole donnée vaut un écrit. C’est comme ça…
Avez-vous fait preuve de naïveté ?
La nature humaine est ainsi faite. J’ai toujours du mal à comprendre ceux qui trahissent leur parole. Que voulez-vous ? Noël Le Graët avait cette envie de se succéder à lui-même. Mais pourquoi ne pas me l’avoir dit en septembre quand on s’est vu ? Je n’en fais pas une maladie et suis passé à autre chose. Il y a plus grave dans la vie.
Quels sont les axes de votre programme ?
Je ne peux pas le dévoiler maintenant. Je finis de constituer ma liste. Nous en reparlerons lors de l’acte II. Le feuilleton ne fait que commencer. On ne va pas révolutionner le football. C’est davantage un problème d’hommes, d’affinités, de feeling, de méthodes. Il faut respecter, écouter les 2,5 millions de licenciés et les supporteurs. On ne peut plus gouverner de la même manière qu’avant.
Inscrivez-vous votre candidature dans la continuité de ce qui a été réalisé sous la présidence de Noël Le Graët ?
Bien sûr. Ce serait être de mauvaise foi que d’attaquer le bilan. Il y a eu de très très bonnes choses de faites au niveau du marketing, de l’équipe de France. Le bilan est satisfaisant. Ce serait malvenu de le critiquer puisque j’étais partie prenante au comité exécutif. C’est un « bilan iceberg » : vous voyez ce qui émerge mais il y a beaucoup d’incompréhensions au niveau de l’eau. Mais il y a encore tellement de choses à faire. J’ai une vision différente de celle de Noël Le Graët sur l’organigramme, le fonctionnement de la FFF, la Direction technique nationale, des pôles de formation.
Quelle est votre conception de la fonction présidentielle ?
Celle du partage, de l’écoute. Je veux avancer collégialement. Je ne veux pas monopoliser le pouvoir, comme c’est souvent le cas dans ce domaine. En tant que chef d’entreprise, j’ai dirigé jusqu’à 2 000 personnes à travers six ou sept entités différentes. Seul on n’est rien. Je me suis toujours appuyé sur la compétence des hommes. C’est mon credo.
Le président du RC Lens, Gervais Martel, et Jamel Sandjak, patron de la Ligue d’Ile-de-France, ont rejoint votre liste. Des membres du comité exécutif vont-ils l’incorporer ?
Ma liste doit être déposée pour le 15 février. Je ne peux pas trop en dire plus pour l’instant. C’est possible qu’il y ait quelques noms du comex.
Le mode de scrutin (63 % des voix pour le monde amateur, 37 % pour celui professionnel) tend à favoriser le président sortant. A combien mesurez-vous vos chances de l’emporter ?
Comme dans n’importe quel match ou combat, si j’y vais c’est pour gagner. Nous sommes en démocratie. J’essaye de peser mes chances dans le monde amateur et celui professionnel. On a de bonnes chances. Sans dévoiler ma stratégie, je sais que mon discours et ma personne attirent beaucoup de suffrages. « On » devrait être un bon opposant puisque c’est ainsi qu’il faut se qualifier.
Est-ce un avantage d’être président de club dans ce genre de course électorale ?
Je suis connu du monde professionnel depuis plus de vingt-trois ans. Mes amis du monde professionnel connaissent mon intégrité, ma façon collégiale de travailler. A chaque fois qu’il s’agit de se battre pour l’intérêt supérieur du football français, j’ai toujours été aux côtés de mes amis. Aujourd’hui, je veux compléter ma palette d’investissements auprès du monde amateur en donnant la possibilité à tous les acteurs du football de pouvoir s’exprimer.