La Grande mosquée de Paris le vendredi 20 novembre 2015. | Reuters

Editorial du « Monde ». Deux ans après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, quinze mois après le massacre du Bataclan et des cafés parisiens, huit mois après l’été meurtrier de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, alors que la guerre contre Daech et le terrorisme djihadiste se poursuit en Irak et en Syrie et que la crise des réfugiés est tout sauf résorbée, l’on pouvait craindre des crispations majeures dans la société française.

Au-delà des pouvoirs publics, beaucoup redoutaient que ces traumatismes répétés ne déclenchent une montée de l’intolérance, du racisme antimusulman, voire une exacerbation plus générale des actes contre les lieux de cultes et les pratiquants, qu’ils soient musulmans ou, en réaction, juifs ou chrétiens.

A rebours de tous ceux qui s’emploient à verser de l’huile sur le feu et à attiser sans cesse le débat sur les communautarismes, il semble qu’il n’en soit rien. Et il est heureux de le constater. En mai 2016, déjà, le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait surpris par ses conclusions globalement rassurantes.

Il faisait état, certes, d’une augmentation des actes antimusulmans au lendemain des attentats de janvier et de novembre 2015, mais il témoignait dans le même temps d’un recul sensible de l’intolérance et du racisme dans l’opinion publique. Comme si le choc des attentats avait provoqué, chez les Français, davantage de volonté de vivre ensemble que de tentation de repli sur soi ou de règlements de comptes antireligieux.

Vigilance constante

Les chiffres publiés le 31 janvier, à la fois par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et par l’Observatoire national contre l’islamophobie (ONCI) – qui dépend du Conseil français du culte musulman et qui utilise, en la matière, le décompte du ministère de l’intérieur – confirment cette tendance. Ces deux organismes n’utilisent pas les mêmes dénominations, classifications et chiffrages. Mais ils concluent, l’un et l’autre, à une baisse très sensible des actes antimusulmans en France en 2016.

Pour le CCIF, ces actes sont en recul de près de 40 % (581, contre 905 un an plus tôt) et résultent dans leur très grande majorité de « discriminations », beaucoup plus que d’« attaques » (25) ou d’« agressions » (39). De son côté l’ONCI, qui ne recense que les faits ayant donné lieu à une plainte, fait état de 182 actes antimusulmans en 2016, contre 429 en 2015.

Plus globalement, le ministère de l’intérieur a dressé un bilan de l’ensemble des actes racistes, dont le nombre a fortement baissé : l’on en a compté 1 125 en 2016, contre 2 034 l’année précédente. C’est particulièrement net pour les actes antisémites et antimusulmans. En revanche, les atteintes à des lieux de culte chrétiens sont en augmentation. Il ne fait pas de doute que l’effort tenace engagé depuis deux ans par le gouvernement pour sécuriser les lieux de culte ou institutions religieuses, musulmans ou juifs notamment, porte ses fruits.

La lutte contre le racisme sous toutes ses formes exige une vigilance constante. Si le nombre des actes antisémites ou antimusulmans baisse, les discriminations de toutes sortes restent monnaie courante. Mais la résilience dont la société française a fait preuve après les traumatismes qu’elle a subis récemment permet d’espérer que les Français résistent, mieux qu’on ne pouvait le craindre, aux discours de division, de rejet, voire de haine.