Les dirigeants européens, lors d’un sommet de l’UE à La Valette, le 3 février. | MATTHEW MIRABELLI / AFP

Editorial du « Monde ». Les Européens sont prévenus. Donald Trump n’aime pas l’Union européenne (UE). Il a prophétisé son démantèlement. Le Brexit est une « grande chose », qui a ravi le président américain au moins autant qu’une bonne émission de télé-réalité. Et dans le projet européen, aventure unique dans l’histoire enfin apaisée du Vieux Continent, il ne voit qu’une manipulation de l’Allemagne au service de ses propres intérêts. M. Trump est le premier président américain ouvertement hostile à l’Europe. Les 27 de l’UE doivent en tirer des conséquences précises : la politique de l’autruche serait un désastre.

Quelques jours avant la réunion du sommet européen de Malte – consacré à l’immigration et qui a pris fin ce vendredi 3 février –, Trump tonnait encore contre l’euro, « gravement sous-évalué », accusait-il, pour favoriser les produits allemands en Europe et aux Etats-Unis. Peu importe qu’il n’y ait précisément, par principe, pas davantage de change au sein d’une union monétaire, il fallait dire du mal de l’euro, dont le cours actuel – 1 euro pour 1,08 dollar environ – ne reflète que l’appréciation du billet vert du fait des bons résultats de l’économie américaine (merci Barack Obama).

Le principal conseiller politique du 45e président américain, Stephen Bannon, veut, lui, aussi démanteler l’UE. Il flirte avec l’ultra-droite européenne la plus europhobe, notamment le Front national français, et ne s’en cache pas. Trump vient encore d’accroître le rôle de Bannon en le nommant au Conseil national de sécurité de la Maison Blanche. Au cas où les Européens n’auraient pas compris, on ne sait jamais, le président suggère de désigner à la tête de la représentation des Etats-Unis auprès de l’UE, à Bruxelles, un homme récemment converti à un discours aussi méprisant qu’hostile à l’égard de l’Europe, Ted Malloch.

Qui est Stephen Bannon, l’homme de l’ombre de Donald Trump ?
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Que faire ? Trump ne changera pas de cap. Il se méfie de l’OTAN, il n’attache guère d’importance stratégique à la relation transatlantique et il entend mener une politique économique résolument protectionniste. Il ne comprend pas cette entité fondée sur l’Etat de droit qu’est l’UE et il y voit une menace pour les intérêts américains. Il ne croit pas dans la norme de droit, mais dans les rapports de force : il entend affaiblir l’UE. Si Ted Malloch est confirmé dans le poste pour lequel il est pressenti à la ­Maison Blanche, les 27 doivent refuser de l’accréditer.

Redevenir une zone de croissance forte

Pour l’UE, la leçon devrait être claire. Elle doit commencer à acquérir un minimum d’autonomie en matière de défense. Comme elle l’a fait à La Valette, elle doit continuer à trouver les moyens de réguler les flux migratoires, vaste entreprise qui déterminera sans doute son avenir. Elle doit muscler l’union monétaire. Plus encore, elle doit faire envie, redevenir une zone de croissance forte.

C’est un programme simple, replié, resserré, qui devrait permettre de combler, petit à petit, le fossé qui s’est créé entre l’UE et les peuples d’Europe. Car ceux-là ont décroché, sceptiques devant une Union qui affiche à tout vent d’invraisemblables ambitions, qu’elle est bien incapable de satisfaire.

Dans le monde de Xi Jinping, Vladimir Poutine et Donald Trump, univers marqué par le retour en force de l’ultranationalisme, l’Europe est plus importante que jamais. Elle n’est pas seulement une nécessité pratique. Elle est un modèle de relations civilisées entre Etats. C’est sans doute ce que Donald Trump n’aime pas.