La librairie « El Ateno Grand Splendid », à Buenos Aires. | Pablo Dodda/DR.

Des études littéraires seraient-elles un atout pour réussir les concours ? Les qualités reconnues des étudiants en lettres, langues, histoire, philosophie et autres « humanités » pourraient-elles leur procurer un avantage par rapport à d’autres candidats ? Tout dépend du type de ­concours ou d’épreuve. Mais la question se pose pour certaines formations.

Les littéraires réussissent aussi bien dans les business schools que leurs ­camarades issus d’autres filières. C’est aussi le cas dans les Instituts d’études ­politiques (IEP). Au reste, les responsables de ces établissements ne demandent pas mieux que d’accueillir davantage de ces élèves. « Ce sont des profils riches et intéressants pour nos écoles, observe ainsi Stéphan Bourcieu, directeur de la Burgundy School of Business. Et ils séduisent les entreprises, parce qu’ils ont une double culture, managériale et littéraire. » Même tonalité pour Jean-Guy Bernard, directeur général de l’EM Normandie : « Nous cherchons à attirer un public aussi diversifié que possible. Les recruteurs nous demandent d’ailleurs d’éviter le clonage… C’est pourquoi nous voulons encourager ces étudiants à nous rejoindre. »­Enseignants et responsables de business schools multiplient les interventions dans les classes préparatoires littéraires.

« Ce sont des étudiants qui savent se ­débrouiller, chercher l’information, la synthétiser et se mouvoir dans un environnement complexe. » Pierre-Henri ­Tavoillot, maître de conférences en philosophie à Paris-Sorbonne (Paris-IV)

Encore faut-il que ces étudiants se présentent aux concours. Or le nombre de khâgneux candidats aux grandes écoles de management ne dépasse guère 5 % à 8 % du total. Tendance similaire à l’entrée au « collège unique » de Sciences Po Paris : « En 2016, les bacheliers de la filière littéraire représentaient 10,9 % des élèves que nous avons reçus, indique Anne Lesegretain, responsable des admissions. Un pourcentage assez stable sur les dernières années. » Ce n’est pas négligeable mais ces taux ne progressent guère, en dépit du souhait affiché des écoles.

Une précieuse maîtrise du français

La raison en est simple : les littéraires ont, a priori, envie de poursuivre des études… littéraires, et non de bifurquer vers le management ou la science politique. Même après un autre cursus, « les candidats littéraires ne sont pas très nombreux – à l’exception des titulaires d’une licence Langues étrangères ­appliquées. Ils pensent avoir peu de chances de réussir chez nous, ajouteJean-Guy Bernard. C’est une erreur, car le monde de l’entreprise n’est pas fermé aux littéraires, au contraire, même si la voie royale reste le bac scientifique. »

Patrice Houdayer, directeur des programmes à Skema Business School, ­préfère voir le verre à moitié plein : « Nos ­écoles comptent chaque année 1 200 à 1 300 candidats sortis de khâgnes, sans parler des littéraires qui se présentent aux admissions sur titres. Autrement dit, entre 20 % et 25 % des élèves issus des prépas ­littéraires sont attirés par les business schools. Elles sont même la première voie d’intégration de ces étudiants – avant Normale-Sup, qui ne recrute que de petits effectifs. »

Mais si leurs qualités propres leur permettent de suivre sans difficulté une scolarité en école de management ou en IEP, les élèves venus des filières littéraires ne bénéficient d’aucun avantage au ­moment des concours. Mais dans la pratique, leur maîtrise de l’expression, à l’écrit comme à l’oral, peut se révéler précieuse, même pour des disciplines éloignées de leur zone de compétences. Une copie ­rédigée dans un français correct, dépourvue de perles orthographiques ou de fautes de syntaxe, produira une impression favorable sur le correcteur. Et dans bien des cas, elle vaudra à son auteur un petit bonus. Le constat est le même à l’oral, où l’aptitude à s’exprimer avec aisance est sans conteste un atout.

Leur culture générale permet aux littéraires de prendre du recul par rapport à une situation donnée, de s’adapter à un contexte. Cela peut être très utile dans le cadre d’un concours, où la compréhension des règles du jeu est primordiale.

« Ce sont des étudiants qui savent se ­débrouiller, chercher l’information, la synthétiser et se mouvoir dans un environnement complexe, observe Pierre-Henri ­Tavoillot, maître de conférences en philosophie à Paris-Sorbonne (Paris-IV). Ils ont une grande autonomie de travail. Autant d’aptitudes très utiles dans le monde de l’entreprise, mais aussi quand il faut préparer un examen ou un concours. »Un ­bémol toutefois : « Leur manque de préparation aux oraux est parfois un handicap, pointe Patrice Houdayer. Mais le plus souvent, ils compensent largement cette faiblesse par leur intérêt pour l’art et la ­culture, leur ouverture d’esprit, et leur aisance dans l’expression… »