C’est dans les villes que les réfugiés arrivent
C’est dans les villes que les réfugiés arrivent
Par Francis Pisani
La question de l’afflux de réfugiés est souvent évoquée par pays. En fait, les migrants arrivent dans les villes. C’est là que les problèmes se posent. Et se résolvent… parfois.
Émigrants allemands s'embarquant pour New York depuis le port de Hambourg. Image de Harper's Weekly du 7 novembre 1874 | https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AGermans-emigrate-1874.jpg
Trois actualités douloureuses illustrent le fait que les migrants arrivent d’abord dans les villes.
· Aux Etats-Unis, Trump s’en prend aux villes sanctuaires en les menaçant de les priver de certains fonds fédéraux si elles s’entêtent à recevoir des immigrants sans papiers et avec un casier judiciaire. San Francisco, Los Angeles, Chicago, New York et plus de 200 autres ont, pour le moment, décidé de tenir tête. Miami s’incline.
· Un jeune réfugié gambien échoué à Venise a décidé, dimanche 22 janvier, de mettre fin à ses jours devenus sans espoir en se lançant dans les eaux du Grand canal. Des touristes l’ont filmé en train de se noyer. Indifférence. Il n’était pas du coin.
· Saisis par l’hiver européen, des milliers de réfugiés restés dans des camps ont dû subir des froids redoutables alors que d’autres, évitant les villes sur le chemin du nord, sont exposés à des risques élevés d’hypothermie et de famine.
Certaines villes, pourtant, réagissent.
· Confrontées à un afflux de réfugiés record, les villes allemandes innovent, en particulier Hambourg, souligne le think tank américain Brookings. Hambourg a créé un centre de traduction vidéo live en 50 langues pour permettre aux immigrants de consulter un médecin dans leur idiome, explique l’Atelier. Le Refugee First Response Center (Centre de premiers secours aux réfugiés) est installé dans un conteneur adapté, il peut être reproduit et installé à Beyrouth au Liban comme à Samos en Grèce. Dans un tout autre domaine, le jardin Kampnagel a ouvert l’espace Migrantpolitan pour encourager l’expression artistique par/avec/pour les migrants. L’été dernier, il y avait même un casino dans lequel il était bon de perdre puisque l’argent allait aux réfugiés.
· 70 maires européens, dont Anne Hidalgo (Paris) et Ada Colau (Barcelone), réunis au Vatican en décembre 2016 ont décidé de créer un réseau de « villes d’accueil ». « Il faut un réseau de maires qui favorise des couloirs humanitaires européens et mette la pression sur les gouvernements, afin de mener à une véritable politique d’accueil », a déclaré le maire de Vintimille, dont la ville est devenue un « petit Calais » italien, indique le quotidien français La Croix.
· La responsable de la résilience (Chief Resilience Officer) de la ville d’Athènes, Eleni Myrivili, explique, sur le site GreenBiz, que les Etats abordent le problème des réfugiés de façon de plus en plus « sectaires, xénophobes et autoritaires ». En conséquence, elle estime que les villes doivent prendre le relais. « Si [les villes] ne parviennent pas à gérer et à soutenir les personnes déplacées, elles pourraient faire face à des problèmes croissants de santé publique, de sécurité et de droits de l’homme. Mais surtout, elles perdront une bonne occasion d’améliorer leurs infrastructures, leurs services et leurs systèmes de gouvernance, une occasion de renforcer leur démocratie ainsi que la capacité de réponse de leurs communautés locales », dit-elle.
Les villes constituent des centres d’attraction paradoxaux pour les réfugiés climatiques.
· Leur nombre s’est élevé à 140 millions au cours des six dernières années, selon le quotidien britannique The Guardian. Chassés de leurs territoires par des variations de température extrêmes, les éleveurs mongoliens, par exemple, affluent vers les villes et doivent renoncer à leur mode de vie traditionnel.
· Mais, rien n’est simple et, un peu plus au sud, des dizaines de milliers de Chinois ont fui les villes aux pires moments de l’« airpocalypse » des pics de pollution, indique le même Guardian.
Ceux qui veulent en savoir plus suivront avec intérêt les travaux du groupe participatif de recherche Babels, décrits notamment la partie intitulée « La ville comme frontière : ce que les villes font aux migrants, ce que les migrants font à la ville ».
Brookings publie une série d’articles intéressants autour de la réponse européenne à la question des réfugiés et souligne que ces derniers « n’arrivent pas seulement dans des pays, ils s’installent dans des villes ».