La couverture du premier tome. | DC COMICS & Viacom International Inc. / URBAN COMICS

Le justicier de Gotham et les chevaliers d’écailles font équipe dans une série de comics dont le premier tome paraît en France vendredi 10 février chez Urban Kids. Une collaboration en six tomes qui a surpris les fans, interroge les lecteurs mais n’est, tant s’en faut, pas si ridicule que ça. On a trouvé au moins trois raisons de le défendre.

Mais avant cela, comment les créateurs de ce comics ont-il réussi à justifier pareille rencontre ? Krang, vilain extraterrestre qui ressemble à un chewing-gum qui aurait passé trop de temps sous une chaussure, veut régner sur New York et le monde entier. Pour avoir la paix et mener à bien son plan, il décide de se débarrasser des Tortues Ninja et d’un autre groupe de malfaiteurs qui le gêne, le clan des Foot. Pour ce faire il les expédie dans une autre dimension, celle de Gotham City. Shredder, le chef des Foot, ne se démonte pas et voit l’occasion de régner sur deux villes à la fois. C’est en tentant de le stopper que les tortues se mettent sur le chemin de Batman.

Raison #1 : La rencontre de deux univers sombres

Voir Bruce Wayne partager une pizza avec Leonardo, Raphael, Michelangelo et Donatello, c’est assister à la réunion de deux énormes franchises des années 1990 : Batman comme les Tortues Ninja étaient incontournables dans les cours de récré. Films, dessins animés, jeux vidéo, figurines... Ces deux séries ont connu un « reboot » (redémarrage) récemment.

Batman The Animated Series (1994)
Durée : 01:02

Dans les années 1980-1990, que l’on appelle le « Dark age » du comics, Batman, comme de nombreux héros, connaît un regain de popularité. Sous la plume de Frank Miller (Sin City, 300), ses histoires vont se tourner vers un public plus adulte et gagner en profondeur. C’est cette période qui va inspirer d’ailleurs le Dark Knight torturé des films récents de Christopher Nolan.

Tortues Ninja (Générique TV - FR 1987)
Durée : 01:01

Si les Tortues Ninja ont connu la renommée grâce au dessin animé plutôt comique de 1987, l’histoire originale de ces chevaliers mutants est beaucoup plus mature et sanglante. Les tortues naissent fin 1983 de l’imagination de deux dessinateurs, Peter Laird et Kevin Eastman, qui parodièrent les super-héros classiques tout en rendant hommage à leurs auteurs de BD préférés, comme Jack Kirby (Captain America, Hulk, les X Men...).

De nombreux clins d’œil sont aussi adressés à un super-héros très sombre : Daredevil. Par exemple, le clan de La Main, une secte japonaise que combat le justicier aveugle, inspire le clan des Foot à Peter Lair et Kevin Eastman. Le premier film adapté des Tortues Ninja en 1990 reprendra d’ailleurs cette ambiance noire initiale, presque à l’opposé du dessin animé.

Raison #2: Les auteurs de ce comics s’y connaissent

DC et IDW publishing, les éditeurs américains qui ont collaboré sur cette série, ont fait appel à des connaisseurs. Au scénario, James Tynion IV a travaillé sur de nombreux numéros de Batman. Quant au dessinateur Freddie Williams II, il a également planché sur l’homme chauve-souris, mais aussi sur les nouvelles couvertures des BD Tortues Ninja : « Ce dessinateur est considéré par un grand nombre de fans du comics actuel comme l’un des meilleurs que nous ayons eus », explique Yoyoalchemist, administrateur de la communauté Tortues Ninja France et créateur du site Tortuepedia. La critique est d’ailleurs plutôt unanime : les dessins de Williams sont réussis, pas naïfs et rugueux.

Une planche de « Batman et les Tortues Ninja ». | © 2016 DC COMICS & Viacom International Inc. All Rights Reserved © 2017 URBAN COMICS

Raison #3: L’histoire est plutôt cohérente

Le scénario est plutôt basique, sans surprise ; il s’adresse à un jeune public. La BD est d’ailleurs éditée en France dans la collection jeunesse d’Urban. Mais les nostalgiques auront plaisir à lire cette histoire régressive qui respecte assez bien les intrigues d’origine et leurs univers, comme l’explique Yoyoalchemist :

« L’une des principales craintes était que les tortues et les personnages de leur univers y soient décrits de manière enfantine pour coller à la réputation qu’elles traînent depuis le dessin animé de 1987. Et finalement pas du tout ! On retrouve un Shredder cruel et loin d’être ridicule et des tortues qui n’ont pas peur de se salir les mains au combat aux côtés de Batman. »

L’humour adolescent caractéristique des Tortues Ninja est présent sans lourdeur ; les auteurs se sont amusés à transformer tous les vilains de Batman en animaux mutants puissants à l’image des Beebop et Rocksteady, les acolytes de Shredder.

Par ailleurs, James Tynion IV, le scénariste, a veillé à mettre en avant les ressemblances entre les deux séries pour mieux les fusionner. Ainsi Raphael, la tortue la plus téméraire et aigrie de la bande, cultive des points communs avec Batman. Michelangelo, le blagueur de service, résonne très bien face à l’humour pince-sans-rire et britannique d’Alfred le majordome. Shredder comme Ra’s al Ghul (l’ennemi de Batman) ont percé le secret de l’immortalité et maîtrisent les arts martiaux : ils forment un duo efficace.

Pas le premier duo bizarre

Les Tortues Ninja avaient déjà par le passé fait équipe avec les Ghostbusters ou Mulder et Scully dans la BD X-Files (tous des licences d’IDW Publishing aux Etats-Unis). Batman, lui, a déjà filé un coup de main à Scooby-Doo et s’est aussi retrouvé face aux Predators. A côté, la réunion de Bruce Wayne et des fils de Splinter paraît moins saugrenue. De la même façon, DC et IDW ont allié l’an dernier deux de leurs autres licences : Star Trek et Green Lantern.

Batman & les Tortues Ninja, tome 1 « Amère Pizza », Urban Kids, 10 euros.