Une démission au sein de la Fed donne un nouvel atout à Trump pour déréglementer la finance
Une démission au sein de la Fed donne un nouvel atout à Trump pour déréglementer la finance
Par Stéphane Lauer (New York, correspondant)
Nommé par Barack Obama pour superviser les grandes banques américaines, Daniel Tarullo vient d’annoncer son départ.
Vue de la Réserve fédérale américaine (Fed) à Washington, le 17 septembre 2015. | BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
Daniel Tarullo, l’un des principaux artisans du renforcement de la réglementation financière aux États-Unis, a annoncé, vendredi 10 février, sa démission du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale (Fed). Même s’il n’a pas donné de raison à son départ, qui devrait intervenir le 5 avril, la décision de M. Tarullo intervient quelques jours après la signature par Donald Trump d’un décret visant à assouplir le cadre réglementaire de la finance.
M. Tarullo, 64 ans, avait été nommé par Barack Obama en janvier 2009 pour superviser les grandes banques américaines afin d’éviter une nouvelle crise financière. Le rôle de cet ancien professeur de droit à l’université de Georgetown a notamment consisté à instaurer des règles plus strictes en obligeant les établissements de Wall Street à rendre plus sûre leur structure capitalistique en renforçant leurs fonds propres.
En s’appuyant sur la loi Dodd-Frank votée en 2010, il a notamment contribué à mettre en place des tests de résistance, permettant de jauger la capacité des grandes banques à faire face à une nouvelle crise financière. Le but étant d’éviter que les contribuables américains ne soient à nouveau mis à contribution pour renflouer le système bancaire en cas d’effondrement.
Avis partagés sur son bilan
Les avis sur le bilan de son action sont partagés. Certains estiment qu’il a effectivement rendu le système bancaire américain plus solide en le contraignant à prendre moins de risques. Vendredi, Janet Yellen, la présidente de la Fed, a ainsi rendu hommage à son action, qualifiant sa contribution d’« inestimable ». Mais, d’autres, à gauche, lui reprochent de n’avoir pas été assez loin en n’osant pas remettre pas en cause le principe du « too big too fail » (les banques étant trop grosses pour qu’on les laisse faire faillite). À l’opposé, le lobby bancaire l’accuse d’avoir coupé les ailes des grands établissements à force de réglementation, tout en donnant une influence excessive au gouvernement américain dans l’activité bancaire.
Ces critiques ont été largement reprises par Gary Cohn, le directeur du Conseil économique national à la Maison Blanche. « Nous avons les meilleures banques du monde et les mieux capitalisées et nous devrions utiliser notre avantage compétitif. En revanche, nous avons aussi les banques les plus réglementées du monde », a déclaré l’ex-numéro deux de Goldman Sachs il y a quelques jours dans un entretien accordé au Wall Street Journal, ajoutant que la nouvelle administration voulait « déverrouiller » ce système qui a consisté à « entasser du capital ». En guise de réponse, M. Tarullo et Mme Yellen ont réaffirmé que la loi Dodd-Frank ne doit pas être édulcorée car elle a contribué à réduire les risques au sein du système financier.
Sièges vacants
En tout cas, le départ de M. Tarullo constitue une opportunité pour M. Trump de faire évoluer les sensibilités politiques au sein de la Fed. Car, outre son rôle sur la réglementation, M. Tarullo est aussi un membre votant du comité de politique monétaire de la banque centrale. Or, après sa démission, pas moins de trois sièges seront désormais vacants.
En fin d’année dernière, M. Obama avait en effet proposé de nommer Allan Landon, un ancien dirigeant de la Bank of Hawaii, et Kathryn Dominguez, professeure à l’Université du Michigan, mais le Sénat, à majorité républicaine, s’y était opposé. Par ailleurs le vice-président de la Fed, Stanley Fischer, doit quitter son poste en juin 2018, tandis que M. Trump a laissé entendre qu’il ne renouvellerait pas le mandat de Mme Yellen, qui, lui aussi, arrive à échéance en 2018.
Le démantèlement de la réglementation financière s’annonce certainement plus laborieux que ce qu’annonce M. Trump. Il faut en effet que le Congrès se saisisse des modifications, les vote, puis que les régulateurs interprètent les nouvelles règles, avant de les rendre applicables. Un processus qui pourrait prendre plusieurs années. En revanche, à plus court terme, M. Trump a la possibilité de nommer des candidats plus en phase avec sa vision à la fois de la politique monétaire et de la régulation. Pour remplacer M. Tarullo, on parle de David Nason, actuellement PDG d’une filiale financière du conglomérat General Electric et ancien responsable au secrétariat aux Finances.