Les recettes de Carlos Tavares pour redresser PSA
Les recettes de Carlos Tavares pour redresser PSA
LE MONDE ECONOMIE
Le bénéfice du constructeur automobile a bondi de 92 % en 2016, s’établissant à 1,7 milliard d’euros.
Carlos Tavares le 5 avril 2016. | Bloomberg / Bloomberg via Getty Images
Priorité à la rentabilité plutôt qu’à la croissance… Le leitmotiv préféré – jusqu’à présent – de Carlos Tavares, président du directoire de PSA, est magistralement illustré par les résultats financiers 2016 du premier constructeur automobile français. Le groupe a annoncé, jeudi 23 février, avoir réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 54 milliards d’euros en légère baisse de 1,2 % (mais en hausse de 2,1 % à taux de change constant) quand le bénéfice net part du groupe a bondi de 92 % pour s’établir à 1,7 milliard d’euros.
Comme promis, M. Tavares a mis l’accent sur la profitabilité d’un groupe qui – il y a à peine quatre ans – brûlait 4 millions d’euros de cash par jour. Illustration : la marge opérationnelle a atteint un record de 6 % pour la division automobile contre 5 % en 2015, le résultat opérationnel courant (3,24 milliards) est supérieur au consensus des analystes et le flux de trésorerie net a été positif de 2,7 milliards d’euros sur 2016, ce qui porte le trésor de guerre de PSA à 6,8 milliards au 31 décembre. De quoi faire quelques emplettes…
Pour la première fois depuis 2011, PSA versera un dividende à ses actionnaires de 0,48 euro par action, soit 388 millions d’euros distribués ce printemps si l’assemblée générale ratifie la décision. Chacun des trois actionnaires de référence – la famille Peugeot, le constructeur chinois Dongfeng et l’Etat français – touchera 50 millions d’euros correspondant à sa quote-part du capital, à savoir 13 %. Une forme de rétribution pour le sauvetage de l’entreprise en 2014. L’Etat, épaulé par Dongfeng, avait dû voler au secours d’une entreprise alors au bord de la faillite.
Un intéressement devrait être versé aux salariés
Les actionnaires ne sont pas les seuls à être récompensés. Un intéressement au moins égal à 2 000 euros net par salarié devrait également être versé. Un montant qui satisfait Force ouvrière, premier syndicat de Peugeot-Citroën. « Le contrat est rempli, affirme Christian Lafaye, délégué syndical FO. Je n’ai jamais vu en quarante ans de carrière un tel montant versé aux salariés. » L’accueil est différent du côté de la CGT. « C’est une prime au rabais, inacceptable, s’indigne Jean-Pierre Mercier, porte-parole du syndicat chez PSA. Les bénéfices ayant presque doublés, l’intéressement de 1 600 euros l’an dernier doit lui aussi doubler. »
Peugeot-Citroën-DS est donc dans une forme impeccable. L’entreprise affiche une rentabilité analogue à celle de son éternel rival Renault. Seul un indicateur souffre de la comparaison : l’évolution du chiffre d’affaires. Celui de Renault connaît une croissance à deux chiffres quand les ventes de PSA n’augmentent guère. La hausse du nombre de voitures vendues en 2016 (+ 5,8 % pour atteindre 3,2 millions de véhicules) mise en avant par PSA n’est due qu’à la réintégration dans les comptes du groupe des ventes iraniennes réalisées par des sociétés partenaires locales.
L’objectif affiché par M. Tavares d’une augmentation de 25 % du chiffre d’affaires en 2021 par rapport à 2015 serait un défi très difficile à surmonter sans la perspective de l’alliance avec Opel, révélée le 14 février. Selon nos informations, M. Tavares a longuement détaillé les principaux aspects du futur mariage et de la négociation en cours au conseil de surveillance du groupe mercredi 22 février.
Les atouts de l’alliance avec Opel mis en avant
Sans surprise, M. Tavares a présenté sous un jour très positif ce qui va probablement ressembler davantage à une alliance qu’à une fusion. Opel restera une marque allemande à part entière, les clients étant, selon le patron de Peugeot-Citroën, très attachés à cette identité. L’avantage principal de ce rapprochement résidera dans la capacité de la nouvelle entité à produire 5 millions de véhicules à l’horizon 2020-2021, soit 16 % de plus que la somme des productions actuelles de PSA et d’Opel-Vauxhall, et 56 % de mieux que les ventes du seul groupe français.
Les près de 7 milliards d’euros de trésorerie que PSA affiche dans ses comptes devraient permettre de boucler l’opération Opel évaluée à 3 milliards d’euros, coût des restructurations comprises. Mais il faut d’abord que soient résolues deux difficultés. Premièrement, qui financera les retraites des salariés d’Opel, à savoir des engagements de 7 milliards d’euros ? Deuxièmement, que faire de la partie européenne de GMAC – la « Banque Opel » –, sachant que le groupe français possède déjà son propre établissement, Banque PSA Finance ? La création d’une coentreprise avec un grand établissement financier européen est à l’étude.
M. Tavares n’a pas caché qu’Opel-Vauxhall présente quelques faiblesses en matière de compétitivité. La masse salariale de la marque anglo-allemande représente 15 % du chiffre d’affaires, contre 10 % côté PSA. Le président du directoire n’envisagerait toutefois pas de suppression de site et compte améliorer la productivité de la future entité.
C’est là qu’intervient la méthode Tavares qui est parvenu chez PSA à une réduction de coût de 1,2 milliard d’euros entre 2014 et 2016, sans casse sociale majeure. « Nous ne changerons rien à notre stratégie avec le rachat d’Opel », a affirmé M. Tavares lors de la présentation des résultats. Cela passe par des plans de compactage des usines : rassemblement de la production dans un nombre réduit de bâtiments et généralisation d’une organisation monoligne, rassemblant la production de chaque site sur une chaîne de montage unique. Ensemble, le français et l’anglo-allemand pourraient générer 2 milliards d’euros de synergies.
La patte Tavares est manifestement appréciée par les actionnaires de référence. Le conseil de surveillance a reconduit, le 22 février, à l’unanimité le directoire de PSA, dont son président M. Tavares, pour quatre nouvelles années.