« Martin Schulz apparaît comme un homme neuf, extérieur à la grande coalition »
« Martin Schulz apparaît comme un homme neuf, extérieur à la grande coalition »
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
Pour le directeur de l’institut de sondages Kantar Public Allemagne, Nico Siegel, le candidat du SPD à la chancellerie a redonné à son parti « une confiance en soi ».
La chancelière allemande, Angela Merkel, et Martin Schulz, alors président du Parlement européen, à Bruxelles, le 15 décembre 2016. | EMMANUEL DUNAND/AFP
Un mois après avoir désigné l’ex-président du Parlement européen, Martin Schulz, comme candidat à la chancellerie allemande, le Parti social-démocrate (SPD) enregistre une forte progression dans les sondages. Selon la dernière enquête réalisée par l’institut Emnid et publiée dimanche 19 février dans le quotidien Bild, celui-ci est crédité de 33 % des voix, soit un point de plus que la CDU/CSU. Dans ce baromètre hebdomadaire, les sociaux-démocrates n’avaient pas devancé les conservateurs dans les intentions de vote depuis fin 2006.
A sept mois des prochaines élections législatives, qui auront lieu le 24 septembre, que disent ces sondages des chances d’Angela Merkel d’être réélue chancelière pour la quatrième fois ? Et, au-delà du nom du futur chancelier, que laissent-ils présager quant à la composition de la future majorité gouvernementale, entre un maintien de l’actuelle « grande coalition » SPD-CDU/CSU et la formation d’une alliance « rouge-rouge-verte » entre le SPD, les écologistes et Die Linke (gauche radicale) ? Entretien avec Nico Siegel, directeur général de Kantar Public Allemagne et patron de l’institut Infratest-Dimap.
Au vu des enquêtes d’opinion, qui a aujourd’hui, selon vous, le plus de chances d’être le prochain chancelier allemand, Angela Merkel ou Martin Schulz ?
C’est aujourd’hui très prématuré de faire des pronostics sur le nom du futur chancelier. La campagne n’a pas véritablement commencé, il peut se passer des tas de choses dans les sept mois qui nous séparent du scrutin. Mais une chose est incontestable : l’issue des prochaines élections législatives paraît aujourd’hui mille fois plus incertaine que ce que pouvaient imaginer la plupart des analystes il y a encore quelques mois.
Comment expliquez-vous la montée si rapide du SPD dans les intentions de vote ? Certains commentateurs n’hésitent pas à qualifier d’« euphorie » l’engouement dont jouissent ces temps-ci les sociaux-démocrates. A-t-on déjà vu une telle poussée sondagière en si peu de temps ?
Depuis vingt ans qu’existe notre baromètre ARD-DeutschlandTREND, un tel phénomène ne s’est produit qu’une fois : c’était au profit des Verts, après la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, en mars 2011.
Aujourd’hui, oui, on peut en effet parler d’un sentiment d’euphorie à propos de la social-démocratie allemande, à condition toutefois d’ajouter aussitôt qu’aucun élément ne nous permet de dire si cette euphorie sera durable. Reste que la nomination de Martin Schulz a redonné au SPD une confiance en soi qu’il avait perdue depuis fort longtemps.
Sur quoi la popularité de M. Schulz repose-t-elle ?
Il apporte un souffle d’air frais. Il apparaît comme un homme neuf, extérieur à la grande coalition CDU-CSU/SPD qui dirige le gouvernement fédéral depuis 2013. Il donne le sentiment d’avoir les pieds sur terre, d’être crédible et proche des gens. Reste à savoir si les électeurs vont ou non le juger compétent sur les grands dossiers politiques.
Depuis l’annonce de la candidature de M. Schulz à la chancellerie, le 24 janvier, le SPD a gagné environ dix points dans les sondages. Qui sont ces nouveaux électeurs ?
Parler de « nouveaux électeurs » est délicat car nous mesurons des opinions et pas des voix. Mais d’une façon générale, la candidature de M. Schulz a une sorte d’effet-aspirateur dont pâtissent l’ensemble des partis.
Y a-t-il d’anciens électeurs de Mme Merkel qui se reportent aujourd’hui sur M. Schulz ?
Très clairement, oui. Mais on ne doit pas oublier que, parmi les soutiens de Mme Merkel, figurent beaucoup de gens qui étaient auparavant des électeurs du SPD. Ce que l’on observe, c’est que ces gens-là sont potentiellement en train de revenir au bercail.
Au vu des derniers sondages, la perspective d’un changement de coalition et d’une alliance gouvernementale entre le SPD, les Verts et Die Linke (gauche radicale) apparaît-elle plausible ?
D’un point de vue purement mathématique, nous ne sommes pas aujourd’hui dans une telle configuration. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe de très grandes différences entre ces trois partis, en particulier sur la politique économique et l’euro. Quoi de commun, par exemple, entre l’aile gauche de Die Linke, incarnée par Sahra Wagenknecht, et l’aile dite « réaliste » des Verts, représentée par le coprésident du parti, Cem Özdemir, ou le ministre-président du Bade-Wurtemberg, Winfried Kretschmann ? Peut-être que la perspective de gouverner ensemble peut mettre ces différences à l’arrière-plan, mais le fait est qu’elles sont énormes.
Les derniers sondages font apparaître un tassement des Verts et du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Pourquoi ?
Cela tient en partie à la poussée du SPD. Par ailleurs, il est toujours difficile, pour les plus petits partis, de se faire une place quand l’attention médiatique est concentrée sur les plus gros et sur les candidats qui peuvent prétendre au poste de chancelier. Quand la question qui monopolise l’attention est « Schulz ou Merkel ? », les plus petits partis doivent redoubler d’efforts pour peser dans le débat politique.