TV : « Le pays de l’innocence, enfance et adolescence de François Mitterrand »
TV : « Le pays de l’innocence, enfance et adolescence de François Mitterrand »
Par Daniel Psenny
Notre choix du soir. Frédéric Mitterrand explore les premières années de son oncle sous la forme d’un journal intime (sur LCP-AN à 20 h 30).
L’habileté politique de l’ancien président de la République trouve ses sources dans les premières années passées en Charente, au sein d’une famille catholique, conservatrice et lettrée.
On croyait tout connaître sur l’ancien président de la République François Mitterrand (1916-1996) tant les documentaires réalisés sur sa vie politique et intime sont nombreux. Pourtant, aucun documentariste n’était allé explorer son enfance et son adolescence, qui expliquent, par bien des aspects, sa vie privée et sa très longue carrière politique. C’est son neveu, Frédéric Mitterrand, qui est allé piocher dans les archives familiales et dans sa mémoire personnelle pour livrer ce documentaire écrit et commenté à la première personne. Une manière d’incarner le personnage, comme si c’était François Mitterrand lui-même qui racontait sa propre histoire sous forme de confidences.
« Cette partie de la vie de François Mitterrand a été inexplorée, car il parlait très peu de son enfance ou seulement par bribes », dit Frédéric Mitterrand dans la présentation de son documentaire. « Plutôt qu’un récit classique, j’ai décidé de parler à sa place en reconstituant les quelques histoires qu’il avait laissées dans ses livres et en les mêlant aux récits de mon père, poursuit l’ancien ministre de la culture de Nicolas Sarkozy. C’est une démarche personnelle et affectueuse, et l’effet est sans doute insolite. »
Mitterrand adolescent en 1930 | LCP
Il est vrai que ce documentaire bien mis en images avec des documents parfois exceptionnels (dont ce petit film en couleurs de François Mitterrand en uniforme à Jarnac, avec son premier amour, Catherine Langeais) surprend par le ton qu’il revêt. Celui, bien connu, de l’animateur Frédéric Mitterrand qui, d’une manière uniforme et parfois lancinante, déroule un récit avec une empathie désarmante dont certains s’agaceront. Peut-être ceux-ci trouveront-ils ridicule que, dans son commentaire, il reprenne systématiquement les surnoms des grands-parents de François Mitterrand – « Papa Jules » et « Maman Nini » –, même si ces derniers ont eu un rôle essentiel dans la vie de l’ex-chef de l’Etat.
Repères et « socle moral »
Mais le mauvais effet s’estompe assez rapidement grâce à l’évocation des moments-clés qui ont forgé la personnalité du natif de Jarnac, où le grand-père avait fondé sa fabrique de vinaigre. Tourné sur les lieux mêmes, on découvre l’intérieur de la maison familiale avec son jardin et les lieux d’autrefois qui restent intacts. On y perçoit surtout un François Mitterrand attiré par les arbres, les pierres, la nature, le silence des abbayes, la lecture, qui l’ouvre au romanesque, le plaisir des grandes tablées familiales, une forme de rébellion contre l’éducation catholique et le conservatisme de l’école. Autant de repères qui guideront ensuite sa vie. Elève moyen dont les professeurs oubliaient déjà, à l’écrit, les deux R de son nom, le petit Mitterrand trouvait sa ressource à « Tout-Vent », le domaine des grands-parents, qu’il n’a jamais pu racheter même lorsqu’il fut au sommet de l’Etat.
« Il m’a toujours semblé que l’habileté politique de François Mitterrand, que ses adversaires et ses concurrents ont toujours soulignée, pour la redouter ou s’en plaindre, s’appuyait sur un socle moral largement sous-estimé et pourtant très solide, construit durant son enfance et son adolescence grâce à ses parents, à sa famille, à la Charente, ce pays de l’innocence qu’il évoquait souvent », écrit Frédéric Mitterrand qui, après la diffusion du documentaire, participe à un débat dans le cadre de l’émission « Droit de suite » animée par le journaliste Jean-Pierre Gratien.
Le Pays de l’innocence, enfance et adolescence de François Mitterrand, de Frédéric Mitterrand (Fr., 2017, 52 min).