L’ancien directeur général du FMI, Rodrigo Rato, et l’ancien président de Caja Madrid, Miguel Blesa, lors du premier jour du procès de l’affaire dite des « cartes black », le 26 septembre 2016, à Madrid. | SERGIO BARRENECHEA / AFP

Quatre ans et demi de prison. Le verdict est tombé jeudi 23 février pour Rodrigo Rato, ancien patron du Fonds monétaire international (FMI), de 2004 à 2007. En tant qu’ex-président de la caisse d’épargne espagnole, Caja Madrid, puis du conglomérat bancaire Bankia de 2010 à 2012, il a été reconnu coupable de détournement de fonds dans ce qu’on appelle l’affaire des « cartes black », des cartes de crédit de complaisance, opaques et non déclarées au fisc, distribuées aux membres du conseil d’administration de ces deux établissements entre les années 2003 et 2012.

Outre Rodrigo Rato, soixante-quatre directeurs et membres du conseil d’administration ont été condamnés. La peine la plus élevée (six ans de prison) a été infligée à l’ancien président de Caja Madrid, Miguel Blesa, à l’origine de ce système qui a permis de détourner plus de 12 millions d’euros.

Symbole de la corruption

Lorsque, en 2014, les médias avaient rendu publics les relevés de ces « cartes black », l’affaire avait suscité une vive indignation dans le royaume, alors que la crise sévissait. Restaurants de luxe, hôtels, voyages, bijoux, retraits d’espèces ont été payés par l’ancienne caisse d’épargne Caja Madrid, dont la fusion avec six autres cajas en 2010 avait donné naissance au géant Bankia. M. Rato avait, ainsi, dépensé 99 000 euros en trois ans en alcool, cadeaux de Noël, fruits de mer… Et il avait continué ces dépenses hors de tout contrôle alors que les difficultés s’aggravaient pour Bankia. En 2012, la banque avait dû être sauvée de la faillite par le gouvernement qui y a injecté près de 23 milliards d’euros.

L’affaire des « cartes black » est devenue le symbole de la corruption qui a prévalu au sein des anciennes caisses d’épargne espagnoles. Ces fondations semi-publiques, à vocation sociale, contrôlées par les régions autonomes, qui en ont fait souvent des outils de financement politique, ont été au cœur de la crise bancaire. Au sein de leurs conseils d’administration siégeaient des représentants politiques de tous bords, conservateurs, socialistes ou communistes, mais aussi de syndicats ou du patronat, fermant les yeux alors que gonflait une bulle du crédit, alimentant à son tour une bulle immobilière qui a fini par exploser en 2008.

Succession de procès contre des banquiers

Cette affaire a aussi marqué le début de la descente aux enfers de Rodrigo Rato. Celui qui fut le ministre star de l’économie des gouvernements du conservateur José Maria Aznar (1996-2004) est aussi mis en examen pour « escroquerie, abus de biens sociaux, faux et usage de faux », dans l’affaire de l’introduction en Bourse de Bankia, en 2012, qui a ruiné des milliers de petits actionnaires. Il est par ailleurs accusé de « blanchiment, corruption et fraude » présumés, pour des irrégularités fiscales concernant ses entreprises familiales, et de possibles pots-de-vin perçus lorsqu’il était à la tête de Bankia.

En Espagne, les procès contre des banquiers se succèdent sans fin, beaucoup d’entre eux après des plaintes déposées par le FROB, le fonds public de restructuration des banques espagnoles, qui a injecté plus de 42 milliards d’euros d’argent public pour sauver le secteur durant la crise. En 2014, quatre banquiers de Caixa Penedès ont été condamnés à deux ans de prison pour « administration déloyale » pour avoir empoché 30 millions d’euros d’épargne retraite. En janvier, cinq ex-dirigeants de la banque NovaCaixaGalicia, condamnés à deux ans de prison pour s’être accordé de généreux parachutes dorés en pleine crise, ont été incarcérés.

Le prochain grand procès contre des banquiers commencera le 29 mai. C’est celui des ex-présidents et directeurs généraux de la Caja Mediterraneo (CAM), pour la faillite de l’établissement, en 2011, ayant obligé l’Espagne à injecter 2,8 milliards d’euros. Ce ne sera pas le dernier.